Gestion des loups dans les territoires agricoles
Question de :
Mme Géraldine Grangier
Doubs (4e circonscription) - Rassemblement National
Mme Géraldine Grangier alerte Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur la problématique persistante et de plus en plus critique liée à la gestion des loups en France, particulièrement dans les zones rurales où les éleveurs subissent d'importants dommages dus aux attaques de ces prédateurs sur leurs troupeaux. Alors que le Gouvernement vient de dévoiler le nouveau plan national d'actions 2024-2029 pour la gestion du loup, il est évident que les mesures actuelles et à venir ne parviennent toujours pas à garantir la protection efficace des agriculteurs et plus précisément des éleveurs. Ces derniers sont en première ligne et voient leur travail et leurs moyens de subsistance menacés, ce qui crée un climat de tension et d'incompréhension vis-à-vis de la gestion de cette situation. Ces dernières semaines, plusieurs évènements tragiques ont exacerbé les craintes des agriculteurs. Deux tirs létaux ont récemment été autorisés dans les Vosges après des attaques répétées de loups sur des troupeaux. Les défenseurs du loup, ainsi que certains écologistes, dénoncent ce qu'ils perçoivent comme une « volonté d'éradication » de l'espèce, mais il est crucial de rappeler que la réalité sur le terrain est bien différente. Les éleveurs font face à une pression croissante. Malgré la mise en place de mesures de protection, comme les chiens de berger, les clôtures électriques ou encore les dispositifs de surveillance renforcée, ces moyens sont souvent insuffisants face à des attaques répétées et de plus en plus audacieuses. La présence croissante des loups, notamment dans des zones où ils étaient absents depuis des décennies, représente une menace directe pour l'activité pastorale. Les éleveurs, qui travaillent jour et nuit pour protéger et entretenir leurs troupeaux, se sentent abandonnés et démunis. Les pertes économiques sont considérables et souvent irrémédiables. Les indemnisations, bien qu'existantes, ne compensent ni la souffrance des animaux, ni l'épuisement moral et physique des agriculteurs. Le nouveau plan national d'actions (PNA) pour la gestion du loup 2024-2029 propose une série de mesures visant à encadrer les tirs de défense et à renforcer les dispositifs de protection des troupeaux. Cependant, force est de constater que les éleveurs continuent de voir leurs animaux massacrés, même dans des zones dites « protégées ». Ce plan semble ainsi déconnecté des réalités du terrain. Certes, l'accent est mis sur la cohabitation, avec une limitation des tirs et un accompagnement renforcé pour la protection des élevages. Toutefois, les récents évènements dans les Vosges démontrent que ces dispositifs sont inopérants ou mal adaptés. De plus, l'insistance sur la nécessité de prouver que les dispositifs de protection étaient insuffisants avant de procéder à des tirs de défense ajoute une contrainte administrative supplémentaire aux éleveurs, déjà submergés par les démarches. Les restrictions imposées aux éleveurs pour légitimer les tirs sont souvent vécues comme une énième attaque contre leur métier. L'impression que la préservation du loup prime sur la protection des troupeaux est de plus en plus prégnante chez ces professionnels. Plus préoccupant encore, les récents propos du préfet du Doubs, affirmant qu'« on ne supprimera pas le loup dans le Doubs » malgré les attaques de Montbéliardes, illustrent l'écart grandissant entre les réalités vécues par les éleveurs et les décisions administratives. Cette déclaration alimente l'inquiétude grandissante des agriculteurs, qui ont l'impression d'être abandonnés par les autorités dans leur combat quotidien pour protéger leur travail et leurs moyens de subsistance. Mme la ministre, il est urgent de réévaluer la situation et d'adopter une approche plus équilibrée. Si la protection des espèces menacées, comme le loup, est une noble cause, elle ne doit pas se faire au détriment des agriculteurs et éleveurs, qui sont les garants de la souveraineté alimentaire française et du maintien des paysages ruraux. La population de loups est en constante augmentation, avec plus de 1 104 individus recensés en 2023. Les objectifs de conservation sont largement atteints et dépassés. Dans ce contexte, les éleveurs, qui sont au cœur du patrimoine agricole, ont le droit d'exiger des mesures de protection plus adaptées et plus rapides. L'extension des tirs de défense, lorsqu'aucune autre solution ne fonctionne, devrait être envisagée de manière plus souple, sans passer par des contraintes administratives lourdes et décourageantes. Il est inacceptable que des éleveurs doivent attendre des semaines pour obtenir une autorisation de tir, alors que leurs troupeaux continuent d'être décimés. Il est également primordial de souligner les répercussions psychologiques que ces attaques répétées ont sur les éleveurs. Vivre sous la menace constante des attaques de loups génère un stress quotidien. Certains d'entre eux ont déjà été contraints d'abandonner leur métier ou de réduire leurs activités face à la multiplication des pertes. Cette situation est d'autant plus dramatique dans un contexte où la profession agricole connaît déjà des difficultés structurelles, avec un renouvellement insuffisant et des conditions de travail extrêmement dures. L'élevage pastoral, souvent pratiqué dans des zones de montagne, fait partie intégrante de la culture et de l'économie françaises. Il est inacceptable que des familles entières se retrouvent en détresse face à des décisions qui, de leur point de vue, favorisent davantage le loup que les humains. La protection de la biodiversité et la préservation des espèces sont des objectifs importants. Cependant, cette protection ne peut et ne doit pas se faire au détriment de l'agriculture, pilier essentiel de la société. Il est impératif de trouver un juste équilibre entre la sauvegarde des espèces sauvages et la survie économique et morale des agriculteurs. Elle souhaite connaître sa position sur le sujet.
Réponse publiée le 10 décembre 2024
La détresse des éleveurs est réelle et compréhensible. L'État est à leurs côtés, conscient de l'impact de la prédation par le loup sur leur activité, notamment en termes économiques, psychologiques et d'adaptation des pratiques agricoles. L'augmentation de la population lupine et son expansion géographique se traduit par un nombre élevé de dommages aux troupeaux (10 882 victimes en 2023). Attentif à cette situation, l'État souhaite un accompagnement fort des éleveurs, autant pour prévenir que pour indemniser. À cette fin, le ministère chargé de l'agriculture accompagne financièrement les éleveurs pour la mise en place de mesures de protection des troupeaux. Cette politique repose sur un triptyque de moyens de protection : gardiennage, mise en place de parcs électrifiés et recours aux chiens de protection des troupeaux. Ainsi, l'aide à la protection des troupeaux contre la prédation a été maintenue et renforcée dans la nouvelle programmation de la politique agricole commune. Cette aide permet le financement du gardiennage par les bergers, de l'achat de clôtures, de l'achat et de l'entretien de chiens de protection, ainsi que la réalisation d'études de vulnérabilité et d'un accompagnement technique. Malgré les nombreux efforts des éleveurs pour protéger leur troupeau, des difficultés réelles de protection de certains troupeaux subsistent. En matière d'indemnisation des dommages, près de 4,7 millions d'euros ont été versés en 2023, par le ministère chargé de l'écologie, à la suite de 4 091 constats. Le délai moyen de paiement, en 2023, était de 118 jours entre l'attaque et le paiement de l'indemnisation, conformément au délai maximum de 125 jours prévu par le nouveau plan national d'action loups et activités d'élevage 2024-2029. Pour indemniser au plus juste les pertes liées à la prédation, les barèmes d'indemnisation des dommages, fixés en fonction de l'espèce domestique, de ses caractéristiques et selon sa valorisation, ont été revalorisés, début 2024, à hauteur de + 33 % pour les ovins et de + 25 % pour les caprins. De plus, des travaux pour une meilleure indemnisation des pertes indirectes (stress, baisse de lactation, etc.) se poursuivent. Enfin, si le loup est à l'heure actuelle une espèce « strictement protégée » au titre de la convention de Berne et de la directive européenne « habitats, faune, flore », le Gouvernement est conscient que son expansion, dans un contexte d'activités pastorales, remet en question la vitalité de certains territoires. Les États membres européens se sont ainsi accordés, fin septembre 2024, pour que la Commission européenne porte une proposition de révision du statut de protection du loup dans la convention de Berne qui permette de le classer en espèces « protégée ». Cette proposition a toujours été soutenue par la France et fait partie des objectifs du nouveau plan national d'action. Le Gouvernement français suit avec attention ce processus de révision ainsi que sa mise en œuvre à l'échelle nationale.
Auteur : Mme Géraldine Grangier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Dates :
Question publiée le 1er octobre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024