Spoliations foncières en Martinique : que fait la justice ?
Question de :
M. François Ruffin
Somme (1re circonscription) - Écologiste et Social
M. François Ruffin interroge M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le désordre foncier en Martinique : la justice française est-elle malhonnête ou incompétente ? La famille Bill habite le lieu-dit Durand, dans la commune de Saint-Joseph, depuis les années 1800, plus de deux siècles. Hier agriculteurs, ils possédaient et cultivaient 22 hectares. Ils ont tenu à montrer à M. le député leurs titres de propriété originaux : de vieux parchemins, qui datent pour certains des années 1920, effectués par un maître notaire à Fort-de-France. Mais voilà que, le 11 janvier 2008, une donation et une vente de leurs terres ont été réalisées sans qu'on leur demande leur avis. La famille se rend compte de cette situation seulement en 2023, lorsqu'elle voit des travaux débuter sur son terrain. On leur concède juste leur logement, 300 mètres carrés et sans même un coin pour le jardin ! Derrière leur habitation, les enfants ont planté un panneau : « Terrain volé ! » La famille entame donc des démarches auprès de la mairie et du service de la publicité foncière, puis elle décide de porter plainte le 12 mars 2025. Mais deux semaines plus tard, à peine, le tribunal de Fort-de-France leur renvoie « un avis de classement à victimes ». Classé sans suite. Et pour quelle raison ? Parce que, énonce le procureur de la République, « l'enquête n'a pas permis de déterminer les faits ». Mais quelle enquête ? Quelle enquête en moins d'un mois ? M. le député leur a demandé : ont-ils été interrogés par la police ? « Non ». Ont-ils été convoqués par un magistrat instructeur ? « Non ». Ont-ils reçu une demande d'information complémentaire ? « Non ». Le procureur de la République et ses services n'ont diligenté aucune enquête. Dans des affaires qui, pourtant, à première vue, ne sont pas simples, qui mériteraient une véritable enquête : une pareille spoliation n'est possible, semble-t-il, que par une collusion entre le néo-propriétaire et peut-être des élus et peut-être des notaires. M. le député l'ignore. Ou peut-être les Bill ont-ils vraiment tort. M. le député l'ignore. Mais la justice ici, à Fort-de-France, fait le choix de l'ignorer. Elle fait le choix de ne pas savoir. Elle fait le choix de laisser-faire cette spoliation. Pourquoi ? Est-ce par incompétence ? Par indifférence ? Par malhonnêteté ? Il n'y aurait que la famille Bill ! Mais l'ASSAUPAMAR (Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais) intervient dans plus de quatre cents dossiers ! Ce sont sans doute bien davantage, des milliers de personnes, qui se résignent, sans recourir à cette association. « Chaque semaine », témoigne Rosalie Gaschet, sa présidente, « nous avons cinq, dix, quinze personnes, qui nous apportent leurs papiers. Alors que ce n'est pas notre vocation ». Durant l'heure que M. le député a passée dans leur local, en effet, deux hommes se sont présentés, des petits paysans installés sur la commune du Lamentin et qui se voient soudain chassés par un promoteur. Alors, une véritable enquête sera-t-elle menée dans le cas de la famille Bill ? Le ministère prendra-t-il au sérieux ces spoliations de terres en Martinique ? Ou, comme dans le cas du chlordécone et dans cent autres affaires, les Martiniquaises et Martiniquais n'auront-ils le droit qu'à une sous-justice, complice et pourtant rendue en notre nom, gens de France ? Il lui demande sa position sur le sujet.
Auteur : M. François Ruffin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date :
Question publiée le 6 mai 2025