Question écrite n° 6918 :
Mesures d'urgence pour l'IRT Occitanie

17e Législature

Question de : M. Hadrien Clouet
Haute-Garonne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Hadrien Clouet attire l'attention de Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le péril qui guette l'institut régional du travail Occitanie. Les instituts du travail constituent des espaces originaux, syndicaux et universitaires, créés dans les années 1950 avec l'exemple pionnier de l'institut du travail de Strasbourg. Le monde ouvrier organise alors sa formation intellectuelle au sein de l'enseignement supérieur public, via des conseils paritaires entre l'administration publique, le syndicalisme salarié et les universitaires. S'y développe une pédagogie hybride, adaptée à des militants éprouvés, à hautes responsabilités collectives, très connaisseurs du droit au travail et représentatifs de toute la diversité du spectre syndical. La France comporte 10 instituts du travail, regroupés autour d'un réseau. Deux d'entre eux ont une vocation nationale (Bourg-La-Reine et Strasbourg), tandis que huit ont une vocation régionale (Toulouse, Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lyon, Nancy, Rennes, Saint-Etienne). Ces instituts du travail assurent cinq missions indispensables. D'abord, la formation des syndicalistes par le monde universitaire et de la recherche, via des sessions syndicales ou intersyndicales, qui prennent appui sur l'expérience professionnelle pour diffuser les connaissances les plus récentes en sciences humaines, sociales, économiques et juridiques. De tels stages sont rémunérés dans le cadre du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale. Tous les ans, plusieurs centaines de stages et journées de formation prud'homale sont accueillis dans les instituts du travail. Chaque institut développe bien entendu sa propre pédagogie à destination de publics particuliers, à l'instar de l'IRT Toulouse, par exemple, qui prévoit aussi une formation santé et sécurité au travail destinée aux représentants du personnel non-syndiqués des entreprises de moins de 50 salariés, où la sinistralité est la plus élevée. Une activité de recherche y est aussi animée par des chercheurs de différents laboratoires universitaires, coordonnés à Toulouse par le conseil de développement de l'IRT. Dans le cas toulousain, il se penche particulièrement sur les questions d'égalité professionnelle femmes-hommes, la négociation collective, la prévention en santé et sécurité au travail (dont la lutte contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes au travail) ou encore la lutte contre les discriminations dans l'emploi. En outre, loin de rester cloisonné sur eux-mêmes, les instituts du travail assurent des évènements ouverts au grand public. Échanges avec des intellectuels, débats entre syndicalistes, agora de salariés, échanges entre dirigeants d'entreprise et administrations publiques - autant d'occasions démocratiques de diffuser les résultats scientifiques et de recherche auprès du plus grand nombre. Ensuite et singulièrement, à l'IRT Occitanie, qui a créé un centre dédié à cet accompagnement, l'aide à la VAEM (validation des acquis de l'expérience militante) joue un rôle essentiel. Elle consiste à convertir les connaissances acquises dans la carrière et les responsabilités syndicales, associatives et d'élus territoriaux (municipalités, conseils départementaux et régionaux) en un diplôme ou une certification professionnelle. Cela assure à ces candidats engagés dans la vie citoyenne une mobilité horizontale et verticale sur le marché de l'emploi. Finalement, les instituts du travail abritent des centres documentaires originaux, accessibles aux étudiants ou aux stagiaires, sous forme papier ou en banques de données spécialisées. Cette tâche archivistique assure la conservation et l'accessibilité d'une vaste documentation sur le monde du travail. Ces missions sont en péril en Occitanie. Un institut régional du travail y a été créé en 2003, dans l'université du Mirail, aujourd'hui université Toulouse-Jean Jaurès. Son fonctionnement fait l'objet d'une révision en 2020, avec une refonte de ses statuts en lien avec les services juridiques de l'université. Ce travail est salué par toutes les parties prenantes et clôt le mandat de la directrice sortante, professeure recrutée en tant que PAST (professeur associé en service temporaire). Toutefois, les désaccords s'accumulent à partir de ce moment : contre l'avis du conseil de l'IRT et du conseil scientifique qualifié en sociologie, le recrutement de sa remplaçante se fait sous le classement de maître de conférences au lieu de professeur. Puis, le conseil de l'IRT et la présidence de l'université ne parviennent pas à s'accorder sur l'élection d'une nouvelle direction de l'IRT, conduisant à la nomination d'une administration provisoire, renouvelée au printemps 2022 dans les mêmes termes. Suite à de tels blocages interdisant à l'enseignante-chercheuse d'accéder au statut de professeur plutôt que de maître de conférences, elle démissionne. Ce poste d'enseignant-chercheur lui-même est supprimé dans l'IRT, contre l'avis du conseil et affecté au département de sociologie. Ces décisions unilatérales ont alors pour effet de dégrader considérablement les capacités de l'IRT a mener une grande partie de ses missions (perte de l'agréement pour les formation CPH, impossibilité de mener des activités de recherche et de collaboration académique). S'ensuit un renouvellement de l'ensemble des postes de l'IRT, pour des raisons de mutations internes ou de démissions, entraînant une vacance totale des postes pendant plusieurs mois. Face à ces difficultés, une médiation bienvenue est proposée par le recteur délégué à l'enseignement supérieur, en vue de redéfinir les statuts de l'IRT. Afin de faciliter son lancement en octobre 2024, le conseil de l'IRT n'est pas immédiatement renouvelé mais remplacé par un groupe de travail. Lors de la première séance, la direction de l'université exprime une volonté de se désengager de l'IRT, en raison des manques de dotation et des griefs vis-à-vis de certaines missions. Elle remet en cause son statut d'institut interne (pourtant commun à tous les instituts du travail), pour lui préférer une intégration aux services communs ou une transformation en centre associatif partenaire. Or ces options auraient pour grave conséquence de supprimer automatiquement tous les agréments du ministère du travail (donc ses financements) et suscitent l'opposition de la totalité des organisations syndicales. Le blocage autour de ce projet de liquidation provoque le boycott des réunions ultérieures par les organisations syndicales. En réalité, l'ensemble des parties prenantes au groupe de travail constatent en décembre 2024 que le maintien de l'IRT sous sa forme actuelle requiert une dotation spécifique de l'État. Celle-ci élargirait l'offre de formation et permettrait d'affecter un enseignant permanent, répondant aux critiques et aux ambitions de tous les acteurs. La fourniture d'une expertise ministérielle par l'accompagnement statutaire et réglementaire est demandée, afin de sécuriser les activités dans l'entre-deux. La demande est renouvelée le 8 avril 2025 par la présidence de l'université, soutenue par le recteur, afin que soit diligentée une mission ministérielle accompagnée par l'IGESR. À défaut, les trois contrats salariés ne sont renouvelés qu'à horizon de 6 mois (février-août 2025) D'après la direction juridique, qui mobilise des propos tenus en vidéoconférence par le DGESIP, les statuts de l'IRT, bien que similaires aux autres instituts du travail et basés sur les articles D. 713-12 et suivants, devraient respecter les dispositions générales du code de l'éducation et ne bénéficieraient pas d'une dérogation. Ainsi, les articles L. 713-9, D. 719-4 et D. 719-14 ne seraient pas respectés par les statuts de l'IRT dont le conseil d'institut interne, le statut des électeurs et éligibles ainsi que les personnalités extérieures seraient irréguliers. Pourtant, l'article L. 719-2 est bien clair : « des dispositions réglementaires peuvent prévoir des règles particulières de représentation des personnels d'enseignement et assimilés au sein des conseils des écoles et des instituts ». Aussi M. le député demande à Mme la ministre de prendre des mesures d'urgence, afin d'assurer l'avenir de l'IRT d'Occitanie à Toulouse, ses missions et les contrats de travail qui y sont associés. Premièrement, demandera-t-elle à ses représentants sur place de soutenir la reconfiguration du groupe de travail universitaire selon la composition initiale calquée sur le conseil sortant, soit un groupe élargi (VP de l'université, recteur, direction juridique, CGT, FO, CFDT, région, DREETS, ex-directrice de l'IRT) propice au partage et à la remontée d'information, respectueux des équilibres syndicaux ? Deuxièmement, entend-elle adopter des dispositions réglementaires prévoyant des règles adaptées à l'IRT d'Occitanie, pour stabiliser sa forme juridique en maintenant le statut d'institut d'université ? Troisièmement, prévoit-elle une dotation d'urgence en faveur de cette composante permettant de garantir les missions de l'année 2025 et de préserver les trois postes menacés d'ici l'hiver ? Quatrièmement, comment compte-t-elle assurer la pérennité de l'ensemble des Instituts du travail dont certains sont en situation précaire ? Il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Données clés

Auteur : M. Hadrien Clouet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Syndicats

Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Date :
Question publiée le 20 mai 2025

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