Défaillances administratives affectant le respect des droits des étrangers
Question de :
M. Jérôme Guedj
Essonne (6e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Jérôme Guedj attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les lenteurs et les dysfonctionnements administratifs affectant le respect des droits des étrangers, notamment en matière de délivrance des documents de circulation pour étrangers mineurs (DCEM) et de renouvellement des titres de séjour. Depuis plusieurs années, le collectif Exilés 91, qui rassemble diverses associations et syndicats du territoire essonnien, alerte sur la dégradation préoccupante de la situation dans les préfectures, en particulier à la sous-préfecture de Palaiseau. Lors de rassemblements organisés tous les quinze jours, dont le dernier a eu lieu le 11 avril 2025 devant la sous-préfecture, les membres du collectif ont dénoncé une situation toujours inacceptable pour un grand nombre d'usagers étrangers. Malgré quelques évolutions, de graves problèmes persistent. Le recours quasi systématique aux démarches numériques complique l'accès aux droits pour de nombreux usagers éloignés du numérique ou en difficulté pour accomplir des démarches en ligne. La possibilité théorique de retirer un formulaire papier reste, en réalité, très difficile d'accès. Par ailleurs, les délais d'attente demeurent anormalement longs : plusieurs mois, parfois plusieurs années, pour obtenir un rendez-vous de renouvellement de récépissé ou de prise d'empreintes et jusqu'à deux ans d'attente pour des jeunes majeurs présents en France depuis leur enfance, pourtant légalement éligibles à un titre de séjour. Ces délais provoquent des ruptures de droits dramatiques : perte d'emploi, perte de logement, interruption d'études, suspension d'allocations, etc. De nombreux usagers se retrouvent précarisés malgré une situation régulière et une parfaite intégration. Ces défaillances administratives engendrent par ailleurs une multiplication des contentieux, l'État manquant à ses propres obligations légales en matière de respect des droits des étrangers. Face à ces constats alarmants, il lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre afin de garantir un traitement administratif diligent, équitable et respectueux des droits fondamentaux des étrangers dans les préfectures, de réduire les délais de traitement, de faciliter l'accès aux démarches administratives, de prévenir les ruptures de droits et d'assurer une résolution effective des litiges susceptibles d'en découler.
Réponse publiée le 3 juin 2025
La dématérialisation des procédures de demandes de titres de séjour et de documents de voyage et de circulation dans l'ANEF s'est effectuée progressivement, depuis 2020. Ce déploiement progressif a été effectué afin de répondre aux enjeux de dématérialisation et de transformation publique, mais également afin de répondre à un enjeu d'obsolescence des technologies utilisées jusqu'à présent. En parallèle des travaux sur le nouveau système d'information (SI), le SI historique doit continuer à fonctionner afin de maintenir la continuité du service. Une partie non négligeable des difficultés techniques résulte du maintien de ce SI historique. Son décommissionnement, actuellement en cours, permettra de réduire ces difficultés techniques et le déploiement des dernières fonctionnalités sur l'ANEF permettra de les résoudre durablement. Le ministère a déployé un plan d'action pour lutter contre les ruptures de droits. Ce plan s'articule autour de quatre leviers complémentaires : un volet réglementaire, un volet informatique, un volet de pilotage du réseau et un volet communication, chacun visant à minimiser les sources de fragilité identifiées suite à la mise en place de l'ANEF. Sur le volet réglementaire, le décret n° 2023-191 du 22 mars 2023 prévoit qu'une « solution de substitution prenant la forme d'un accueil physique permettant l'enregistrement de la demande » est mise en place pour les personnes qui, malgré l'accompagnement proposé par l'administration, « se trouvent dans l'impossibilité constatée d'utiliser le téléservice pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de celui-ci ». L'arrêté ministériel du 1er août 2023 précise les conditions de recours et les modalités de mise en œuvre de la solution de substitution. A cet effet, un réseau de Points d'Accueil Numériques (PAN) a été mis en place dans les préfectures pour renforcer l'accessibilité des services auprès des publics rencontrant des difficultés avec le numérique. Ces points d'accès sont disponibles dans toutes les préfectures et dans certaines sous-préfectures, notamment celles assurant cette mission spécifique. Les points d'accueil numériques offrent un espace équipé de matériel informatique ainsi qu'un accompagnement personnalisé, grâce à la présence de médiateurs numériques formés pour guider les usagers dans leurs démarches. Pour les territoires où les volumes de demandes sont particulièrement élevés, 44 préfectures et 8 sous-préfectures ont mis en place des points d'accueil numériques dédiés spécifiquement aux démarches de l'ANEF. Dans les autres départements, cet accompagnement est proposé au sein des PAN existants, déjà dédiés aux démarches telles que les permis de conduire et les cartes grises. En complément de cet accompagnement de proximité, le centre de contact citoyen (CCC) de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) propose un soutien téléphonique et mail pour les usagers ayant des questions ou rencontrant des difficultés dans leurs démarches en ligne. Ce centre mobilise environ 150 agents formés pour répondre aux besoins des usagers, offrant une assistance téléphonique ainsi que la possibilité de poser des questions via un formulaire en ligne. Ce service, centralisé mais accessible, garantit aux usagers un accompagnement adapté et réactif, réduisant ainsi les risques de blocage. En 2024, le centre de contact citoyens (CCC) de France Titres a transmis 4 377 signalements à la DGEF. En parallèle, 1 120 942 demandes ont été déposées sur l'ANEF. C'est donc 0,4% du volume des demandes qui aboutissent à un blocage de l'usager signalé au CCC et non résolu par celui-ci. Enfin, pour se conformer à la décision du Conseil d'État de juin 2022, un arrêté a été signé le 1er août 2023, accompagné d'une instruction adressée aux préfets. Cet arrêté précise les modalités de traitement des situations bloquantes rencontrées par les usagers de l'ANEF. Lorsqu'une difficulté technique ne peut être résolue dans un délai raisonnable, une convocation en préfecture est organisée, permettant ainsi à l'usager de déposer son dossier sous forme papier. Ce dispositif assure la continuité de l'accès aux services pour tous les usagers, même en cas d'obstacles techniques, tout en veillant à ce que le passage au numérique ne devienne pas une entrave au droit de chacun d'accéder aux services publics. Sur le volet informatique, côté agent, des ajustements techniques ont été réalisés pour renforcer les capacités de l'ANEF et ainsi réduire les risques d'interruption de droits notamment par la mise en place de dispositifs permettant aux agents de préfectures d'identifier les dossiers pour lesquels les titres arrivent prochainement à expiration. Cette capacité de priorisation vise à faciliter le traitement des demandes urgentes et renforce la continuité des droits pour les usagers. Coté usager, un système de notifications « push » est en service depuis fin avril 2024 pour rappeler aux usagers, en amont de l'échéance, les démarches à entreprendre pour le renouvellement de leurs titres permettant ainsi un accompagnement plus proactif de l'administration. Sur le volet de pilotage du réseau, le ministère renforce la coopération entre les différentes parties prenantes par une communication plus fluide entre la Direction Générale des Étrangers en France (DGEF) et les préfectures. D'importants moyens sont ainsi mobilisés pour relever le défi de la transition numérique et renforcer la qualité du service rendu à l'usager. A cet égard, l'accompagnement au bénéfice des services des préfectures a été renforcé par les services centraux par le biais notamment de « missions d'appui et de conseil » (avec un objectif de couverture de 95 % des préfectures d'ici fin 2025). Ce dispositif facilite la détection et la résolution des anomalies techniques de manière coordonnée permettant une réponse plus rapide et mieux adaptée aux difficultés rencontrées ainsi que la mise en œuvre de solutions de contournement si nécessaire. Par ailleurs, une cellule numérique du quotidien ANEF a été créé courant avril 2025 pour renforcer l'accompagnement des préfectures au changement. Cette cellule est accompagnée, dans le cadre de ses déplacements en préfectures, par une équipe technique qui prend en charge les anomalies sur place. Plusieurs déplacements ont déjà eu lieu et d'autres sont d'ores et déjà programmés. Enfin, sur le volet communication, chaque déploiement de nouvelles téléprocédures ou fonctionnalités est assorti d'un dispositif d'accompagnement renforcé à l'égard des usagers et des préfectures à différentes étapes de leur mise en service : guides et manuels divers dédiés aux préfectures (J-15), formations du CCC (j-20), Webinaires (j-10), Webinaires « retours d'expérience » (J+30 à 60). De plus la rubrique « besoin d'aide ? » du portail usager ANEF est composée de plusieurs FAQ complètes et fait régulièrement l'objet de mise à jour afin de renforcer la qualité de l'information fournie à l'usager. Par ces plans d'actions, le ministère réaffirme son engagement à garantir un accès équitable aux droits pour tous les usagers de l'ANEF.
Auteur : M. Jérôme Guedj
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 6 mai 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025