Levée du secret défense sur le triple assassinat terroriste de militantes kurdes
Question de :
M. Thomas Portes
Seine-Saint-Denis (3e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Thomas Portes interroge M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la levée du secret défense entravant le droit à un procès pour les familles de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, assassinées en plein jour et au cœur de Paris en 2013. Depuis plus de douze ans, la communauté kurde réclame vérité et justice pour ce triple assassinat survenu dans la nuit du 9 au 10 janvier 2013, dans le quartier de Strasbourg-Saint-Denis. Cet attentat terroriste, commis dans un local de la rue La Fayette abritant une association, a profondément choqué la communauté kurde ainsi que ses soutiens, en France et à l'international. Les trois militantes ont été exécutées froidement d'une balle dans la tête, en plein jour, à quelques pas de l'Assemblée nationale et du ministère de l'intérieur. Plus de douze ans après les faits, aucun procès n'a encore eu lieu. Ces trois femmes méritent un hommage digne de leur engagement. Sakine Cansiz, 54 ans, était l'une des fondatrices du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement créé en 1978 par Abdullah Öcalan. Elle a aussi contribué à la fondation du mouvement de la femme libre, dont les principes ont nourri l'engagement des combattantes kurdes dans la lutte contre Daech en Syrie. Réfugiée politique en France depuis 1998, elle était une figure emblématique de la cause kurde. Fidan Dogan, 30 ans, connue sous le nom de Rojbîn, était représentante du congrès national du Kurdistan (KNK) et responsable du centre d'information du Kurdistan à Paris. Née en Turquie, elle a grandi en France, d'abord à Lyon puis à Strasbourg, où elle s'est engagée dès l'adolescence dans les luttes kurdes, féministes et diplomatiques. Leyla Saylemez, 25 ans, militante du mouvement de jeunesse kurde, est née au Kurdistan de Turquie et a grandi en Allemagne. Étudiante en architecture, elle a milité dans plusieurs villes européennes avant de rejoindre Paris en 2012 pour soutenir les activités du centre d'information du Kurdistan. Leur assassinat, loin de leurs terres natales, a forgé leur légende et renforcé la détermination de ceux et celles qui continuent de mener leur combat. Le suspect, Ömer Güney, un ressortissant turc, avait été arrêté huit jours après les faits. Employé comme chauffeur par l'une des victimes, il a été mis en examen pour « assassinats en relation avec une entreprise terroriste ». Les éléments de l'enquête, appuyés par des vidéos de surveillance et des documents accablants, ont révélé ses liens directs avec les services secrets turcs (MIT), ainsi que son appartenance idéologique aux milieux nationalistes fascistes, notamment le mouvement Loups gris. Il est mort en détention, en décembre 2016, d'un cancer du cerveau, à un mois de l'ouverture du procès. Ce décès brutal a laissé de nombreuses zones d'ombre. En juillet 2015, le parquet de Paris avait pourtant rédigé un réquisitoire définitif de plus de 70 pages, dans lequel il évoquait la possible implication d'un service de renseignement étranger dans un assassinat politique sur le territoire national. Au-delà d'une simple affaire judiciaire, il s'agit d'un crime terroriste impliquant les services d'un État étranger, comme le soulignait le réquisitoire du procureur de la République : « De nombreux éléments de la procédure permettent de suspecter l'implication du MIT dans l'instigation et la préparation des assassinats ». En mars 2018, les familles des victimes ont porté plainte avec constitution de partie civile, espérant relancer l'enquête. En 2019, un juge antiterroriste a été désigné pour rouvrir l'instruction. Des documents venus de Belgique ont alors évoqué la possible implication de l'ancien ambassadeur de Turquie en France, agent des services turcs. Les éléments du dossier sont accablants : une conversation enregistrée entre Güney et deux agents turcs, un document s'apparentant à un ordre de mission et de nombreux témoignages établissant les liens entre le suspect et les services turcs. Les avocats des victimes affirment que l'implication du MIT est désormais clairement démontrée. Il l'interroge ainsi sur les raisons pour lesquelles le ministère refuse toujours de lever le secret-défense, 12 ans après les faits. Il l'alerte sur le besoin d'un procès qui puisse enfin rétablir la vérité sur ces crimes : ont-ils été commandités officiellement par l'État turc, ou Güney a-t-il agi de sa propre initiative, en lien avec les services ? Il lui rappelle que l'opposition à lever ce secret défense constitue un déni de justice, un affront fait aux victimes, à leurs familles, à la communauté kurde et à toutes celles et ceux qui défendent les droits humains.
Auteur : M. Thomas Portes
Type de question : Question écrite
Rubrique : Terrorisme
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date :
Question publiée le 22 avril 2025