Exiger un audit indépendant de la liste électorale en Côte d'Ivoire
Question de :
M. Aurélien Taché
Val-d'Oise (10e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Aurélien Taché alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les dérives antidémocratiques en Côte d'Ivoire. Alassane Ouattara, président de la République depuis 2010 sera vraisemblablement candidat une quatrième fois lors de l'élection présidentielle d'octobre 2025, violant ainsi la constitution de son pays qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels possibles. Par ailleurs, Laurent Gbagbo, ancien président de la République ivoirienne et principal opposant est empêché de se présenter depuis plusieurs années. Trois autres candidats d'opposition, Guillaume Soro, Tidjane Thiam et Charles Blé Goudé sont également empêchés de concourir à la suite de condamnations en justice. Ces deux derniers ont respectivement appris leur radiation définitive des listes électorales les 22 et 25 avril 2025. Il n'appartient pas à la France de juger les décisions de la justice ivoirienne. Néanmoins, dans le contexte d'une offensive anticonstitutionnelle menée par Alassane Ouattara, l'exclusion de quatre candidats importants des élections présidentielles, dont deux simultanément à six mois du scrutin fait craindre un verrouillage total des élections. Ces craintes sont renforcées par les nombreuses alertes reçues par M. le député au sujet de la liste électorale. D'après le rapport Liste électorale provisoire 2025, « 27 milliards de FCFA pour ça ? » publié par le PPA-CI, cette liste comporterait plus de six millions d'irrégularités sur huit millions de personnes inscrites. Ces irrégularités correspondent à l'inscription de personnes décédées, à des personnes plus âgées que leurs parents, ou encore à des identités répliquées des dizaines, voire des centaines de fois. Les conclusions de ce rapport sont unanimement partagées par toutes les oppositions, quelques soit leur place sur l'échiquier politique ivoirien. Elles demandent notamment un audit exhaustif indépendant de cette liste avant le 16 juin, date de validation définitive de cette liste. Si les accusations portées par les oppositions ivoiriennes sont avérées, alors on ferait face à un système de fraude électorale généralisée. Or l'implication de la France dans le renforcement de la vie démocratique ivoirienne n'est aujourd'hui pas claire. Dans sa réponse à la question écrite n° 10612, posée par Mme la sénatrice Michelle Gréaume en mars 2024, M. le ministre des affaires étrangères indique que le ministère a financé le projet « état civil pour tous », mené en partenariat avec l'Office national de l'état civil et de l'identification ivoirien (ONECI). Ce projet avait pour objectif de consolider le recensement de la population ivoirienne, dans le but d'améliorer la participation des Ivoiriennes et des Ivoiriens à la vie politique nationale. D'après la réponse de M. le ministre, ce projet s'articule avec un projet général de soutien à l'état civil, mis en place par l'Union européenne et porté par l'opérateur du ministère de l'intérieur français CIVIPOL. Or aucune information sur le projet « État civil pour tous » n'est aujourd'hui accessible publiquement. Par ailleurs, le seul document trouvé sur le projet européen porté par CIVIPOL est très succinct et des données cruciales y manquent. Si le montant total du projet s'élevant à 5 millions d'euros est mentionné, la ventilation du financement et des dépenses n'y figure pas. Et surtout, ce document ne comporte aucune évaluation du projet, alors qu'il s'est terminé en 2023. Le manque d'informations sur des projets censés renforcer la démocratie est inquiétant. Il l'est d'autant plus que manifestement, ces deux projets n'ont pas eu les effets escomptés sur la liste électorale ivoirienne - probablement irrégulière à 75 % - qui par nature, dépend intimement de l'état civil. Face à ce manque d'informations, M. le député demande à M. le ministre la mise à disposition de toute la documentation disponible sur ces projets. Et surtout, face au risque de détournement, direct ou indirect, d'argent public français et européen par l'administration ivoirienne dans une possible fraude électorale, il lui demande s'il entend exiger dans les plus brefs délais un audit exhaustif et indépendant de cette liste électorale.
Auteur : M. Aurélien Taché
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Date :
Question publiée le 13 mai 2025