Élargissement de la dispense d'obligation alimentaire
Question de :
Mme Stella Dupont
Maine-et-Loire (2e circonscription) - Non inscrit
Mme Stella Dupont interroge M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur une évolution de la dispense de l'obligation alimentaire pour les enfants victimes de violences et d'abandon. L'obligation alimentaire n'est plus systématique. La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales prévoit en effet une déchéance automatique de cette obligation en cas de crime contre un membre de la famille de l'enfant. De plus, la loi du 8 avril 2024 relative aux mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie supprime l'obligation alimentaire des petits-enfants dans le cadre d'une demande d'aide sociale à l'hébergement pour l'un des grands-parents. Les enfants qui ont été retirés de leur milieu familial étaient déjà exemptés depuis 2004, même si les conditions ont été modifiées depuis la loi de 2024. Cependant, l'obligation alimentaire, matérialisée par des demandes de paiement souvent émises par les établissements accueillants des personnes âgées, peut apparaître illégitime dans de nombreux cas. Certaines situations ravivent des souvenirs douloureux et suscitent un profond sentiment d'injustice. Ainsi, bien que le juge puisse déjà accorder une décharge de l'obligation alimentaire, il semble pertinent d'envisager un élargissement des modalités d'obtention de cette décharge de droit (en travaillant sur le dossier de preuves, par exemple et en demandant une écoute bienveillante de la part des juges aux affaires familiales). Mme la députée souhaite savoir si M. le ministre envisage de permettre aux victimes de demander une dispense de l'obligation alimentaire auprès du juge aux affaires familiales, dès leur majorité et tout au long de leur vie, avant même d'être sollicitées par une institution. Elle souhaite également connaître son avis sur la création d'un fichier national sécurisé que les institutions consulteraient avant d'envoyer des courriers réclamant l'obligation alimentaire, afin de garantir que la décharge soit effective de manière systématique une fois prononcée.
Réponse publiée le 19 août 2025
Si les ascendants et descendants sont tenus réciproquement à des obligations alimentaires afin de permettre aux membres de la famille de satisfaire leurs besoins vitaux, le droit positif prévoit déjà, dans de nombreuses situations, qu'un enfant victime de violences ou d'abandon de la part de son parent puisse être exonéré totalement ou partiellement de son obligation alimentaire envers ce parent créancier en état de besoin. Dans un souci de renforcer la protection du débiteur, le législateur a créé des décharges automatiques de l'obligation alimentaire à l'égard du créancier qui s'appliquent de plein droit sauf décision contraire du tribunal, par simple effet de la loi, sans que le juge n'ait à les prononcer. Tel est le cas lorsque le créancier a été condamné pour un crime sur le débiteur, tel qu'un viol incestueux sur son enfant (article 207 alinéa 3 du code civil), en cas de retrait de l'autorité parentale du parent créancier (article 379 alinéa 2 du code civil). Les enfants sont également dispensés automatiquement, sous réserve d'une décision contraire du juge, de fournir une aide, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, lorsqu'ils ont été retirés de leur milieu familial par décision judiciaire durant une période d'au moins trente-six mois cumulés au cours des dix-huit premières années de leur vie ou lorsque l'un des parents est condamné pour un crime ou agression sexuelle commis sur l'autre parent (article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles). A côté de ces décharges automatiques, le législateur a prévu des décharges prononcées judiciairement lorsque l'enfant est victime de manquements graves de son parent caractérisant le comportement indigne de ce dernier (article 207 alinéa 2 du code civil). Cette exception d'indignité est opposable aux tiers institutionnels (EHPAD notamment) exerçant leur recours (Civ 1, 1er décembre 1987, n° 86-10.744). Toutefois, le prononcé judiciaire d'une décharge ne peut avoir lieu sans qu'une demande d'aliments soit effectuée auprès du juge puisque ce n'est qu'à l'occasion de cette saisine que le juge sera en mesure d'apprécier souverainement au vu des circonstances propres à chaque espèce et au regard des pièces versées au dossier par les parties l'indignité du comportement du parent créancier alléguant un état de besoin, cette indignité devant être appréciée au jour où le juge statue sur la demande d'aliment (par exemple : 1ère Civ, 7 octobre 2015, n° 14-23.237). Enfin, les litiges en matière familiale sont jugés en chambre du conseil, ce qui s'oppose à ce que le contenu des décisions figure au sein d'un fichier pouvant être consultable par les tiers institutionnels (article 1074 du code de procédure civile).
Auteur : Mme Stella Dupont
Type de question : Question écrite
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 13 mai 2025
Réponse publiée le 19 août 2025