Assurance des collectivités
Question de :
M. Julien Brugerolles
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
M. Julien Brugerolles alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les difficultés de plus en plus importantes que rencontrent les collectivités locales pour s'assurer. La crise de l'assurance des collectivités locales est sans précédent. En cause, la réponse des compagnies d'assurance face à la multiplication d'évènements exceptionnels comme les émeutes ou les catastrophes naturelles. Pour les communes, cette réponse se traduit par des primes d'assurance qui s'envolent, des résiliations brutales qui se multiplient, des appels d'offres qui restent sans candidat, des indemnisations qui sont revues à la baisse et des franchises qui explosent. Des centaines de communes de toutes tailles, qu'elles soient urbaines ou rurales, qu'elles aient un taux de sinistralité élevé ou non, sont concernées. Nombre d'entre elles se retrouvent aujourd'hui dans l'impossibilité de s'assurer. Pour l'association des maires de France (AMF), cette situation est particulièrement préoccupante car « assurer les collectivités, c'est garantir la pérennité des services publics et protéger les contribuables ». En effet, le « recours forcé » à l'auto-assurance expose la collectivité à des risques financiers importants, voire insurmontables, en cas de sinistre. Par ailleurs, la réforme du code des assurances a également un effet néfaste. Depuis le 1er janvier 2024, le calcul de la franchise applicable lors d'une prise en charge des dégâts causés par une catastrophe naturelle a été modifié. Jusqu'à présent, cette franchise était plafonnée à 10 % des montants concernés et serait désormais égale au montant de la franchise le plus élevé figurant au contrat de la collectivité. Par exemple, pour une commune comme Rive-de-Gier, qui a été durement touchée par les inondations en octobre 2024, cette modification est lourde de conséquences. La ville a connu des émeutes à l'été 2023 suite à la mort du jeune Naël à Nanterre. Au 31 décembre 2023, la compagnie qui l'assurait jusqu'alors a résilié le contrat. La commune a retrouvé un assureur mais qui lui a appliqué une franchise de 2,5 millions d'euros en cas de dégâts liés à de nouvelles émeutes urbaines. Suite à la réforme du code des assurances, c'est donc cette franchise qui sert de référence. Ce qui signifie, qu'aujourd'hui, alors que les dégâts sur le patrimoine municipal suite aux inondations ont été évalués à 2 millions d'euros, la commune se retrouve soumise à une franchise plus élevée que le montant des dégâts. C'est la double peine. Pour l'AMF, il est urgent de trouver des solutions. À cette fin, dès l'été 2023, l'association a demandé au gouvernement une mission sur l'assurabilité des collectivités territoriales afin d'en analyser les dysfonctionnements. Cette mission a rendu son rapport en septembre 2024. 25 propositions y sont formulées parmi lesquelles : l'extension au risque « émeutes » du fonds de gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme (GAREAT), un renforcement du contrôle de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sur le marché de l'assurance des collectivités, la simplification des procédures de passation de marchés publics d'assurance, la révision du système de catastrophes naturelles, la création d'un dispositif de mutualisation du risque social exceptionnel ou encore la création d'un observatoire de l'assurance dans le secteur public. En complément, les assureurs ont également avancé des pistes de réflexion. Ils proposent notamment de hiérarchiser les sinistres avec des petits sinistres qui seraient couverts en auto-assurance, des sinistres plus importants, comme un incendie dans un bâtiment communal, où les assureurs interviendraient et des évènements exceptionnels qui seraient pris en charge par l'État. Aussi, il lui demande si le Gouvernement compte se saisir de ces propositions afin de répondre à l'impasse actuelle dans laquelle se trouvent de nombreuses collectivités.
Réponse publiée le 3 juin 2025
Du fait de la sinistralité croissante liée notamment à la recrudescence des aléas climatiques et l'apparition de risques nouveaux (cyber-risques par exemple), certains assureurs ont quitté le marché de l'assurance des collectivités dans un contexte d'offre assurantielle réduite et marquée par des équilibres techniques difficiles à trouver pour les acteurs présents. De ce fait, un nombre croissant de collectivités rencontrent aujourd'hui de plus en plus de difficultés à s'assurer. Cette raréfaction de l'offre assurantielle pour les acheteurs publics se traduit par une pression à la hausse des primes, voire par l'absence de réponse à certains appels d'offre. En outre, pour les contrats existants, certains assureurs font application des dispositions législatives du code des assurances pour résilier les contrats ou imposer des conditions tarifaires qui peuvent être difficilement soutenables. Les dispositions législatives du code des assurances – qui priment sur les normes de nature réglementaire du code de la commande publique – autorisent en effet les assureurs à résilier de façon anticipée et unilatérale leurs contrats en cas d'aggravation du risque au titre de l'article L.113-4 du code des assurances. C'est bien cette raréfaction de l'offre assurantielle due à la recrudescence des risques auxquels sont soumis les collectivités qui rend difficile leur assurabilité et non l'application de la convention IRSI (convention d'indemnisation et de recours des sinistres immeubles) qui ne concerne qu'une partie limitée des sinistres des collectivités. Cette dernière est un accord entre les compagnies d'assurance pour faciliter la prise en charge et l'indemnisation des sinistres incendie et dégâts des eaux pour les immeubles en copropriété dont la réparation des dommages ne dépasse pas 5 000 €. Face à ces difficultés assurantielles, l'évaluation du risque et de la valeur assurée avec le plus haut degré de précision possible est, pour les collectivités, une condition indispensable pour faciliter le dialogue avec les assureurs et accroître leurs chances d'obtenir des réponses aux appels d'offres. Par ailleurs, plutôt que de chercher une couverture totale du risque, une évaluation préalable détaillée permet d'accepter des franchises et primes en adéquation avec les réalités économiques de la collectivité et d'envisager l'auto-assurance dans certains cas. La mise en œuvre d'une politique ambitieuse de prévention et de protection contre les risques est en outre fondamentale pour réduire le coût de l'assurance. Il existe notamment une corrélation forte entre l'existence d'un plan de prévention du risque inondation sur un territoire et la fréquence des sinistres, de la même manière que la mise en place d'un plan de prévention des inondations se traduit, en moyenne, par une réduction de 28 % du coût des sinistres. A ce titre, il existe des dispositifs permettant d'accompagner les collectivités dans leurs efforts de protection contre les risques. L'État a ainsi porté à 225 M€, dans la loi de finances pour 2024, le budget pour 2024 alloué au fonds de prévention des risques naturels majeurs (dit « fonds Barnier »), qui peut être mobilisé par les collectivités pour financer des dépenses d'investissement afin de réaliser des études, des travaux ou des équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels. Sur la base des recommandations émises par le rapport rendu par Alain Chrétien, maire de Vesoul et Jean-Yves Dagès, ancien assureur, le Premier ministre a annoncé, le 14 avril dernier, un plan d'action gouvernemental pour venir en aide aux territoires face aux problèmes d'assurabilité prévoyant notamment un accompagnement des collectivités, CollectivAssur. Outre son rôle d'accompagnement, CollectivAssur va se voir également confier d'autres missions. Elle va servir en particulier d'observatoire du marché de l'assurance des collectivités. De plus, une charte de l'assurabilité des collectivités signée entre l'État, France Assureurs et les principales associations d'élus identifie les actions réciproques en vue de faciliter la souscription d'assurance. Enfin, des travaux lancés par le Gouvernement sont actuellement en cours en lien avec les collectivités pour faciliter la passation de marchés publics. Ainsi, la mobilisation du Gouvernement est entière pour accompagner les collectivités dans la souscription de contrats d'assurance et assainir la situation devenue préoccupante dans ce secteur pour un nombre croissant de collectivités.
Auteur : M. Julien Brugerolles
Type de question : Question écrite
Rubrique : Communes
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 22 avril 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025