Limites posées par l'article L.112-6 du code monétaire et financier
Question de :
M. François Hollande
Corrèze (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
M. François Hollande alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les limites posées par l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, en matière de rachat de métaux précieux par les professionnels, notamment les bijoutiers-horlogers. Depuis la modification de cet article par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, le paiement des achats d'or et autres métaux précieux ne peut être effectué que par virement ou chèque barré. Or la loi interdit l'utilisation de moyens non monétaires comme les avoirs, les bons d'achat ou les bons de réduction. Ces derniers ne constituent pas des instruments de paiement au sens strict mais relèvent de pratiques commerciales classiques dans de nombreux secteurs. Les professionnels concernés, bien que pleinement soumis aux exigences de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT), ne peuvent ainsi proposer à leurs clients de contrepartie commerciale autre qu'un virement ou un chèque. Cette situation freine inutilement le développement de circuits courts, circulaires et traçables, alors même que les dispositifs LCB-FT actuels permettent une identification rigoureuse des clients et des opérations. Il souhaite donc savoir si le Gouvernement envisage de modifier l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, afin de permettre expressément l'utilisation de moyens non monétaires tels que les avoirs, bons d'achat ou de réduction dans le cadre des opérations de rachat d'or par les professionnels.
Réponse publiée le 3 juin 2025
Les professionnels de l'horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie, de même que les négociants de métaux précieux et de pierres précieuses, sont assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) au titre des 11° et 11° bis de l'article L.561-2 du code monétaire et financier. Les analyses sectorielles des risques du secteur du luxe réalisées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fautes (DGCCRF) et des négociants de pierres et métaux précieux, publiées par la douane, mettent en exergue les risques élevés de blanchiment de capitaux dans ce domaine mécaniquement puisqu'il s'agit de biens de grande valeur, facilement transportables, dans un secteur où la confidentialité et la discrétion envers le client prédominent et/ ou le nombre de paiement en espèces reste élevé. Plus spécifiquement, les professionnels du secteur démontrent une appropriation encore perfectible de leurs obligations. Ainsi, dans les rares déclarations de soupçon au Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin), il a été constaté, lors de contrôles, que ces derniers méconnaissaient leurs obligations et les risques propres à leurs secteurs. Les mesures suivantes, déjà mises en œuvre afin de renforcer la traçabilité des transactions répondent à ces risques et visent à les atténuer : (i) limitation des paiements en espèces (1 000 euros pour les résidents français, 15 000 euros pour les acheteurs dont le domicile fiscal est à l'étranger), (ii) obligation pour le professionnel de régler par chèque barré ou virement en cas de rachat d'un vendeur à un particulier, (iii) obligation de tenir un registre des achats et ventes d'objets en métaux précieux (dit « livre de police »), (iv) obligation de déclaration en douane lors du transport transfrontalier de métaux précieux, (v) obligation de « poinçons » sur les ouvrages en métaux précieux. Permettre à un vendeur de régler un rachat de métaux précieux à un particulier par chèque cadeau, bons d'achat ou acompte engendrerait des risques car ce type de règlement ne nécessite pas l'intervention d'intermédiaire financier assujetti à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) contrairement aux paiements par virement ou par chèque. L'intervention de ces intermédiaires apporte en effet une sécurité supplémentaire en matière de vérification de l'identité des clients, de traçabilité des transactions (notamment via les données de paiement indiquant l'origine du montant de la transaction, la date et l'heure du paiement), de déclaration des opérations suspectes pour la cellule de renseignement financier, et permet d'identifier les individus effectuant de multiples achats auprès de différents vendeurs via le fractionnement – une pratique de blanchiment déjà observée. Par ailleurs, la mise en circulation de bons d'achat ou chèque cadeaux pour des biens de haute valeur pourrait plus généralement créer un risque de diffusion de moyen d'échange non traçable (similaire à ce que l'on observe déjà avec les tickets gagnant de loterie ou de paris sportifs, qui sont parfois revendus en espèces et dont les gains peuvent alors être présentés comme une source légitime de revenu). Enfin, la possibilité de combiner espèces et chèque cadeau, bons d'achat ou acompte lors d'un seul et même paiement, favoriserait l'acquisition de biens d'une valeur supérieure au seuil des paiements en espèces, dans des conditions similaires d'opacité. Aussi, le Gouvernement n'envisage pas de modifier l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, afin de permettre expressément l'utilisation de moyens non monétaires tels que les avoirs, bons d'achat ou de réduction dans le cadre des opérations de rachat d'or par les professionnels.
Auteur : M. François Hollande
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 29 avril 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025