Question au Gouvernement n° 606 :
Assassinat d'Aboubakar Cissé

17e Législature

Question de : Mme Sabrina Sebaihi
Hauts-de-Seine (4e circonscription) - Écologiste et Social

Question posée en séance, et publiée le 30 avril 2025


ASSASSINAT D'ABOUBAKAR CISSÉ

Mme la présidente . La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

Mme Sabrina Sebaihi . Vendredi dernier, à La Grand-Combe, Aboubakar Cissé a été massacré, poignardé à une cinquantaine de reprises alors qu'il priait à la mosquée, tué parce que musulman. Nous adressons toutes nos condoléances à sa famille, ses proches, que nous avons reçus ce matin à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

Face à cet attentat terroriste islamophobe, où était le ministre chargé de protéger nos concitoyens, quelle que soit leur confession ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Il vous aura fallu deux jours pour réagir, deux jours non pour vous rendre sur les lieux du crime, auprès de la famille, mais pour aller vous enfermer à la sous-préfecture d’Alès, loin des regards, loin du réel. (Mêmes mouvements.) Lorsque vous avez enfin pris la parole, vous n'avez pas même été capable de prononcer un nom, mentionnant un « individu » – comme on efface, comme on balaie, comme on piétine une dignité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)

M. Laurent Croizier . De votre part, où est la dignité à l'égard du défunt ?

Mme Sabrina Sebaihi . Aboubakar Cissé n'était pas un individu, mais un jeune homme, un citoyen, un enfant de la République. Depuis des années, vos discours répandent la suspicion et attisent la haine contre nos compatriotes musulmans. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Vous ne cessez de les dénigrer ; vous avez osé évoquer leur « régression vers les origines ethniques », présenter leur foi comme un danger pour la France, le voile comme un étendard islamiste, proposer d'interdire aux mères voilées d’accompagner leurs enfants lors des sorties scolaires. (Mêmes mouvements.)

Vous n’avez jamais été à une provocation près, n’hésitant pas à lancer « Vive le sport, à bas le voile ! » devant des milliers de personnes.

Un député du groupe RN . Très bien !

Mme Sabrina Sebaihi . Pourtant, vous êtes aussi ministre des cultes, mais vous avez trahi votre charge, vous avez failli et aujourd'hui les musulmans ont peur. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Vous avez soufflé sur les braises de la haine et la haine a encore tué.

Votre silence, votre mépris, votre désertion ne sont pas une simple faute politique, ils sont une faute morale, le signe que, pour vous, la vie d’un citoyen musulman vaut moins que celle d’un autre. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – M. Inaki Echaniz applaudit également.)

Alors je n’ai qu’un seul message pour vous : la République mérite mieux que vous ; la République exige mieux que vous ! La seule issue décente, monsieur Retailleau, c’est votre démission. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe DR.) Partez organiser votre congrès, les Français ont besoin d’un ministre à plein temps pour les protéger. Allez-vous-en ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – M. Olivier Faure applaudit également.)

Mme Marie-Christine Dalloz . Et vous, vous ne voulez pas partir ?

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur . J'ai rendu hommage à Aboubakar Cissé et je me suis associé à la peine de sa famille. J'ai entendu que je n'avais pas voulu la recevoir, mais c'est absolument faux ! Dès dimanche, j'ai demandé au préfet de rechercher les parents d'Aboubakar Cissé et d'entrer en contact avec eux, notamment pour régler la question du rapatriement du corps s'ils le souhaitaient. Vous ne pouvez pas dire que je n'ai rien fait !

Mme Marie-Christine Dalloz . Si, ils le disent !

M. Vincent Descoeur . Ça ne les gêne pas !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État . J'ai fait une déclaration dès vendredi après-midi et j'ai demandé au préfet du Gard, puis à l'ensemble des préfets de France, de sécuriser les lieux de culte, comme je le fais systématiquement lorsque c'est nécessaire, quelles que soient les circonstances ou la religion concernée.

Il y a, voyez-vous, quelque chose qui tranche profondément entre votre manière d'instrumentaliser les faits (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) et ce à quoi j'ai assisté dimanche face aux représentants du culte musulman : c'est la très grande dignité de ces hommes que j'avais devant moi, à l'opposé de l'indignité de vos propos. (Mme Nadège Abomangoli s'exclame.)

Pour ma part, ce à quoi je crois, c'est à la République. Comme l'a très bien dit tout à l'heure la présidente de l'Assemblée nationale, nous devons préserver l'unité de la société française (Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI-NFP), aujourd'hui archipélisée ; nous devons préserver l'unité de la communauté nationale.

M. Gabriel Amard. C'est vous qui avez mis le feu !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État . Parce que je suis ministre des cultes, je souhaite de toutes mes forces qu'en France, que l'on croie ou non, la liberté de conscience soit respectée et que ceux qui sont de confession juive, musulmane ou chrétienne puissent pratiquer librement leur foi. Je fais le nécessaire pour cela, car la France est le pays qui a réussi à articuler ce qu'il y a de plus singulier et de plus universel dans l'être humain. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR ainsi que sur quelques bancs du groupe UDR.)

Données clés

Auteur : Mme Sabrina Sebaihi

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Crimes, délits et contraventions

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 avril 2025

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