Question orale n° 61 :
Diverses orientations qui vont impacter les agriculteurs français

17e Législature

Question de : M. Jordan Guitton
Aube (1re circonscription) - Rassemblement National

M. Jordan Guitton alerte Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur les diverses orientations qui vont impacter les agriculteurs français. En effet, il souhaiterait savoir les évolutions qui seront portées sur la directive n° 91/676/CEE du 12 décembre 1991, dite directive « Nitrates » et comment Mme la ministre compte agir afin de préserver l'utilisation des produits phytosanitaires lorsqu'il n'y a aucune alternative. Il souhaiterait donc savoir également si Mme la ministre s'engage à trouver une solution rapide afin de permettre aux betteraviers français de vivre de leur travail et de réautoriser les produits qui sont autorisés par l'Union européenne. De surcroît, M. le député souhaiterait connaître la volonté politique de Mme la ministre concernant les zones humides, avec l'utilité de la cartographie et les zones qui ne cessent de s'accroître. Aussi, les agriculteurs sont dans une situation incertaine pour la prochaine déclaration au printemps 2025 suite à la levée de l'obligation des jachères dans le cadre de la BCAE 8 de la programmation de la politique agricole commune pour 2023-2027. En effet, les parcelles en jachère depuis plus de 6 ans seront automatiquement requalifiées en prairies permanentes, les excluant ainsi du dispositif des infrastructures agroécologiques (IAE). Il souhaite donc savoir si elle compte agir rapidement sur ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2024

AGRICULTEURS FRANÇAIS
M. le président . La parole est à M. Jordan Guitton, pour exposer sa question, no 61, relative aux agriculteurs français.

M. Jordan Guitton . Merci, madame la ministre de l'agriculture, d'être présente ce matin. Je vous ai interrogée il y a quelques semaines lors d'une séance de questions au gouvernement. Aujourd'hui, j'espère avoir des réponses précises à des questions spécifiques qui, bien souvent, se posent tous les ans dans le monde agricole.

Toutefois, avant d'y venir, ma question principale concerne l'accord de libre-échange avec le Mercosur. La résolution que les députés ont adoptée presque à l'unanimité précise que cet accord n'est pas acceptable « en l'état » par la France. Cela signifie-t-il que, dans un autre « état », ce texte pourrait être validé, alors que la France importe déjà chaque année plus de 3 millions de tonnes de viande ? Les acteurs de la filière de la betterave, qu'il s'agisse de produire du sucre ou de l'éthanol, se posent également la question. Je souhaite avoir votre avis sur ce point.

Ma deuxième question concerne les terres en jachère depuis plus de six ans. Des agriculteurs de ma circonscription, qui avaient des parcelles en jachère depuis trente ans, sont obligés par la nouvelle réglementation européenne de les travailler à moins d'accepter qu'elles soient considérées comme des prairies n'ouvrant plus droit aux aides allouées aux terres arables. Vous avez agi sur ce sujet de manière provisoire. J'aimerais savoir si nous allons pouvoir légiférer de façon plus durable, afin de ne pas avoir à y revenir tous les ans, ou adopter une résolution qui verrouille les jachères, si j'ose dire, pour au moins une décennie afin d'offrir au monde agricole de la stabilité.

De même, les engagements pris à propos de la directive « nitrates » ne sont qu'annuels. Ne pourrions-nous pas un jour prendre à ce sujet des engagements pluriannuels de telle sorte que les agriculteurs, quand n'existe aucune solution alternative, puissent utiliser des produits phytosanitaires sans avoir à négocier au coup par coup des autorisations préfectorales, parfois en plein mois d'août ? Avoir une directive « nitrates » nette et précise témoignerait d'une vision claire du monde agricole et participerait de la simplification administrative que nous devons aux agriculteurs.

Je vous laisserai le temps de répondre mais je veux aussi vous interroger sur les néonicotinoïdes. Envisagez-vous de faire un pas sur ce sujet ? Pour la rentabilité de la culture de la betterave, l'année a été plutôt bonne, avec très peu de jaunisse. Toutefois, comme député du nord de l'Aube, je redoute que la filière se retrouve en difficulté si, une année, avant que la graine antijaunisse de la betterave soit tout à fait opérationnelle, la production chute en raison d'une forte résurgence de la maladie. La filière subit du reste une situation de concurrence déloyale, notamment de la part de l'Allemagne, un pays voisin mais à la réglementation différente en matière de traitements.

Ma dernière question concerne les zones humides du Grand Est, dont les trois quarts sont concentrés dans mon département, l'Aube. À quoi vont-elles servir ? Vont-elles être des zones de décroissance ?

M. le président . Merci, chers collègues, de laisser aux ministres un temps suffisant pour vous répondre dans la durée de six minutes accordée à chaque question-réponse. La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt . Il y a effectivement beaucoup de thèmes dans votre question. Je vais les aborder dans l'ordre. À propos de l'accord avec le Mercosur, vous savez que nous sommes dans l'incertitude sur la procédure qui va être retenue. La question sera-t-elle abordée au prochain sommet Europe-Mercosur ? L'accord va-t-il être divisé en deux, avec un accord commercial d'un côté et un accord-cadre de l'autre ? Quelle sera la position des différents pays membres ? En tout état de cause, il y aura trois étapes. La première sera l'avis de la Commission européenne sur l'accord. La deuxième sera sa validation par le Conseil européen, qui réunit les chefs d'État et de gouvernement. La troisième sera le passage devant le Parlement européen. Ensuite, si, comme nous l'espérons tous, l'accord n'est pas scindé, les parlements nationaux devront le valider pour qu'il entre en vigueur. Nous avons donc devant nous un temps relativement long au cours duquel nous allons faire jouer tous nos relais diplomatiques et continuer notre action pour convaincre les autres pays de ne pas signer cet accord.

En ce qui concerne les jachères et l'entrée en vigueur de la BCAE 8 – l'une des neuf bonnes conditions agricoles et environnementales –, je vous confirme, en vue de la campagne 2025, que le maintien des jachères engagées dans l'écorégime en tant que terres arables sera possible même au-delà de la cinquième année.

Pour ce qui est de la directive « nitrates », les programmes d'actions régionaux no 7 (PAR 7), application régionale du programme d'actions national Nitrates, conséquence de la directive européenne, sont compliqués et mal compris des agriculteurs. Or on ne peut pas appliquer correctement ce qu'on ne comprend pas ; la mesure n'est donc pas efficace. Nous avons entrepris un travail au niveau des régions : le ministère a engagé les préfets à réunir les parties prenantes pour lever les obstacles à l'intelligibilité de l'application de la directive « nitrates » dans le cadre des PAR 7.

En matière de phytosanitaires, le travail a également commencé. Il se décline en trois temps : le temps long de la recherche ; la préparation de la sortie des phytosanitaires à moyen terme – on ne reviendra pas sur la trajectoire de réduction des phytosanitaires, qui correspond d'ailleurs à la demande des agriculteurs eux-mêmes, qui sont loin d'être farouchement attachés à l'usage de ces produits ; enfin, les urgences. Ce dernier niveau reste mal couvert – ce matin, j'étais justement avec Franck Sander, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves. Il faut tout faire pour que l'épidémie de 2020 de jaunisse de la betterave ne se reproduise pas. On a besoin du biocontrôle, mais les produits phytosanitaires restent indispensables.

J'en viens pour finir aux zones humides et à l'entrée en vigueur de la BCAE 2 à compter du 1er janvier 2025, la position retenue au niveau national est équilibrée : elle adopte la cartographie applicable pour la politique agricole commune sur la base des inventaires réalisés. Cela permet de cibler en priorité les zones présentant des enjeux particulièrement importants.

Données clés

Auteur : M. Jordan Guitton

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2024

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