Effets indésirables de prothèses vaginales et réparation du préjudice
Publication de la réponse au Journal Officiel du 11 mars 2025, page 1610
Question de :
M. Édouard Bénard
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
M. Édouard Bénard interroge Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur les témoignages de nombreuses femmes subissant des effets indésirables suite à la pose de bandelettes périnéales sous-urétrales et de prothèses vaginales. Depuis la fin des années 1990, des prothèses vaginales et bandelettes sous-urétrales, dispositif interne en polypropylène, ont fait leur apparition pour remédier aux descentes d'organes (ou prolapsus) ainsi que pour traiter les problématiques d'incontinence urinaire pour les femmes qui subissent ces désagréments. Depuis plusieurs années, en France comme à l'étranger, de nombreux témoignages convergent pour faire état de complications extrêmement douloureuses et invalidantes suite à la pose des dispositifs médicaux précités. Alertée, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) mène des enquêtes de matériovigilance depuis quelques années. L'ANSM indique ainsi que 95 signalements d'incidents lui ont été remontés entre 2016 et 2021 sur un volume de 20 000 poses d'implants de renfort pelvien. Concernant les bandelettes sous-urétrales, 189 signalements d'incidents ont été remontés à l'Agence en 2019 pour 30 000 poses de dispositifs. Ces chiffres, basés sur les seules déclarations de matériovigilance des médecins, peuvent être sous-évalués, selon les propos de l'ANSM. En effet, si les chirurgiens français annoncent moins de 1 % de complications, les anglo-saxons avancent plus volontiers 25 %. Les patientes souffrant de complications durables après la pose de ce type de dispositif dénoncent un manque d'information global autour de ce type d'opérations, notamment sur les complications éventuelles et sur les alternatives à l'intervention chirurgicale. Dans le même sens, elles font état d'absence de consultation pluridisciplinaire et d'absence d'inscription de la marque du dispositif implanté dans les comptes rendus opératoires, ainsi que dans les dossiers médicaux, ou encore d'absence d'information sur la complexité de retirer les implants en totalité en cas de complication. Des plaintes collectives se multiplient pour obtenir réparation des préjudices subis, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et en Afrique du Sud. Des condamnations ont déjà été prononcées en Australie et aux États-Unis contre la société Ethicon, filiale de Johnson & Johnson, fabricant d'implants en maille pelvienne. Une plainte a été déposée contre X en novembre 2020 en France pour tromperie, tromperie aggravée et blessures involontaires. L'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique a été saisi par le parquet. À ce jour, il n'existe aucune prise en charge spécifique en France pour ces femmes, dont les douleurs sont souvent incomprises ou assimilées à une dépression par les médecins et professeurs rencontrés. Aucun centre expert pour la prise en charge de complication n'existe actuellement sur le territoire national. Les chirurgiens français sont, à ce jour, incapables d'opérer un retrait complet de ces dispositifs. Seuls certains chirurgiens exerçant aux États-Unis disposent aujourd'hui des compétences nécessaires pour procéder au retrait complet des dispositifs problématiques. En l'absence d'une prise en charge par l'assurance maladie, seules les patientes les plus fortunées peuvent aujourd'hui recourir à ces chirurgiens spécialisés. Pour leur part, les patientes écossaises peuvent bénéficier depuis quelques mois d'une prise en charge par le NHS (National Service Scotland) des coûts de la chirurgie de retrait des implants en maille et des coûts associés tels que le voyage et l'hébergement. Une décision qui pourrait inspirer les autorités de tutelle de l'assurance maladie. Les patientes françaises souffrant de complications liées à la pose de ces dispositifs, dont certaines sont aujourd'hui reconnues travailleuses handicapées, ne peuvent bénéficier au mieux, que d'une intervention chirurgicale permettant un retrait partiel des implants et/ou recourir à des antidouleurs permettant d'atténuer les souffrances. Malgré les signalements de complications, les dispositifs en question sont toujours implantés sur le territoire national alors même que le pays n'est toujours pas doté de centres spécialisés de référence. Des centres qui permettraient de former des professionnels de santé au diagnostic et à la prise en charge des complications ainsi qu'aux chirurgies d'ablation des implants permanents transvaginaux dans les meilleures conditions. Aussi, il lui demande ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour apporter des réponses satisfaisantes aux femmes victimes de ces dispositifs ainsi que pour prévenir les risques de faire des victimes supplémentaires.
Réponse publiée le 11 mars 2025
Les effets indésirables consécutifs à la pose de Bandelettes périnéales sous-urétrales (BSU) et des prothèses destinées au traitement du prolapsus ont fait l'objet d'une surveillance renforcée depuis 2005. Par ailleurs, ces dispositifs médicaux ont fait l'objet d'évaluations individuelles par les agences nationales. S'agissant de la surveillance renforcée, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a mis en place une enquête de matériovigilance, un contrôle du marché, une inspection des fabricants ainsi qu'un observatoire Vigimesh. S'agissant de l'évaluation individuelle des dispositifs, la mise en place du « dispositif intra GHS » (prévu à l'article L. 165-11 du code de la sécurité sociale par la loi du 29 décembre 2011 de renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé) a introduit l'obligation d'une évaluation par la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) de la Haute autorité de santé (HAS) pour toute inscription sur cette liste conditionnant l'achat, la fourniture et l'utilisation de certains dispositifs médicaux, dont les BSU, par les établissements de santé et leur prise en charge au titre des prestations d'hospitalisation à l'inscription sur une liste positive (intra-GHS). Cette évaluation permet d'étayer la pertinence de l'utilisation de ces dispositifs médicaux et sécuriser leur prise en charge. Sur la base de l'avis rendu par la CNEDiMTS, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale prennent la décision d'inscrire, ou non, le dispositif sur la liste intra-GHS. Seuls les dispositifs inscrits peuvent ensuite être achetés et utilisés par les établissements de santé. L'arrêté du 22 février 2019 a ainsi établi cinq catégories de dispositifs médicaux faisant l'objet d'une évaluation, parmi lesquelles : Les dispositifs implantables destinés au traitement par voie vaginale du prolapsus des organes pelviens : la CNEDiMTS a estimé que le service attendu de ces dispositifs était insuffisant pour être inscrit sur la liste « intra-GHS ». De ce fait, aucun de ces dispositifs ne peut être utilisé par les établissements de santé (sauf dans le cadre des investigations cliniques). Les dispositifs implantables destinés au traitement par voie vaginale de l'incontinence urinaire : 14 bandelettes sous-urétrales ont été inscrites sur la liste « intra-GHS » dans le traitement de l'incontinence urinaire féminine d'effort. Le renouvellement de l'inscription était toutefois conditionné à la mise en place d'une Etude post-inscription (EPI). Cela inclut le recueil des données applicables en France relatives au taux et type de réinterventions réalisés après implantation et l'évaluation de la qualité de vie et des douleurs rapportées par les patientes implantées. Des demandes de renouvellement d'inscription sur la liste intra-GHS sur la base de ces données sont en cours d'instruction par la HAS et feront l'objet d'une publication début 2025. Un dispositif a fait l'objet d'une évaluation défavorable a été radié de la liste intra-GHS en raison de données insuffisantes. S'agissant des mini-bandelettes sous-urétrales à incision unique, aucune n'a fait l'objet d'une évaluation positive par la CNEDiMTS et n'est donc inscrite sur la liste intra-GHS et ne peut pas être utilisée par les établissements de santé (sauf dans le cadre des investigations cliniques). Les dispositifs destinés au traitement par voie haute du prolapsus des organes pelviens : 5 dispositifs sont actuellement inscrits sur la liste « intra-GHS » et feront l'objet d'une évaluation par la HAS, dans le cadre des demandes de renouvellement d'inscription sur la liste. Un dispositif qui a fait l'objet d'une évaluation défavorable a été radié de la liste intra-GHS GHS en raison de données insuffisantes. S'agissant de l'amélioration du parcours de soins et du renforcement de l'information des femmes, la HAS a élaboré en 2023 un guide de bonnes pratiques de prise en charge des complications de la chirurgie avec prothèse de l'incontinence urinaire d'effort et du prolapsus génital de la femme. Ces recommandations visent à aider les professionnels de santé afin de proposer des solutions thérapeutiques adaptées aux patientes souffrant d'un prolapsus génital (en évitant notamment la survenue d'effets indésirables ou de complications). Dans ce même but, les arrêtés du 23 octobre 2020 et du 22 septembre 2021 encadrent la pratique des actes associés à la pose de ces dispositifs. La patiente doit ainsi être dûment informée des avantages et des risques, donner son accord et bénéficier d'un délai de réflexion suffisant avant la pose d'un dispositif. Des fiches d'information standardisées sont élaborées avec les associations de patientes et les professionnels concernés, accessibles sur le site du ministère et de la HAS. Par ailleurs, ces arrêtés d'encadrement prévoient les mesures suivantes : - la décision de pratiquer une pose est prise en concertation par une équipe pluridisciplinaire de pelvi-périnéologie, après avoir envisagé toutes les autres solutions de prise en charge. Le chirurgien qui réalise la pose doit être formé aux techniques d'implantation ; - à l'issue de l'intervention, un document est systématiquement remis. Il permet d'identifier l'implant, le lieu et la date d'implantation ainsi que le nom du chirurgien ayant réalisé la pose ; - dans le mois suivant l'intervention, une consultation de contrôle est réalisée, ce qui permet d'avoir le retour des patientes sur la qualité de vie et les évènements indésirables survenus ; - un an après l'intervention, au moins une autre consultation est réalisée pour assurer une gestion active des éventuelles complications tardives. La gestion des complications graves fait l'objet d'une concertation pluridisciplinaire et d'une information auprès de la patiente de toutes les options envisageables ; - si une explantation est nécessaire, celle-ci doit être réalisée dans un centre ayant un plateau technique de chirurgie multidisciplinaire, par un chirurgien formé à l'explantation. A la demande du ministère, l'HAS a travaillé en partenariat avec les sociétés savantes d'urologie et de gynécologie pour l'élaboration de bonnes pratiques de prise en charge des complications. Celles-ci sont disponibles sur le site de la HAS. Ces recommandations permettent de guider les praticiens et d'harmoniser les pratiques de prise en charge des complications. Elles ont aussi pour intérêt de délivrer une information claire et appropriée à la patiente, proposer la meilleure prise en charge pour chaque type de complication et soulager et améliorer la qualité de vie des patientes. Un travail en lien avec le conseil national professionnel d'urologie et de gynécologie est en cours, visant d'une part à faire évoluer les critères figurant dans les arrêtés d'encadrement des actes associés à ces dispositifs médicaux et à publier une liste nationale de centres pouvant pratiquer les actes associés à la prise en charge des complications graves, afin d'optimiser notamment la prise en charge et le parcours de soin des femmes présentant des complications.
Auteur : M. Édouard Bénard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 27 janvier 2025
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 11 mars 2025