Évaluations budgétaires des condamnations de l'État liées aux titres de séjour
Question de :
M. Vincent Ledoux
Nord (10e circonscription) - Ensemble pour la République
M. Vincent Ledoux attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les conséquences financières croissantes pour l'État des condamnations prononcées par les juridictions administratives en raison de dysfonctionnements dans le traitement des demandes de renouvellement de titres de séjour. En effet, les retards anormalement longs, les refus illégaux ou encore les absences de réponse dans les délais impartis conduisent un nombre croissant de ressortissants étrangers à engager la responsabilité de l'État devant les tribunaux. Ceux-ci reconnaissent régulièrement une faute de l'administration et ordonnent l'indemnisation des préjudices subis. Ces dysfonctionnements causent un double préjudice. D'une part, ils exposent l'État à des condamnations répétées, assorties de dommages et intérêts parfois conséquents. D'autre part - et c'est peut-être le plus grave -, ils placent les demandeurs dans des situations de grande vulnérabilité : impossibilité de justifier de leur séjour, perte d'emploi ou de contrat de travail, rupture de droits sociaux, impossibilité d'accéder à certaines prestations, ou encore mise en danger de leur vie familiale. Dans plusieurs rapports, la Cour des comptes a souligné les carences structurelles des services préfectoraux en matière de gestion des titres de séjour : sous-dimensionnement des effectifs, hétérogénéité des pratiques, opacité de certaines procédures, mais aussi absence de pilotage efficace du contentieux. Elle observe notamment une insuffisante traçabilité budgétaire des dépenses engagées au titre des condamnations de l'État dans ces affaires, ce qui nuit à la transparence et à l'évaluation des politiques publiques. Or aucune estimation globale n'est aujourd'hui disponible dans les documents budgétaires de l'État (lois de finances, rapports annuels de performance, etc.) quant au montant de ces condamnations, ni à leur évolution annuelle. Il lui demande donc : s'il peut transmettre une évaluation consolidée du coût budgétaire annuel de ces condamnations, sur les cinq dernières années ; s'il entend renforcer les moyens humains et numériques des préfectures afin de garantir un traitement conforme au droit et dans des délais raisonnables des demandes de renouvellement de titres de séjour et ainsi réduire l'exposition contentieuse de l'État ; et s'il envisage, à plus long terme, de mettre en place un mécanisme de suivi budgétaire et de transparence sur les condamnations financières liées aux contentieux administratifs dans le champ des politiques migratoires.
Réponse publiée le 2 décembre 2025
L'acquittement des condamnations pécuniaires liées aux demandes de renouvellement de titres de séjour est assuré par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'Intérieur » (CPPI) et plus précisément par l'action 6 « Affaires juridiques et contentieuses ». Le contentieux de l'entrée et du séjour des étrangers en France est un contentieux de masse qui continue de croître. Sur les 5 dernières années, le nombre de requêtes enregistrées a progressé de 87,3 %, pour atteindre 155 498 requêtes en 2024. Le taux de succès de ce contentieux est de 79 % en 2024. Sur la période 2020-2025, 35 % des décisions de justice correspondent à des contentieux spéciaux et de l'urgence, notamment des référés. La Cour des comptes, dans le rapport précité, souligne que 7 680 référés dits mesures utiles ont été recensés en 2021 et 7 680 en 2022 une volumétrie qui permet de comprendre les difficultés de fonctionnement connues par les services. Les moyens humains des services préfectoraux de l'entrée et du séjour des étrangers en France ont augmenté de 67 % de 2012 à 2024 passant de 2 497 ETPT à 4 172 ETPT alors que pendant cette période les effectifs des préfectures, hors corps préfectoral et hors SGCD, diminuaient de 14 % passant de 27 613 à 23 652 agents. En outre, depuis 2022, 600 à 700 ETPT, dont 190 fléchés par l'administration centrale, permettent le recrutement de renforts infra-annuels. Conformément à la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), 12 ETP supplémentaires ont été créés en 2023 au bénéfice de ces services, sur un schéma d'emploi total de 42 ETP, puis 60 ETP sur un schéma d'emploi total de 101 ETP en 2024. Enfin, 84 ETP ont été créés dans les services étrangers en 2025 sur un schéma d'emploi total de 101 ETP. En 2025, 352 ETPT auront été affectés à la mission du contentieux de l'entrée et du séjour des étrangers en France. Enfin, le ministère de l'intérieur déploie le programme « Administration numérique pour les étrangers en France » (ANEF). Ce portail, utilisable à tout moment, sur ordinateur, tablette ou smartphone, a été conçu pour être simple d'utilisation et fluidifier le parcours des usagers qui n'ont dès lors plus besoin de prendre un rendez-vous pour déposer leurs demandes. Aujourd'hui, plus de 80 % des demandes traitées par les préfectures sont déposées au moyen du téléservice, permettant ainsi un traitement plus rapide des demandes. Afin de garantir l'égal accès au service public et l'exercice effectif des droits des étrangers, un dispositif d'accompagnement numérique des usagers étrangers a par ailleurs été mis en place à compter de novembre 2021 pour les personnes éloignées du numérique ou ne disposant pas d'un accès à internet. Cet accompagnement est réalisé par le centre de contact citoyen (CCC) de France Titres et les points d'accueil numérique (PAN) des préfectures et des sous-préfectures. L'administration est en outre tenue de mettre en œuvre une « solution de substitution » pour les usagers qui demeurent dans l'impossibilité de déposer leur demande de manière dématérialisée pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de l'ANEF. La demande de titre est alors effectuée directement auprès de la préfecture ou de la sous-préfecture du département de résidence de l'usager. Un rendez-vous physique individuel est systématiquement proposé et les modalités de prise de rendez-vous comprennent au moins deux vecteurs, dont l'un n'est pas numérique. La dématérialisation des demandes de titres de séjour est ainsi assortie de la mise à disposition d'un accompagnement aux démarches en ligne ainsi que d'une voie de dépôt de substitution en cas de défaillance constatée du téléservice (voir la réponse à la question écrite de M. Karim Ben Cheikh n° 5744 publiée au JO le 24 juin 2025 page 5516).
Auteur : M. Vincent Ledoux
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 20 mai 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025