Question de : Mme Christine Engrand
Pas-de-Calais (6e circonscription) - Non inscrit

Mme Christine Engrand appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, sur les conséquences culturelles, économiques et éthiques de l'usage croissant de l'intelligence artificielle générative dans le secteur de l'audiovisuel. Alors que l'intelligence artificielle se déploie à un rythme accéléré dans de nombreux domaines, son intrusion dans les métiers de la création artistique suscite une vive inquiétude. Le secteur du doublage, en particulier, est aujourd'hui menacé par l'apparition de voix synthétiques reproduisant, parfois sans autorisation, les voix de comédiens professionnels. Cette pratique porte atteinte à l'intégrité artistique des œuvres, en altérant la profondeur émotionnelle des dialogues, tout en posant de graves problèmes éthiques en matière de droits d'auteur et de consentement. Plus largement, c'est tout un pan de la chaîne de création cinématographique qui se retrouve fragilisé : scénarios générés par IA, images de synthèse imitant des acteurs, dialogues automatisés. Cette tendance, si elle n'est pas régulée, risque d'aboutir à une forme de standardisation sans âme, menaçant la qualité, l'identité et la diversité de la production culturelle française. Cette évolution est d'autant plus préoccupante que le secteur du cinéma et de l'audiovisuel représente un pilier économique majeur, avec plus de 340 000 emplois recensés en 2012, une contribution significative au PIB et un impact positif sur le tourisme et l'attractivité du territoire. La perte de ces emplois, conjuguée à un affaiblissement du rayonnement culturel du pays, constituerait une atteinte grave à la souveraineté culturelle de la France. C'est pourquoi elle lui demande si le Gouvernement entend encadrer strictement l'usage de l'intelligence artificielle dans le secteur audiovisuel, notamment en garantissant le consentement des artistes pour toute reproduction numérique de leur voix ou de leur image, en protégeant les métiers de la création face à l'automatisation et en renforçant l'exception culturelle française dans ce nouveau contexte technologique.

Réponse publiée le 27 mai 2025

Les comédiens de doublage participent, au travers de leurs interprétations fines des œuvres, à la richesse culturelle de la France ; le public français est d'ailleurs très attaché aux œuvres en version doublée. Si l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) n'est pas nouvelle dans le secteur audiovisuel et cinématographique, la période actuelle est celle d'une intensification très forte de son utilisation. Cette intensification, qui touche le secteur du doublage, soulève des préoccupations légitimes, tant en matière de protection des droits des artistes-interprètes que d'évolution des métiers et des emplois. Pour y répondre, un certain nombre de mesures et d'actions ont déjà été mises en œuvre aux niveaux national et européen. En premier lieu, un travail d'objectivation des évolutions des usages a été mené par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Ce dernier a ainsi mis en place un observatoire de l'IA conduisant à la publication, en juin dernier, d'une étude permettant de mieux comprendre les utilisations actuelles de l'IA par les professionnels de la filière et la perception par ces derniers de ses impacts sur les métiers et les emplois. Elle présente l'état d'adoption des technologies de l'IA pour le secteur du doublage, et les opportunités et défis qui y sont attachés, notamment s'agissant du développement de voix numériques et de la synchronisation labiale. Deux nouvelles notes de conjoncture sont prévues en 2025 ; l'une portant sur les « storyboarders », l'autre très spécifiquement sur les doubleurs. Enfin, un état des lieux des formations IA dans la filière vient aussi d'être lancé. Deuxièmement, compte tenu des évolutions que cette intensification entraîne en matière de métiers et d'emploi, le ministère de la culture s'est engagé pour encourager toutes discussions entre les professionnels concernés. Celles-ci devraient faciliter la mise en place de pratiques vertueuses, permettant de placer les outils numériques au service de la création humaine et de pourvoir aux besoins de formation. Les services du ministère et le CNC sont en lien permanent avec le secteur du doublage, dont les représentants ont été reçus à plusieurs reprises. Enfin, le règlement européen sur l'intelligence artificielle (RIA) de 2024 a permis de marquer un premier jalon en matière de régulation de l'IA. En application de celui-ci, les contenus de synthèse générés par IA doivent faire l'objet d'un marquage. Par ailleurs, les fournisseurs d'IA doivent se doter d'une politique de respect du droit d'auteur, et ce compris les droits voisins des artistes-interprètes, et publier un résumé détaillé des sources qu'ils utilisent pour entraîner leurs modèles. Pour permettre aux auteurs et artistes-interprètes de comprendre effectivement comment et à quelles fins les œuvres qu'ils concourent à créer sont utilisées pour entraîner l'intelligence artificielle générative, ces avancées doivent désormais être concrétisées dans les textes d'application de ce règlement. C'est la raison pour laquelle le ministère de la culture a confié au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique deux missions, dont les conclusions viennent d'être publiées ou sont sur le point de l'être. La première a vocation à peser au niveau européen sur les modalités de mise en œuvre de l'obligation de transparence prévue par le RIA afin de s'assurer qu'elle permette aux auteurs et aux artistes interprètes de disposer des informations indispensables à l'exercice des droits. La seconde, plus prospective, étudie la façon dont l'utilisation des contenus culturels par les modèles d'IA pourrait être rémunérée.

Données clés

Auteur : Mme Christine Engrand

Type de question : Question écrite

Rubrique : Audiovisuel et communication

Ministère interrogé : Intelligence artificielle et numérique

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 29 avril 2025
Réponse publiée le 27 mai 2025

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