Question écrite n° 6423 :
Moratoire national sur les projets d'unités d'incinération de CSR

17e Législature

Question de : M. Jean-Louis Roumégas
Hérault (1re circonscription) - Écologiste et Social

M. Jean-Louis Roumégas interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la pertinence du développement de la filière d'incinération des déchets via les unités de valorisation énergétique utilisant des combustibles solides de récupération (CSR). Ce modèle présente aujourd'hui des impasses majeures sur les plans sanitaire, environnemental, économique et stratégique, rendant urgente la mise en place d'un moratoire national sur les nouveaux projets en cours d'autorisation. Le projet actuellement envisagé sur le site de l'usine Amétyst à Montpellier illustre cette dérive : il prévoit la combustion de 45 000 tonnes par an de CSR, composés principalement de résidus plastiques. Ce type d'installation soulève plusieurs préoccupations graves : elle constitue un risque sanitaire majeur, lié à l'émission dans l'air, l'eau, les sols de polluants persistants comme les dioxines, furanes, métaux lourds, oxydes d'azote, particules fines (PM), composés organiques volatils (COV), mais aussi aux PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), désormais identifiés comme perturbateurs endocriniens particulièrement préoccupants. L'implantation de telles unités au cœur des zones urbaines densément peuplées interroge profondément la politique de santé publique, en exposant les populations aux effets délétères et cumulatifs d'émissions toxiques : cancers- impacts cardio-vasculaires- stérilité- malformations, etc. L'impact environnemental sera incompatible avec les engagements de la France en matière de transition écologique et de politique climatique. En effet, la combustion de CSR est une énergie sale, non renouvelable, car issue de la combustion majoritaire de plastiques et dérivés pétroliers. Elle génère par ailleurs des gaz à effet de serre et 30 % de cendres qui se retrouve sous forme de résidus de fumées et mâchefers, à traiter dans des filières spécialisées. Il faut souligner que 75 % des ordures ménagères résiduelles des foyers ne sont pas valorisables en CSR, leur pouvoir calorifique étant insuffisant. Par conséquent, plus de 85 % des déchets passés par cette filière TMB-CSR devront être enfouis ou incinérés ailleurs. Ce type d'installation est également un contresens stratégique. Le CSR permet in fine de maintenir une filière condamnée, celle du TMB déjà évaluée comme inutile et contraire aux objectifs de tri et de réduction des déchets. La filière CSR est bien une chaîne industrielle : un tri mécano biologique suivi d'une structure de préparation de CSR, suivi d'un incinérateur à plastiques. Il convient de noter que cette filière funeste et obsolète pénalise grandement, par ses coûts, une diversification vers le solaire et la géothermie éminemment plus souhaitables. Elle est par ailleurs, par sa nature même, aspiratrice de plastiques et contraire aux politiques de lutte contre le jetable, le suremballage et, plus largement, à l'impératif de valorisation matière. Ce sont donc bien deux stratégies antinomiques qui se font face : celle de la réduction, du réemploi et de l'économie circulaire, face à celle du tri industriel des déchets et de l'incinération. Cette dernière est clairement basée sur la stabilité du volume de déchets afin de garantir la charge nominale des structures industrielles. Enfin, ces installations représentent un gouffre financier pour les collectivités locales : actuellement, la gestion des déchets représente le troisième poste de dépenses de la Métropole de Montpellier, soit 120 millions d'euros par an. La TEOM a été augmentée deux fois en 4 ans, pour atteindre le plus fort taux de taxes en France. Montpellier, pour avoir suivi depuis 20 ans la funeste filière TMB, se situe au sommet des dépenses à ce poste. La filière CSR va considérablement alourdir encore les coûts de traitement et, ainsi, à elle seule obérer gravement notre capacité d'investissement. Cette dynamique enferme les collectivités dans des contrats longs, rigides et dépendants d'un volume constant de déchets à brûler, au détriment des politiques de réduction à la source. C'est donc bien le tandem TMB-CSR qu'il s'agit de dénoncer. En l'absence d'évaluation indépendante des impacts cumulatifs et de vision stratégique cohérente avec la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie par la directive-cadre 2008/98/CE, ce type de projet fragilise la transition écologique et détourne les ressources publiques de solutions circulaires et soutenables. Aussi, il lui demande si le Gouvernement entend décréter un moratoire immédiat sur les nouveaux projets d'unités d'incinération à base de CSR, dans l'attente d'une évaluation nationale approfondie sur leur efficacité réelle, leur viabilité financière, leur compatibilité avec les engagements climatiques et leur impact sur la santé publique.

Données clés

Auteur : M. Jean-Louis Roumégas

Type de question : Question écrite

Rubrique : Déchets

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Date :
Question publiée le 6 mai 2025

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