Sécurités Vidéosurveillance algorithmique et logiciels de reconnaissance faciale
Question de :
M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Ugo Bernalicis interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la généralisation des dispositifs de vidéosurveillance algorithmique (VSA) et des logiciels de reconnaissance faciale dans les politiques publiques de sécurité, alors qu'elle représente dans ce domaine une menace croissante pour les libertés publiques. Jusqu'où le Gouvernement est-il prêt à aller dans la généralisation de l'intelligence artificielle sécuritaire, au risque de transformer l'exception en norme, la prévention en surveillance de masse et l'État de droit en État algorithmique ? M. le député est d'autant plus inquiet que cette bataille industrielle et technologique prend de l'intensité au niveau international, en particulier entre la Chine et l'Amérique de Trump. Le développement de l'intelligence artificielle dans le domaine si particulier des libertés publiques au nom de la sécurité prend des relents autoritaires et préfigure une société dystopique. La vidéosurveillance algorithmique (VSA) avait été instaurée en mai 2023 dans le cadre de la loi relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques, à titre expérimental. Ce dispositif a suscité dès l'origine des critiques, quant à son impact sur les libertés individuelles et collectives. Sous prétexte d'un caractère expérimental et donc temporaire, le Gouvernement a tenté de le pérenniser en l'intégrant, via un amendement, à un projet de loi portant sur le renforcement de la sûreté dans les transports, repoussant ainsi son échéance jusqu'en 2027. Cette tentative de banalisation de mesures d'exception a été a nouveau dénoncé sur le fond et sur la forme. Cette volonté de prolongation a finalement été censurée par le Conseil constitutionnel le 24 avril 2025, au nom du respect des principes fondamentaux. Un rapport remis au ministère de l'intérieur au début de l'année 2025 a dressé déjà un bilan mitigé de l'utilisation de la VSA, pointant notamment les effets limités sur la sécurité, mais surtout alertant sur les risques importants en matière de protection de la vie privée et de surveillance de masse. En parallèle de ces tentatives, le gouvernement d'Emmanuel Macron, a dès la fin de l'année 2022, en secret, agi pour introduire dans la loi européenne sur l'IA (dite « IA Act ») la possibilité d'utiliser la reconnaissance biométrique, en temps réel, dans l'espace public s'il estime que la « sécurité nationale » est en jeu, le maintien de l'ordre en faisant partie. En effet, selon le média d'investigation Disclose (https://disclose.ngo/fr/article/intelligence-artificielle-la-france-ouvre-la-voie-a-la-surveillance-de-masse-en-europe), le 18 novembre 2022, au cours d'une réunion organisée à huis clos avec ses homologues européens, les journalistes rapportent que le représentant français prévient, selon le compte-rendu en leur possession : « L'exclusion des questions de sécurité et de défense [du cadre du règlement] doit être maintenue à tout prix ». De même, un courrier du secrétariat général pour les affaires européennes, repris par la presse, énonce clairement qu'« il est très important de préserver la possibilité de rechercher une personne sur la base de critères objectifs exprimant une croyance religieuse ou une opinion politique », faisant ainsi le lien avec l'utilisation de la vidéosurveillance algorithmique en temps réel en recherchant des personnes sur la base de ces critères « notamment le port d'un badge ou d'un accessoire ». M. le député s'inquiète et dénonce vivement cette obsession ultra-sécuritaire et le rôle du Gouvernement dans sa volonté de peser diplomatiquement au niveau européen pour persuader les autres pays de l'Union européenne de déroger pour la sécurité nationale à l'interdiction de l'usage de l'IA comme « risques inacceptables » pour distinguer « sur la base de la race, opinions politiques, affiliation à une organisation syndicale, convictions religieuses ou vie sexuelle ». En outre, l'influence croissante des acteurs privés dans l'élaboration de ces dispositifs technologiques se fait sentir dans un domaine régalien aussi sensible et stratégique que les libertés publiques. Ce lobbying intense de certaines entreprises spécialisées dans la surveillance algorithmique et la reconnaissance biométrique pointe la dépendance de l'État à l'égard de ceux-ci et interroge sur les véritables motivations derrière la généralisation de la VSA. Ainsi, dans les discussions entourant l'AI Act, est pointé le rôle de l'entreprise Mistral AI et en particulier par Cédric O, un proche du Président de la République et ancien secrétaire d'État au numérique. Plusieurs sources journalistiques font état du rôle déterminant de Mistral AI pour obtenir des exemptions favorables à ses intérêts et la présence de Cédric O, cofondateur de l'entreprise et ancien membre du Gouvernement, renforce les suspicions de conflits d'intérêts et d'interférences dans le processus démocratique européen. Cette porosité entre sphère politique et secteur technologique alimente la crainte exprimée par M. le député d'une captation des politiques de sécurité par des logiques marchandes, au détriment des principes démocratiques et des libertés fondamentales. Au regard des éléments précis exposés ci-dessus et des inquiétudes légitimes formulées, M. le député souhaite obtenir des clarifications suivantes : quelles sont les intentions du Gouvernement sur la prolongation de l'utilisation de la VSA et de la généralisation des logiciels de reconnaissance faciale, au regard des doutes quant à leur efficacité et les risques pesant sur les droits et libertés fondamentales ; quel a été le niveau d'échange avec le secteur privé dans la préparation et la fixation des positions de la France dans le cadre des négociations relatives à l'IA Act ; quelles sont les entreprises qui ont été associées à la discussion et quel ont été leur rôle.
Auteur : M. Ugo Bernalicis
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droits fondamentaux
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Date :
Question publiée le 20 mai 2025