Question au Gouvernement n° 693 :
Eaux en bouteille du groupe Nestlé

17e Législature

Question de : M. Jérémie Iordanoff
Isère (5e circonscription) - Écologiste et Social

Question posée en séance, et publiée le 19 juin 2025


EAUX EN BOUTEILLE DU GROUPE NESTLÉ

Mme la présidente . La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

M. Jérémie Iordanoff . Monsieur le premier ministre, une enquête accablante de Radio France et du Monde a révélé les pratiques de la multinationale Nestlé Waters, qui commercialise de manière trompeuse les eaux Vittel et Perrier sous l'appellation « eau minérale naturelle ». Pire, le rapport de la commission d’enquête sénatoriale publié hier met en lumière l’implication de l’État au plus haut sommet. La présidence de la République savait, au moins depuis 2022, que Nestlé trichait et avait connaissance des contaminations de certains forages. Un rapport de l’agence régionale de santé d’Occitanie a été modifié en décembre 2023 sur ordre de Nestlé Waters avec l’aide du préfet du Gard et l’aval du cabinet de la ministre de la santé. Toute mention de pesticides, PFAS, chlorates, perchlorates, bactéries Escherichia coli et entérocoques intestinaux retrouvés dans l’eau a été censurée. Plutôt que de prendre des mesures immédiates, l'État a cherché à gagner du temps, à masquer les faits et a compromis l’indépendance scientifique de son agence.

Par ailleurs, les multiples rencontres entre le secrétaire général de l’Élysée et la présidente de Nestlé Waters interrogent. Et quand l’Élysée refuse qu’Alexis Kohler vienne répondre devant la commission d’enquête du Sénat, alors qu’il y est juridiquement tenu par l'ordonnance de 1958, c’est le président de la République, supposé garant des institutions, qui entrave les pouvoirs de contrôle du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.) Cette affaire vient encore saper la confiance dans nos institutions et dans l’action publique. Ce n’est pas en fermant les yeux que les choses vont s’arranger.

Quel intérêt prime, celui de tous les Français ou celui de quelques industriels ? Comment est-il possible qu’un directeur d’agence régionale de santé et un préfet aient pu céder aux pressions d’un industriel ? Qui, du gouvernement ou de l’Élysée, est responsable dans cette affaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . Je remercie les membres de la commission d'enquête sénatoriale sur les eaux en bouteille pour leur travail, en particulier son président Laurent Burgoa et son rapporteur Alexandre Ouizille. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Rappelons que la commission d'enquête a défini trois principaux axes d'amélioration dans son rapport : le premier sur la préservation de la qualité de la ressource en eau et la prise en compte d'éventuels nouveaux risques, le deuxième sur le renforcement des contrôles grâce à une meilleure coordination des services de l'État et le troisième sur la nécessaire clarification de la réglementation s'agissant de la notion de pureté originelle et du niveau de microfiltration autorisé. Mon ministère est mobilisé pour analyser les suites à donner aux vingt-huit recommandations des sénateurs.

Qu'en est-il des eaux embouteillées du point de vue du droit à la consommation ? Je tiens à dire, pour commencer, qu'il ne s'agit aucunement d'une question de santé publique : il n'y a aucun risque pour la santé des consommateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)

Mme Julie Laernoes . Les PFAS, c'est bon pour la santé ?

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée . Nous ne sommes pas là face à un risque sanitaire, comparé à ce que nous avons pu connaître dans le passé. L'industriel utilise des processus de filtration de l'eau qui permettent sa consommation. Le sujet est donc la loyauté de l'information présente sur l'étiquette. (Mêmes mouvements.)

Mme Julie Laernoes . Les pesticides sont bons pour la santé, c'est bien connu !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée . Deux questions se posent : la bouteille contient-elle de l'eau minérale naturelle ? Autrement dit, l'eau a-t-elle été rendue potable par traitement ? Soyez assuré que des mesures ont été prises. Le 7 mai, le préfet du Gard a mis en demeure Nestlé de retirer sous deux mois le microfiltre utilisé pour ses eaux minérales naturelles. Les experts considèrent en effet qu'il modifie le microbisme de l'eau.

M. Jean-Paul Lecoq . Pas de réponse !

Mme la présidente . La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

M. Jérémie Iordanoff . Vous n'avez pas répondu ! Comment est-il possible qu'un industriel demande à récrire un rapport de l'ARS et que le directeur de l'ARS, soutenu par la préfecture et par le cabinet de la ministre de la santé, cède à cet industriel ? Pourquoi la présidente de Nestlé Waters a-t-elle rencontré de multiples fois le secrétaire général de l'Elysée ? Quel est le rôle de ce dernier dans cette affaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)

Données clés

Auteur : M. Jérémie Iordanoff

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire

Ministère répondant : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 juin 2025

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