Question écrite n° 6818 :
Indisponibilité des outils de réduction des risques en prison

17e Législature

Question de : Mme Andrée Taurinya
Loire (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Andrée Taurinya alerte M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les entraves manifestes au déploiement des politiques de réduction des risques (RdR) dans les établissements pénitentiaires et notamment sur l'indisponibilité des outils de RdR. La loi du n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé a permis d'étendre le principe de continuité des soins entre le milieu ouvert et fermé à la RdR. Si le Conseil d'État a reconnu que l'application de cette politique aux personnes détenues n'est pas subordonnée à l'intervention préalable du pouvoir réglementaire - comme M. le ministre le rappelle dans sa réponse du 8 avril 2025 à la question écrite n° 2766 (JO du 10 décembre 2024, p. 6548) - Mme la députée constate que cette politique demeure aujourd'hui largement inappliquée. La prolifération de maladies infectieuses au sein d'une population carcérale précaire et extrêmement vulnérable est alarmante. Selon les données accessibles de l'enquête Prévacar (2010) qui appellent à être réactualisées, la prévalence de l'hépatite virale C (VHC) est estimée à 4,8 % parmi les détenus dont la moitié avec une charge virale positive, le mode de contamination dépendant de l'usage des drogues dans 70 % des cas. La prévalence du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) était quant à lui 4,5 fois plus importante qu'en population générale, soit 1,04 % de la population détenue. Or 53,5 % de la population carcérale souffre d'un trouble de l'usage de substance contre 12, 9 % en population générale appariée (Fovet, 2022, France). Selon l'enquête OFDR ESSPRI (2023) relative au niveau d'usage de substances psychoactives chez les détenus, 49 % déclarent avoir consommé du cannabis, 13 % de la cocaïne, 4,7 % du crack, 5,4 % de l'ecstasy, 5,1 % de l'héroïne. Ils sont ainsi 3,5 % à avoir eu recours à l'injection d'une drogue ou d'un produit de substitution durant leur détention. Au 1er avril 2025, 82 921 personnes étaient détenues dans les établissements pénitentiaires. Dans un contexte d'augmentation continue de la surpopulation carcérale, la prison demeure un foyer important de transmission du VIH et du VHC. La continuité des soins n'y est pourtant pas assurée concernant la disponibilité des outils de RdR. C'est ce que révèle l'enquête de la Fédération Addiction de 2023 relative aux conditions d'exercices des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) référents en milieu pénitentiaire. Ainsi, 32 % des CSAPA interrogés affirment que des vapes sont disponibles dans leur établissement, 29 % pour des « roule-ta-paille », 22 % pour du javel. Plus grave, seuls 5 % des CSAPA interrogés affirment que des embouts, filtre en aluminium, pipe à crack, seringues sont à dispositions des détenus dans le cadre de programmes d'échanges (PES) alors que près de 3 000 personnes détenues seraient amenées à utiliser du matériel usagé, aggravant ainsi un problème majeur de santé publique. Le décret n° 2005-347 du 14 avril 2005 approuvant le référentiel national des actions de réduction des risques en direction des usagers de drogue n'est donc pas appliqué en détention, malgré l'extension du principe de continuité des soins en milieu fermé. Il inclut pourtant la distribution de matériel visé par ce référentiel, y compris des seringues, pipes à crack et roule-ta-paille. M. le ministre affirmait qu'« aucun décret n'est donc prévu, dans l'immédiat, en la matière », se prévalant d'une décision du Conseil d'État qui ne lui interdisait pas d'en prendre un. Pour autant, elle aimerait connaître les démarches concrètes que le Gouvernement mettra en œuvre pour se mettre en conformité avec la loi et le règlement et notamment quel matériel de réduction des risques, outre la Javel, les préservatifs et l'aluminium, seront déployés dans l'ensemble des prisons.

Données clés

Auteur : Mme Andrée Taurinya

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date :
Question publiée le 20 mai 2025

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