Filière automobile française
Question de :
M. Matthieu Bloch
Doubs (3e circonscription) - UDR
Question posée en séance, et publiée le 19 juin 2025
FILIÈRE AUTOMOBILE FRANÇAISE
Mme la présidente . La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch . « Il faut être clair : le marché n'achète pas ce que l'Europe veut que nous vendions. Remplacer la totalité des volumes actuels par de l'électrique, dans les conditions actuelles, nous n'y arriverons pas. » Ce n'est pas moi qui le dis ; c'est Luca de Meo, président de Renault, le 6 mai. Tout comme John Elkann, son homologue de Stellantis, il tire à raison la sonnette d'alarme. Ce n'est plus un débat technique, c'est une question de survie pour la filière automobile française. Un demi-million d'emplois sont en jeu. La filière automobile est le poumon économique de nombreux territoires dont le mien, le pays de Montbéliard. Entendrez-vous cet appel à la raison de nos deux constructeurs nationaux ?
Voici un exemple frappant : entre 2015 et 2030, le prix d'une Renault Clio aura augmenté de 40 %. Selon Renault, 92 % de cette hausse est liée à l'inflation réglementaire imposée par Bruxelles. Résultat, les véhicules de marque française deviennent inaccessibles pour la majorité des Français. Qui peut s'offrir une Renault 5 à 33 000 euros ? Pas les ouvriers, pas les classes moyennes à qui ces véhicules sont pourtant destinés.
Face à nous, les constructeurs chinois avancent à grande vitesse. Ils produisent moins cher, innovent plus vite, déploient des batteries interchangeables qui résoudront bientôt les problèmes de charge. Pendant ce temps, vous mettez des sommes astronomiques dans le développement de la filière hydrogène, sans marché, sans réseau de distribution, complètement à contre-courant. Le Japon et la Corée résistent bien mieux à cette terrible concurrence chinoise grâce à leur décision de développer l'hybridation, qui fonctionne mieux ; eux arriveront certainement à exporter leurs véhicules. Et que fait l'Union européenne ? Elle impose le tout-électrique, elle impose des normes intenables ; pire, elle négocie même la baisse des droits de douane sur les véhicules électriques chinois. On marche sur la tête !
Ma question est simple. Allez-vous enfin écouter nos constructeurs et faire pression sur Mme von der Leyen, votre alliée, afin qu'elle cesse d'aider à mourir notre industrie automobile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie . Vous soulignez les difficultés de la filière automobile française. Nous n'avons pas attendu pour les constater et pour aller sur le terrain – je crois d'ailleurs que nous nous sommes croisés il y a quelques semaines dans votre circonscription, à Allenjoie, dont l'usine réorientera notamment son activité vers la filière hydrogène.
Ces difficultés sont liées à une concurrence féroce et parfois déloyale – vous avez cité les constructeurs chinois, qui ont récemment été soumis à des tarifs douaniers accrus car il est apparu que toute leur chaîne de valeur était subventionnée, de l'extraction du lithium destiné aux batteries des véhicules électriques jusqu'au fret maritime. C'est pourquoi nous avons besoin en premier lieu de protection commerciale, et nous sommes prêts à agir en la matière.
Ni les constructeurs automobiles que vous évoquez ni les équipementiers ne remettent en question l'objectif consistant à ce que les véhicules neufs vendus soient exclusivement électriques à partir de 2035. (Mme Anne-Laure Blin s'exclame.) Vous pouvez le leur demander : MM. de Meo et Elkann se sont exprimés à ce sujet. Les constructeurs ont consenti de lourds investissements pour électrifier leur gamme ; la difficulté qu'ils rencontrent désormais réside dans l'insuffisance de la demande en matière de véhicules électriques.
Face à ce problème, nous agissons. À l'échelle nationale, nous avons déposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 un amendement destiné à accélérer l'électrification des flottes professionnelles. Nous en voyons déjà les premiers résultats, au sujet desquels nous communiquerons bientôt. À l'échelle européenne, des propositions ont été adoptées à l'initiative de la France – sachez-le, puisque vous nous demandez de faire pression sur la Commission européenne –, dont celle qui consiste à alléger les amendes liées aux émissions de CO2 pour les constructeurs européens. C'est la conséquence des interpellations du gouvernement français, relayées par Benjamin Haddad, Agnès Pannier-Runacher et moi-même.
Vous le voyez, nous agissons au niveau européen pour offrir des marges de manœuvre à nos constructeurs et pour assumer cette transition absolument nécessaire à notre souveraineté. En effet, électrifier signifie décarboner, s'affranchir de notre très coûteuse dépendance envers les énergies fossiles et par conséquent de notre dépendance envers des pays comme la Russie avec lesquels nous souhaitons moins de relations.
Auteur : M. Matthieu Bloch
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Automobiles
Ministère interrogé : Industrie et énergie
Ministère répondant : Industrie et énergie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 juin 2025