Question de : Mme Gabrielle Cathala
Val-d'Oise (6e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Gabrielle Cathala alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les conséquences calamiteuses de l'entière dématérialisation des procédures de demande et de renouvellement des titres de séjour auprès des préfectures. Le rapport annuel d'activité de la défenseure des droits a été publié le 25 mars 2025 sous le titre : « la Défenseure des droits appelle à un sursaut collectif face aux ruptures de droits ». Son constat est alarmant concernant les difficultés d'accès aux services publics liées à la dématérialisation, notamment s'agissant des démarches administratives pour les étrangers. En effet, depuis la mise en place de l'administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) en 2020, la situation s'est fortement aggravée. En 2024, le premier motif de saisine de la défenseure des droits provenait de réclamations relatives au droit des étrangers, un tiers des saisines concernant l'octroi ou le renouvellement des titres de séjour. Le reproche principal concerne la plateforme qui ne propose pas suffisamment de solutions aux cas particuliers, ne permet pas un accompagnement de qualité ou ne propose aucun moyen de substitution au numérique. Les conséquences en sont parfois dramatiques pour les usagers. Mme la députée, comme de nombreuses associations, a pu observer tous ces dysfonctionnements lors de l'accompagnement de personnes bloquées ou en attente d'instruction de leur demande de titres de séjour dans le Val-d'Oise. La défenseure des droits avait déjà publié un rapport le 11 décembre 2024 sur les atteintes massives de la dématérialisation aux droits des usagers via l'administration numérique pour les étrangers en France (ANEF). Le rapport indique que cet unique canal dématérialisé pour les demandes et renouvellements de titres de séjour présente de nombreux dysfonctionnements, malgré l'existence de quelques centres de contact citoyen (CCC) et points d'accueil numériques (PAN). L'expérience des usagers ou des agents est dégradée, peu intuitive et complexe avec des problèmes techniques persistants, une mauvaise conception de l'outil et un manque d'information. Le rapport précise que les difficultés « résultent aussi, pour beaucoup, de l'organisation des services préfectoraux, des pratiques des préfectures et des moyens humains insuffisants des services en charge des étrangers au sein des préfectures, ainsi que des lois et règlements régissant le droit au séjour des étrangers, s'agissant notamment de la durée des titres et des conditions de leur renouvellement ». Tous ces problèmes techniques, d'organisation et de recrutement au sein des préfectures conduisent à des délais très longs d'instruction des demandes, créant des situations exaspérantes et dangereuses pour les usagers. Des personnes se retrouvent en situation irrégulière sur le territoire alors qu'elles réunissent toutes les conditions légales pour obtenir un premier titre de séjour ou un renouvellement rapide. D'autres se retrouvent sans titre de séjour, après plusieurs décennies en situation régulière en France, à cause de délais d'instruction et de fabrication particulièrement longs. Pour toutes ces personnes, les conséquences de ces pertes du droit au séjour sont violentes avec une perte d'emploi, de logement, de prestations sociales, d'accès aux soins ou une rupture de scolarisation des enfants. La France est la septième puissance économique mondiale et ne devrait pas connaître ces situations, à moins qu'elles ne soient volontairement organisées par les politiques gouvernementales en place. Pourtant des solutions simples existent, proposées par la défenseure des droits, permettant une résolution rapide des dysfonctionnements : renforcer durablement les moyens humains affectés aux préfectures, créer une voie d'accès non dématérialisée, automatiser les renouvellements d'attestations de prolongation d'instruction, créer une nouvelle attestation permettant de créer des droits en cas de complétude du dossier, améliorer l'information des usagers et doter chaque préfecture d'un service d'accompagnement téléphonique. Mme la députée propose de dépénaliser le séjour irrégulier, rétablir la carte de séjour de dix ans comme titre de séjour de référence et régulariser tous les travailleurs sans papiers, les étudiants et parents sans papiers d'enfants scolarisés. Elle demande la mise à l'ordre du jour du Sénat de la proposition de loi adoptée en 2023 à l'Assemblée nationale tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics. Face à ce constat d'échec, elle lui demande quelles suites il compte donner aux rapports et recommandations de la défenseure des droits afin d'en finir avec les dysfonctionnements de l'ANEF et permettre une digne prise en charge des demandes de titres de séjour.

Réponse publiée le 3 juin 2025

La dématérialisation des procédures de demandes de titres de séjour et de documents de voyage et de circulation dans l'ANEF s'est effectuée progressivement, depuis 2020. Ce déploiement progressif a été effectué afin de répondre aux enjeux de dématérialisation et de transformation publique, mais également afin de répondre à un enjeu d'obsolescence des technologies utilisées jusqu'à présent. En parallèle des travaux sur le nouveau système d'information (SI), le SI historique doit continuer à fonctionner afin de maintenir la continuité du service. Une partie non négligeable des difficultés techniques résulte du maintien de ce SI historique. Son décommissionnement, actuellement en cours, permettra de réduire ces difficultés techniques et le déploiement des dernières fonctionnalités sur l'ANEF permettra de les résoudre durablement. Le ministère a déployé un plan d'action pour lutter contre les ruptures de droits. Ce plan s'articule autour de quatre leviers complémentaires : un volet réglementaire, un volet informatique, un volet de pilotage du réseau et un volet communication, chacun visant à minimiser les sources de fragilité identifiées suite à la mise en place de l'ANEF. Sur le volet réglementaire, le décret n° 2023-191 du 22 mars 2023 prévoit qu'une « solution de substitution prenant la forme d'un accueil physique permettant l'enregistrement de la demande » est mise en place pour les personnes qui, malgré l'accompagnement proposé par l'administration, « se trouvent dans l'impossibilité constatée d'utiliser le téléservice pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de celui-ci ». L'arrêté ministériel du 1er août 2023 précise les conditions de recours et les modalités de mise en œuvre de la solution de substitution. A cet effet, un réseau de Points d'Accueil Numériques (PAN) a été mis en place dans les préfectures pour renforcer l'accessibilité des services auprès des publics rencontrant des difficultés avec le numérique. Ces points d'accès sont disponibles dans toutes les préfectures et dans certaines sous-préfectures, notamment celles assurant cette mission spécifique. Les points d'accueil numériques offrent un espace équipé de matériel informatique ainsi qu'un accompagnement personnalisé, grâce à la présence de médiateurs numériques formés pour guider les usagers dans leurs démarches. Pour les territoires où les volumes de demandes sont particulièrement élevés, 44 préfectures et 8 sous-préfectures ont mis en place des points d'accueil numériques dédiés spécifiquement aux démarches de l'ANEF. Dans les autres départements, cet accompagnement est proposé au sein des PAN existants, déjà dédiés aux démarches telles que les permis de conduire et les cartes grises. En complément de cet accompagnement de proximité, le centre de contact citoyen (CCC) de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) propose un soutien téléphonique et mail pour les usagers ayant des questions ou rencontrant des difficultés dans leurs démarches en ligne. Ce centre mobilise environ 150 agents formés pour répondre aux besoins des usagers, offrant une assistance téléphonique ainsi que la possibilité de poser des questions via un formulaire en ligne. Ce service, centralisé mais accessible, garantit aux usagers un accompagnement adapté et réactif, réduisant ainsi les risques de blocage. En 2024, le centre de contact citoyens (CCC) de France Titres a transmis 4 377 signalements à la DGEF. En parallèle, 1 120 942 demandes ont été déposées sur l'ANEF. C'est donc 0,4% du volume des demandes qui aboutissent à un blocage de l'usager signalé au CCC et non résolu par celui-ci. Enfin, pour se conformer à la décision du Conseil d'État de juin 2022, un arrêté a été signé le 1er août 2023, accompagné d'une instruction adressée aux préfets. Cet arrêté précise les modalités de traitement des situations bloquantes rencontrées par les usagers de l'ANEF. Lorsqu'une difficulté technique ne peut être résolue dans un délai raisonnable, une convocation en préfecture est organisée, permettant ainsi à l'usager de déposer son dossier sous forme papier. Ce dispositif assure la continuité de l'accès aux services pour tous les usagers, même en cas d'obstacles techniques, tout en veillant à ce que le passage au numérique ne devienne pas une entrave au droit de chacun d'accéder aux services publics. Sur le volet informatique, côté agent, des ajustements techniques ont été réalisés pour renforcer les capacités de l'ANEF et ainsi réduire les risques d'interruption de droits notamment par la mise en place de dispositifs permettant aux agents de préfectures d'identifier les dossiers pour lesquels les titres arrivent prochainement à expiration. Cette capacité de priorisation vise à faciliter le traitement des demandes urgentes et renforce la continuité des droits pour les usagers. Coté usager, un système de notifications « push » est en service depuis fin avril 2024 pour rappeler aux usagers, en amont de l'échéance, les démarches à entreprendre pour le renouvellement de leurs titres permettant ainsi un accompagnement plus proactif de l'administration. Sur le volet de pilotage du réseau, le ministère renforce la coopération entre les différentes parties prenantes par une communication plus fluide entre la Direction Générale des Étrangers en France (DGEF) et les préfectures. D'importants moyens sont ainsi mobilisés pour relever le défi de la transition numérique et renforcer la qualité du service rendu à l'usager. A cet égard, l'accompagnement au bénéfice des services des préfectures a été renforcé par les services centraux par le biais notamment de « missions d'appui et de conseil » (avec un objectif de couverture de 95 % des préfectures d'ici fin 2025). Ce dispositif facilite la détection et la résolution des anomalies techniques de manière coordonnée permettant une réponse plus rapide et mieux adaptée aux difficultés rencontrées ainsi que la mise en œuvre de solutions de contournement si nécessaire. Par ailleurs, une cellule numérique du quotidien ANEF a été créé courant avril 2025 pour renforcer l'accompagnement des préfectures au changement. Cette cellule est accompagnée, dans le cadre de ses déplacements en préfectures, par une équipe technique qui prend en charge les anomalies sur place. Plusieurs déplacements ont déjà eu lieu et d'autres sont d'ores et déjà programmés. Enfin, sur le volet communication, chaque déploiement de nouvelles téléprocédures ou fonctionnalités est assorti d'un dispositif d'accompagnement renforcé à l'égard des usagers et des préfectures à différentes étapes de leur mise en service : guides et manuels divers dédiés aux préfectures (J-15), formations du CCC (j-20), Webinaires (j-10), Webinaires « retours d'expérience » (J+30 à 60). De plus la rubrique « besoin d'aide ? » du portail usager ANEF est composée de plusieurs FAQ complètes et fait régulièrement l'objet de mise à jour afin de renforcer la qualité de l'information fournie à l'usager. Par ces plans d'actions, le ministère réaffirme son engagement à garantir un accès équitable aux droits pour tous les usagers de l'ANEF.

Données clés

Auteur : Mme Gabrielle Cathala

Type de question : Question écrite

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 22 avril 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025

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