Question écrite n° 6807 :
Santé mentale des jeunes : quelles actions pour répondre à l'urgence ?

17e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Écologiste et Social

M. Alexis Corbière alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la dégradation préoccupante de la santé mentale des jeunes en France. Deux semaines après le terrible assassinat d'une lycéenne de 15 ans dans son établissement à Nantes, le suspect se trouve toujours en psychiatrie. Il y a une semaine, des professionnels de la pédopsychiatrie dressaient un tableau noir de l'état de la prise en charge de la santé mentale dans le pays. Les données les plus récentes témoignent d'une aggravation alarmante de la santé psychique des jeunes. Selon une étude de l'université de Bordeaux, 40 % des étudiants présentent aujourd'hui des symptômes dépressifs, contre 26 % avant la crise sanitaire. Chez les 18-24 ans, les idées suicidaires ont progressé de manière significative, passant de 21 % à 29 % entre 2019 et 2023. Santé publique France indique également que la proportion de jeunes de cette tranche d'âge souffrant de dépression a presque doublé entre 2017 et 2021, passant de 11 % à 21 %. Ces données préoccupantes devraient appeler une réaction forte du Gouvernement et l'engager à s'attaquer aux causes profondes de ce phénomène. Or celles-ci sont multiples : la précarité étudiante croissante, l'isolement lié aux usages numériques, ou encore la pression scolaire et sociale. L'instabilité en matière de logement, les difficultés à se nourrir correctement, l'impossibilité d'accéder aux loisirs participent à l'apparition et à l'aggravation de symptômes dépressifs. Face à cette situation, les dispositifs existants restent insuffisants. Le système de médecine scolaire est dans un état de délabrement préoccupant : on compte seulement un médecin scolaire pour 16 000 élèves, le chiffre s'élève à 21 000 en Seine Saint-Denis, alors que la norme serait d'un pour 5 000. Dans la circonscription de M. le député, à Montreuil, aucun médecin scolaire n'est en poste depuis sept ans. À cela s'ajoute une réduction du personnel infirmier dans les établissements scolaires, comme au lycée Eugénie Cotton de Montreuil où l'infirmière scolaire se voit contrainte de réduire son temps de travail à mi-temps. Le nombre de psychologues de l'éducation nationale reste par ailleurs dramatiquement bas : environ un pour 1 500 élèves aujourd'hui, contre un pour 800 dans les années 1980. Le renforcement des effectifs de santé dans les établissements scolaires est essentiel pour garantir un accompagnement de qualité auprès des jeunes. Le dispositif du « chèque psy » a également révélé ses limites. Bien que sa nouvelle déclinaison, « Santé psy étudiant », ait apporté certaines améliorations, des progrès restent nécessaires, notamment pour renforcer l'attractivité du dispositif auprès des psychologues et favoriser une meilleure articulation avec la médecine scolaire. Au regard de cette situation sanitaire et sociale d'une extrême gravité, il est impératif d'engager une réponse à la hauteur. Cela suppose le recrutement massif de médecins et d'infirmières scolaires, la revalorisation de leurs métiers, l'augmentation significative du nombre de psychologues de l'éducation nationale (PsyEN), ainsi que l'amélioration et une meilleure visibilité des dispositifs d'accès aux soins psychologiques. En résumé, à l'heure où la santé mentale était proclamée « grande cause nationale » par l'ex-premier ministre Michel Barnier, il est paradoxal de constater l'absence d'engagements politiques et financiers clairs et de mesures concrètes à la hauteur de l'enjeu. M. le député demande donc à Mme la ministre quelles mesures elle compte prendre pour garantir un accès effectif à la prévention et aux soins psychologiques pour les jeunes ; comment elle envisage un plan de recrutement ambitieux pour la médecine scolaire et universitaire, incluant médecins, infirmiers et psychologues. Enfin, il souhaiterait savoir si une amélioration du dispositif « Santé psy étudiant » est à l'ordre du jour, afin que celui-ci puisse véritablement répondre aux besoins des jeunes en détresse psychique.

Réponse publiée le 16 septembre 2025

La prévalence des difficultés psychologiques reste élevée chez les jeunes (cf. bulletins mensuels de santé mentale de Santé publique France : Réseau OSCOUR et actes SOS médecins, et étude ENCLASS de l'école des hautes études en santé publique et l'observatoire français des drogues et des tendances addictives). La persistance voire l'aggravation de la dégradation de la santé mentale des adolescents après la période du Covid pourrait effectivement s'expliquer par une augmentation des facteurs de risques environnementaux, économiques ou sociétaux. Le Gouvernement est pleinement conscient de tous ces enjeux, et est fortement mobilisé de longue date pour inscrire la santé mentale des enfants et des jeunes comme une priorité de sa politique de santé. Dès juin 2018, et en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement a adopté une Feuille de route santé mentale et psychiatrie organisée autour de trois axes : la prévention, le parcours de soins et l'insertion sociale. Cette feuille de route a été enrichie en 2021 par des mesures issues des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, avec un axe spécifique pour repérer et agir plus précocement pour la santé psychique des enfants et des jeunes, en réponse à la dégradation de la santé mentale chez les jeunes constatée depuis la crise du Covid, pour atteindre un total de 50 actions concrètes. Dans le champ de la prévention, les mesures principales sont l'organisation d'une communication grand public régulière sur la santé mentale, notamment avec la mise en ligne par Santé publique France en 2025 d'un site internet dédié à la santé mentale ; l'amplification du déploiement du secourisme en santé mentale dans tous les milieux et la poursuite de ce déploiement auprès des étudiants ; et l'expérimentation de maisons de l'enfant et de la famille en charge de la coordination de la santé des 3-11 ans. Parmi les communications, plusieurs ont ciblé spécifiquement la santé mentale des adolescents et des jeunes depuis 2021 : campagne « #JEnParleA » pour les 11-17 ans en 2021 et 2022, « Le Fil Good », cinq courtes vidéos à destination des 11-24 ans, présentant différents comportements favorables à la santé mentale, diffusées sur les réseaux sociaux d'octobre 2023 à janvier 2024. Ces communications renvoient systématiquement vers le dispositif Fil Santé Jeunes, qui informe les 12-25 ans sur les différents aspects de leur santé, notamment la santé mentale et le bien-être, et propose un forum, un tchat et numéro d'appel anonymes et gratuits. Pour les jeunes en repli social ayant un statut d'étudiant, il existe également des lignes d'écoute dédiées aux étudiants : Nightline, dispositif associatif soutenu par différents ministères, et la coordination nationale d'accompagnement des étudiantes et des étudiants, dont la plateforme téléphonique s'adresse depuis décembre 2023 à tous les étudiants, avec le soutien du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. De même, le développement des Compétences psychosociales (CPS), soutenu par le déploiement d'une stratégie nationale multisectorielle de renforcement des CPS chez les enfants et les jeunes dans tous leurs secteurs de vie (scolaire et extra-scolaire) constitue une mesure de prévention primaire en santé mentale. Les CPS permettent d'améliorer la conscience de soi, la maîtrise du stress et des émotions, et la capacité à maintenir un état de bien-être psychique. La prévention du suicide est également un axe prioritaire de la politique de santé publique du ministère chargé de la santé avec la mise en place d'un ensemble d'actions intégrées : le maintien du contact avec la personne qui a fait une tentative de suicide (programme VigilanS) ; des formations au repérage, à l'évaluation du risque suicidaire et à l'intervention de crise suicidaire ; des actions ciblées pour lutter contre la contagion suicidaire ; l'information du public et enfin, la mise en place du numéro national de prévention du suicide, le 3114. Différents travaux en cours permettront de renforcer la prévention du suicide à destination des jeunes : adaptation du protocole VigilanS pour le public des mineurs, programme de recherche visant à expérimenter une « Equipe en ligne d'Intervention et d'orientation pour les adolescents et les jeunes adultes en souffrance » (ELIOS) composée de web-cliniciens formés à la prévention du suicide intervenant directement sur les réseaux sociaux pour venir en aide aux jeunes en proie à des idées suicidaires, et mise en place d'un tchat au 3114 afin d'en faciliter l'accès à ce public. Concernant les soins, le dispositif « Mon soutien psy » permet le remboursement par l'Assurance maladie d'une prestation d'accompagnement psychologique dès l'âge de 3 ans, pour des troubles d'intensité légère à modérée, comprenant jusqu'à 12 séances par an. La rémunération des psychologues conventionnés a été revalorisée, assurant une meilleure attractivité du dispositif. D'autres mesures clés favorisant l'accès aux soins des jeunes sont le renforcement du réseau des maisons des adolescents (et le déploiement d'équipes mobiles), l'augmentation des effectifs des centres médico-psychologiques pour enfants et adolescents), ainsi que le renforcement en psychologues dans les maisons de santé et centres de santé, avec extension du dispositif aux enfants et adolescents à partir de l'âge de 3 ans. Le Gouvernement agit donc à la fois sur la prévention et la prise en charge des troubles psychiques des enfants et des jeunes, et reste attentif à l'évolution de l'état de la santé mentale de la population. Plus récemment, lors des Assises de la santé scolaire du 14 mai 2025, des mesures ont été annoncées pour la santé mentale : notamment la systématisation de protocoles dédiés à la santé mentale dans toutes les écoles, les collèges et les lycées d'ici fin 2025, la formation à la santé mentale des inspecteurs du premier degré, des personnels de direction, des personnels sociaux et de santé, la formation de deux personnels repères en santé mentale dans chaque circonscription pour le premier degré et dans tous les collèges et les lycées, le développement de partenariat avec les maisons des adolescents et avec les centres médico-psychologiques. Il est également prévu que 100 psychologues de l'éducation nationale conseillers techniques en santé mentale soient nommés, que soient renforcées les compétences psychosociales des élèves et qu'un module de sensibilisation auprès des lycéens soit déployé. Enfin, dans le cadre de la santé mentale grande cause nationale de 2025, de nombreuses actions de communication sont menées sur l'ensemble des dimensions de la santé mentale.

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question écrite

Rubrique : Jeunes

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Santé et accès aux soins

Dates :
Question publiée le 20 mai 2025
Réponse publiée le 16 septembre 2025

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