Maltraitance institutionnelle des sapeurs-pompiers
Question de :
M. Hadrien Clouet
Haute-Garonne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Hadrien Clouet interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur la maltraitance institutionnelle qui frappe les sapeurs-pompiers volontaires. Ce corps de professionnels assure une mission indispensable de protection des populations et de l'environnement. Cette protection prend bien sûr la forme de l'engagement face aux grandes catastrophes industrielles modernes ou aux feux de forêt, qui menacent la vie des sapeurs-pompiers en intervention. Elle se décline aussi dans l'ensemble des interventions du quotidien pour toutes formes de détresses ou de « malaises sans précision », qui requièrent autant de gestes de secourisme que de capacités au dialogue. Le sens de l'engagement et du service public est d'ailleurs si vif que les sapeurs-pompiers sont les premiers à refuser les « opérations à caractère privé » prônée par certains dans la hiérarchie, au risque de transformer le corps des pompiers en service mercantile. Cet engagement est d'autant plus notable que les conditions d'exercice se dégradent rapidement. Les réquisitions pour évènement exceptionnel ont explosé, en raison des blessés en manifestation, des jeux Olympiques et des cérémonies publiques multipliées en 2024. En outre, depuis le démantèlement de l'hôpital public, la tâche de secours aux personnes et de transport sanitaire vers les urgences progresse. Plus généralement, le recul des services publics - assistance sociale, éducation spécialisée - accroît drastiquement les demandes, faisant des pompiers le dernier service public existant. Ainsi, les missions se diversifient, les qualifications exigées s'élargissent et les aléas de l'intervention se multiplient : la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France évalue à 50 000 le nombre de volontaires supplémentaires nécessaires pour répondre aux urgences. Cet engagement se heurte par ailleurs à un statut dévalorisé. Lesquels 200 000 volontaires représentent plus des trois-quarts de l'effectifs, indemnisés à la vacation horaire d'un taux très faible (8,61 euros), surtout rapporté au nombre d'interventions par plage horaire (une dizaine pour 12 heures de garde). De plus, l'activité exige une formation continue obligatoire de haute intensité, une révision des capacités opérationnelles par des gardes longues et la réussite de tests physiques récurrents. Finalement, cet engagement se heurte à des violences systémiques. Une centaine de sapeurs-pompiers ont déjà engagé des procédures judiciaires contre leur hiérarchie concernant des faits de harcèlement sexuel, de harcèlement moral ou de discrimination. Parmi eux, des insultes racistes à l'égard de collègues, ou encore des sapeuses-pompières privées de toute intimité, sexualisées sur le lieu de travail ou sujettes à propositions sexuelles répétées non consenties. Pire, lorsqu'un sapeur-pompier dénonce des pratiques illégales, par attachement à la probité et l'exemplarité du corps, il reçoit des menaces et des injures à caractère raciste. Le cumul du harcèlement moral et du harcèlement sexuel, auxquels peuvent s'ajouter des agressions racistes, conduisent à une explosion du mal-être, du recours à des accompagnements psychologiques, voire alimentent la longue liste de 273 suicides ou tentatives de suicide répertoriés depuis 2018. Suite à de multiples alertes sur le sous-effectif, la maltraitance et la santé des professionnels, à l'instar de la question écrite n° 12759 de M. le député durant la XVIe législature, M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer et Mme la ministre chargée des collectivités territoriales ont lancé en avril 2024 le Beauvau de la sécurité civile qu'attendaient tous les professionnels. Un an plus tard, M. le député souhaiterait savoir ce qui en est sorti. Quelles sont les conclusions de la journée de travail ayant réuni 130 acteurs du secteur en juin 2024 à l'Hôtel de Beauvau ? M. le ministre déplafonnera-t-il enfin les surcotisations pour permettre de racheter des années (y compris celles volées par la réforme des retraites) ? Garantira-t-il enfin la portabilité des années acquises (grâce à la surcote de 2 %) en cas de suite de carrière dans le secteur privé, comme annoncé par son prédécesseur au congrès national des sapeurs-pompiers d'octobre 2023 ? Lancera-t-il enfin le plan de prévention des violences sexistes, sexuelles et racistes demandé par les représentants syndicaux ? Il lui demande également s'il assurera une protection pour les lanceurs d'alerte au sein de l'institution.
Réponse publiée le 3 juin 2025
Il convient en premier lieu de contester l'affirmation de maltraitance institutionnelle qui toucherait les sapeurs-pompiers volontaires. Le Gouvernement dont le ministère de l'intérieur sont pleinement mobilisés pour les sapeurs-pompiers, volontaires et professionnels, qui oeuvrent au quotidien pour la protection de nos concitoyens. Par leur engagement au service de nos concitoyens, les sapeurs-pompiers volontaires - qui ne sont pas un "corps de professionnels" - occupent une place centrale dans notre modèle de sécurité civile. Le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires (SPV) au sein des services d'incendie et de secours et leur fidélisation constituent des préoccupations permanentes du Gouvernement en matière de sécurité civile. Les efforts portent peu à peu leurs fruits et doivent se prolonger, puisque les effectifs se renforcent et que le seuil des 200 000 engagés a été franchi à nouveau depuis 2023. Toute correspondance avec des niveaux d'indemnisation et des références à des salaires minimaux ne sont pas pertinentes car les sapeurs-pompiers volontaires ne sont pas des travailleurs. Ils sont indemnisés pour les missions qu'ils accomplissent. S'agissant de la prise en compte des risques psychosociaux au sein des services d'incendie et de secours, et plus particulièrement de la problématique des suicides et tentatives de suicides, depuis plusieurs années déjà les sapeurs-pompiers professionnels, volontaires et les militaires sont particulièrement suivis, sous la supervision directe de l'inspection générale de la sécurité civile, démontrant s'il était nécessaire de le faire, toute l'importance portée par le Gouvernement à ces drames. Leurs causes sont multiples, tant personnelles que professionnelles, et il serait réducteur de les résumer à quelques exemples, dès lors que chaque situation est différente. À titre d'exemple, les médecins-chefs des sous-directions santé ont récemment pu bénéficier d'une intervention lors de leur rencontre nationale annuelle précisant les modalités de recours au numéro 3114 de prévention du suicide et la mobilisation possible des psychologues et des psychothérapeutes des services d'incendie et de secours lors d'appels de sapeurs-pompiers ou de leur entourage. De même, une partie des travaux du second semestre de l'observatoire national de la santé des agents des services d'incendie et de secours sera axée sur les risques psychologiques auxquels sont exposés les sapeurs-pompiers. Ainsi, force est de constater que les actions menées aux niveaux local et national ont produit des résultats tangibles, avec un ratio du nombre de suicides par effectif près de 3 fois moins élevés chez les sapeurs-pompiers et militaires de la sécurité civile que parmi les forces de l'ordre en 2024. Enfin, il est indéniable que les évolutions sociétales en cours contribuent à une salutaire libération de la parole quant aux problématiques de discrimination, tout comme il est indéniable que le Gouvernement accompagne pleinement ce mouvement, comme en témoigne, par exemple, la parution du décret n° 2022-1522 du 7 décembre 2022 relatif notamment au référent mixité et lutte contre les discriminations des services départementaux et territoriaux d'incendie et de secours, ou encore la place croissante de cette thématique dans le cursus de formation des officiers de sapeurs-pompiers. Il semble également utile de rappeler que la loi a d'ores et déjà prévu la portabilité des droits à bonification de durée de service et de majoration de pension pour les anciens sapeurs-pompiers professionnels, qu'ils demeurent fonctionnaires ou qu'ils exercent dans le privé à leur départ en retraite. S'agissant des lanceurs d'alerte, leur reconnaissance et leur protection se sont clairement affirmées ces dernières années. D'ailleurs, ces mesures ont été complétées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte et, depuis, l'article L. 135-4 du code général de la fonction publique interdit de prendre toute mesure préjudiciable à la carrière ou aux conditions de travail d'un agent public ayant signalé des faits de nature criminelle ou délictuelle. Enfin, le Beauvau de la sécurité civile ne s'est pas limité à une journée. La concertation, qui a duré plus d'une année, s'achève et elle a été, pour l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, des élus locaux et des parlementaires, l'occasion d'aborder de nombreuses thématiques relatives à notre modèle de sécurité civile. L'ensemble de ces travaux ont permis de dégager des propositions que le ministère aura assurément l'occasion de partager dans les prochains mois, autour d'un projet de loi pour concrétiser les actions fondatrices de la sécurité civile des prochaines années.
Auteur : M. Hadrien Clouet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité des biens et des personnes
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 29 avril 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025