Statut des outre-mer
Question de :
Mme Estelle Youssouffa
Mayotte (1re circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 15 mai 2025
STATUT DES OUTRE-MER
Mme la présidente . La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa . Monsieur le ministre des outre-mer, vous revenez de Nouvelle-Calédonie où vous avez mis sur la table des négociations une proposition d'indépendance-association, c'est-à-dire le transfert des compétences régaliennes, l'instauration d'une double nationalité française et néo-calédonienne et un statut internationalement reconnu. Votre démarche nous alarme et nous interroge bien au-delà de la Nouvelle-Calédonie. À Mayotte comme en Polynésie et ailleurs en outre-mer, la proposition d'indépendance que vous faite aux Calédoniens, qui ont pourtant dit non, apparaît comme une alerte rouge.
Les Calédoniens ont exprimé clairement, par trois référendums successifs, leur attachement indéfectible à la République. Malgré ces votes, vous avez choisi d'offrir une indépendance déguisée. Vous avez choisi de céder aux violences et de vider les votes de toute substance. Quelles garanties pouvez-vous dès lors donner aux autres territoires ultramarins que vous ne proposerez pas l'indépendance en réponse à des émeutes ou à des revendications statutaires ou indépendantistes minoritaires ? Mayotte, revendiquée et déstabilisée par son voisin, qui orchestre des violences sur notre île, Mayotte, qui a voté pour rester française et que certains ici recommandent de larguer, est plus vigilante que jamais face à vos démarches.
Quelles sont les intentions réelles du gouvernement envers les territoires d'outre-mer ? Est-ce le largage, quels que soient les votes exprimés, en réponse à la violence de certains ? Le largage, alors que des ingérences étrangères tentent de déstabiliser notre pays ? Est-ce l'abandon de notre souveraineté et l'amputation du territoire national ? Nous attendons des réponses. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe RN. – M. Philippe Latombe applaudit également.)
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer . Vous faites un parallèle curieux, j'oserai dire hasardeux, entre la situation de la Nouvelle-Calédonie, celle de Mayotte et celle des autres territoires ultramarins. Vous comparez l'incomparable – chaque territoire a sa spécificité – et me faites à tort un procès d'intention.
La trajectoire de la Nouvelle-Calédonie est singulière. Son histoire est celle d'une colonisation de peuplement et pénitentiaire brutale. Elle a un peuple premier, les Kanaks, qui a connu la ségrégation. Elle est inscrite sur la liste des pays à décoloniser publiée par les Nations unies. Vous avez raison, trois référendums ont abouti au refus de l'indépendance – même si le troisième a laissé un sentiment d'inachevé –, mais cela ne signifie pas la fin du processus de décolonisation et d'autodétermination, lequel est incontournable si nous voulons la stabilité et la paix. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sophia Chikirou . Merci, monsieur le ministre !
M. Manuel Valls, ministre d'État . Les accords de Matignon et de Nouméa cherchent à concilier le maintien d'un lien fort avec la France et l'aspiration à la souveraineté. Mon choix, notre choix, consiste à suivre cette voie et à instaurer un partenariat solide avec la France. J'ai toujours bon espoir que nous y parvenions. Aucun des mots que vous avez cités n'a été prononcé ; les discussions continuent avec l'État et entre partenaires, sans prêter trop attention au bruit politique et médiatique.
Mayotte, vous le savez parfaitement, n'a pas la même histoire et n'est pas traversée par les mêmes divisions. Pour ce qui est de son rapport avec la France, Mayotte a choisi de devenir un département ; raison de plus pour continuer à soutenir ce territoire, comme nous le faisons déjà ! N'ayez crainte, le gouvernement sait où il va. Il se place dans un rapport de franchise, de soutien et de solidarité avec chacun des territoires d'outre-mer.
Ce que je veux, c'est la paix civile en Nouvelle-Calédonie ; c'est que nous évitions de refaire les mêmes erreurs et que nous trouvions la voie vers le destin commun mentionné dans l'accord de Nouméa. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et Dem. – M. Alexandre Portier applaudit également.)
Mme la présidente . La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa . Ce que vous venez de dire est gravissime. Malgré les trois votes contre l'indépendance, vous maintenez devant la représentation nationale que cette option est envisageable. Vous savez parfaitement que la décolonisation ne signifie pas automatiquement l'indépendance ; ce que vous dites, c'est que vous allez imposer l'indépendance quelle que soit la position de la majorité des Néo-Calédoniens. C'est grave. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT, RN et UDR. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)
M. Thibault Bazin . Il n'a pas dit cela !
Auteur : Mme Estelle Youssouffa
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 mai 2025