France Relance : soutien à la résilience alimentaire et équité territoriale
Question de :
Mme Karen Erodi
Tarn (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Karen Erodi appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'exclusion problématique des territoires ruraux du dispositif de financement dédié aux jardins partagés dans le cadre du plan « France Relance ». Alors que la relocalisation de l'alimentation et le renforcement de la souveraineté alimentaire sont affichés comme des priorités stratégiques par le Gouvernement, les critères actuels du programme - réservant ce soutien exclusivement aux zones urbaines - laissent de côté une frange importante de la population, pourtant particulièrement exposée à la précarité alimentaire. Sur le terrain, des initiatives émergent pour pallier ce manque de reconnaissance institutionnelle. À Penne, dans le département du Tarn, un habitant a récemment mis en œuvre un projet de jardins vivriers partagés, financé sur ses fonds propres et soutenu par des dons d'habitants. Ces jardins, en accès gratuit, permettent à une vingtaine de personnes de produire localement une part de leur alimentation, dans une dynamique collective et solidaire. Loin d'être anecdotique, ce projet répond à un besoin vital dans une zone rurale marquée par l'isolement, le vieillissement démographique, la pauvreté structurelle et une forte dépendance automobile. Il participe pleinement aux objectifs de résilience locale, de santé publique, de lien social et de transition agroécologique. Ce type d'initiative s'inscrit dans les constats établis par des travaux comme ceux du CRATER - Les Greniers d'abondance, du Shift Project ou encore du PETR Bastides albigeoises, qui soulignent tous l'urgence de soutenir des formes d'agriculture vivrière et collective en milieu rural. Pourtant, malgré sa pertinence écologique, sociale et démocratique, ce projet ne bénéficie d'aucun accompagnement public. La Région Occitanie a en effet confirmé que les crédits de France Relance dédiés aux jardins partagés ne sont accessibles qu'en zone urbaine - ce qui exclut mécaniquement des territoires entiers, souvent plus vulnérables, du champ d'action des politiques de transition alimentaire. Mme la députée déplore cette logique restrictive, qui repose sur une représentation dépassée du monde rural : celle d'un territoire homogène, autosuffisant et disposant de terres et de ressources. Or nombre de foyers ruraux ne disposent pas de jardin individuel, en raison de la configuration du bâti, de la médiocrité des sols, ou encore d'un isolement social qui limite l'apprentissage de l'autoproduction. Par ailleurs, la consommation de produits locaux est loin d'être automatique en milieu rural, les circuits de distribution étant concentrés, les marchés inexistants et les productions agricoles tournées vers l'exportation ou des filières industrielles. Cette exclusion institutionnelle des campagnes d'un dispositif pourtant pensé pour répondre à la vulnérabilité alimentaire constitue une contradiction majeure dans la stratégie de résilience affichée par le Gouvernement. Elle nuit également à la cohérence de la transition écologique, en négligeant des zones où les initiatives citoyennes, associatives ou municipales sont nombreuses, mais privées d'appui financier. Aussi, Mme la députée demande à Mme la ministre pour quelles raisons les projets de jardins partagés portés par des habitants et des habitantes ou des collectivités en territoires ruraux ne sont pas éligibles aux crédits de France Relance, alors même qu'ils remplissent pleinement les objectifs fixés par le programme. Elle l'interroge également sur les évolutions qu'elle envisage pour corriger cette inégalité manifeste : ouverture d'une enveloppe dédiée aux zones rurales, élargissement des critères d'éligibilité, accompagnement des collectivités dans la mise en place de ces jardins vivriers, ou encore articulation avec d'autres dispositifs (fonds européens, planification écologique, aides à l'économie sociale et solidaire). Enfin, elle souhaite savoir quelles démarches concrètes peuvent être entreprises par les porteurs de projet pour faire reconnaître leur action auprès des autorités compétentes et dans quel calendrier elle entend garantir une équité territoriale effective dans l'accès aux politiques de résilience alimentaire.
Réponse publiée le 16 septembre 2025
Lors de la période de confinement, l'accès à une alimentation locale, fraîche, saine et d'un coût abordable a pu être parfois particulièrement problématique dans les zones urbaines et périurbaines. Les jardins partagés et collectifs existants ont apporté une réponse concrète, notamment pour des personnes rencontrant des difficultés économiques et sociales. Bénéficier d'un jardin partagé ou collectif est en outre favorable à la santé et au bien-être, en donnant l'occasion de sortir en plein air à proximité de son domicile, de se sociabiliser avec d'autres habitants, d'exercer une activité physique et de participer concrètement aux enjeux de transitions climatique et environnementale. En donnant l'occasion aux citadins de se confronter à des formes de production agricole, même à petite échelle, les jardins partagés ou collectifs permettent de créer du lien entre monde rural et urbain, en reconnectant les citadins aux cycles du vivant. Doté de 30 millions d'euros (M€), le dispositif de soutien à l'agriculture urbaine et aux jardins partagés du plan France Relance avait donc pour ambition un déploiement plus massif des jardins partagés ou collectifs dès le début 2021 en accompagnant des projets locaux à visée environnementale et sociale pour les populations des zone urbaines et périurbaines, notamment dans les quartiers prioritaires et zones de renouvellement urbain. Ainsi, l'initiative « Jardins partagés », portée par le ministère chargé de l'agriculture a financé des investissements matériels et immatériels ainsi que des prestations de formation-animation en faveur de la création de jardins partagés. Accessibles par des appels à projets départementaux, ces aides ont été mobilisées sur l'ensemble du territoire hexagonal et ultramarin par des associations, des collectivités territoriales ainsi que des bailleurs sociaux, pour le développement, au total, de plus de 1 000 jardins partagés. En complément, le Gouvernement a renforcé son soutien à l'opération « Quartiers Fertiles » portant sur l'agriculture urbaine, grâce à une dotation de France Relance. Pilotée par l'agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), ce dispositif a permis le financement d'une centaine de fermes urbaines couvrant 140 quartiers en renouvellement urbain. Les projets éligibles à l‘appel à projets « Quartiers fertiles » devaient avoir une production marchande. Étant donné le contexte budgétaire actuel, il n'est pas prévu de renouveler ces dispositifs. Néanmoins, sur l'ensemble du territoire et donc notamment dans les zones rurales, les projets alimentaires territoriaux (PAT) sont également un levier majeur pour rapprocher la production agricole de la consommation et promouvoir une alimentation saine et durable pour tous. Les actions relatives aux jardins partagés sont fréquentes dans les PAT, en milieu urbain comme en milieu rural. Sur les 460 PAT reconnus à date par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, 103 mentionnent des initiatives relatives aux jardins partagés dans leurs plans d'action. Dans le cadre de la planification écologique, une enveloppe de 15 M€ a permis le soutien de 22 PAT émergents et 153 PAT opérationnels en 2024 avec un renforcement des critères de reconnaissance concernant le caractère systémique des PAT, leur articulation avec les autres politiques du territoire et leur capacité à suivre et évaluer leurs impacts. Ce dispositif est renouvelé en 2025 pour un total de 10 M€.
Auteur : Mme Karen Erodi
Type de question : Question écrite
Rubrique : Ruralité
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 20 mai 2025
Réponse publiée le 16 septembre 2025