Majorité numérique
Question de :
M. Jérémie Patrier-Leitus
Calvados (3e circonscription) - Horizons & Indépendants
Question posée en séance, et publiée le 15 mai 2025
MAJORITÉ NUMÉRIQUE
Mme la présidente . La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.
M. Jérémie Patrier-Leitus . Nos enfants sont menacés par un fléau qui les enferme et les isole, un fléau qui les expose à la violence, au harcèlement et à la haine, un fléau qui met en danger leur santé mentale et leur équilibre psychique. Ce fléau porte un nom : les réseaux sociaux. Il sévit et prospère grâce à un clic, un petit clic de quelques secondes qui permet à un enfant de 10 ans d'ouvrir un compte sur un réseau social. Ce geste simple et anodin, plus de la moitié des enfants de moins de 13 ans en France l'ont fait. Dès lors, ils se trouvent livrés dès le plus jeune âge à la brutalité du monde et aux fausses informations. Des familles entières se trouvent démunies face à la toute-puissance des géants du numérique : 80 % des parents déclarent ne pas savoir ce que leurs enfants font sur les réseaux sociaux.
Pour répondre à cette urgence, le groupe Horizons & indépendants a défendu en mars 2023, grâce à l'engagement et à la ténacité de Laurent Marcangeli, que je veux ici saluer et remercier, une proposition de loi simple et de bon sens visant à instaurer la majorité numérique, c'est-à-dire l'interdiction pure et simple des réseaux sociaux aux jeunes de moins de 15 ans. Ce texte, voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale et au Sénat, puis promulgué, devait enfin donner aux familles le pouvoir de dire non et aux plateformes l'obligation de contrôler l'âge de leurs utilisateurs.
M. Alexandre Portier . Il est grand temps !
M. Jérémie Patrier-Leitus . Pourtant, deux ans plus tard, rien n'a changé. Aucun décret d'application, aucune mesure concrète n'a été pris. La loi dort dans un tiroir et nos enfants continuent d'être livrés à eux-mêmes. C'est inacceptable. Au-delà de la santé de nos enfants, c'est aussi l'avenir de notre société qui se joue : que deviendront les jeunes si leur seul horizon est celui d'un écran ? Quels citoyens formerons-nous demain si nous abandonnons à des algorithmes et à des plateformes étrangères le soin d'éduquer et d'informer nos enfants ?
Quand publierez-vous enfin les décrets nécessaires pour que la majorité numérique à 15 ans devienne une réalité ? Quand décréterez-vous l'état d'urgence contre les réseaux sociaux et contre l'addiction aux écrans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . Je comprends votre impatience : il est urgent de protéger nos enfants. Trois enfants de moins de 13 ans sur quatre ont déjà un compte sur un réseau social et quatre enfants sur dix disent que les réseaux sociaux sont pour eux source non seulement d'anxiété, mais même d'addiction. En seulement un clic, ces enfants ont accès à des tutoriels qui leur expliquent comment se scarifier ou pire encore comment faire des nœuds coulants, à des contenus qui les incitent à s'affamer car il vaut mieux « être vide que vilaine ». Face à tous ces contenus, la réponse est simple : les réseaux avant 15 ans, c'est non ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.)
Plusieurs députés du groupe HOR . Alors faites-le !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Le président de la République l'a rappelé hier, il s'agit d'une priorité, et je ne lâcherai rien. Vous avez mentionné M. Marcangeli : je tiens à saluer le travail qu'il a effectué en tant que député, puis en tant que ministre (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe HOR) – je le sais très attaché à cette question, sur laquelle le Parlement a beaucoup travaillé. Mon travail consiste désormais à avancer au niveau européen, car nous avons maintenant le pouvoir d'imposer aux plateformes la vérification de l'âge des utilisateurs.
Mme Béatrice Bellay . Quand ? Quand le ferez-vous ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Je ne lâcherai rien. Il est inadmissible qu'une plateforme se contente, pour vérifier l'âge des enfants, de leur demander leur date de naissance. Nous avons confié à l'Union européenne la responsabilité d'encadrer la protection des mineurs sur les plateformes. Nous, les Européens, sommes 450 millions ; c'est là notre force.
Je peux vous garantir que d'autres pays soutiennent la position française. Ce matin même, la Belgique a annoncé qu'elle voulait avancer pour interdire l'usage des réseaux sociaux aux jeunes de moins de 15 ans. Nous agirons en Européens et nous serons très fermes, car il n'y a plus d'échappatoire. Je ne travaille pas à l'élaboration d'une règle pour interdire, mais pour protéger les enfants et pour montrer à tous les parents, qui très souvent se sentent démunis, que nous apportons une réponse ferme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Auteur : M. Jérémie Patrier-Leitus
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Numérique
Ministère interrogé : Intelligence artificielle et numérique
Ministère répondant : Intelligence artificielle et numérique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 mai 2025