Question écrite n° 7061 :
Menace réglementaire sur l'usage des cryptomonnaies et de la Blockchain

17e Législature

Question de : Mme Sophie-Laurence Roy
Yonne (2e circonscription) - Rassemblement National

Mme Sophie-Laurence Roy alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur sur les conséquences juridiques contradictoires qu'entraîneraient, pour les utilisateurs de Bitcoin, l'application combinée des réglementations européennes sur la protection des données (RGPD) et sur la lutte contre le blanchiment d'argent (AMLR). Les lignes directrices publiées en avril 2025 par le Comité européen de la protection des données (CEPD) affirment que l'utilisation d'une blockchain publique, comme celle du Bitcoin, constitue un traitement de données personnelles dès lors qu'elle permet, même indirectement, d'identifier une personne physique. Or, la structure même de cette technologie repose sur l'enregistrement immuable des transactions dans un registre décentralisé et public. Il est donc techniquement impossible, par conception, de modifier ou d'effacer une information une fois inscrite. Cette impossibilité technique n'est toutefois pas recevable aux yeux du CEPD : dans ses Guidelines 02/2025, au paragraphe 4.2, il est expressément indiqué que « l'impossibilité technique ne peut être invoquée pour justifier le non-respect du RGPD ». Autrement dit, les exigences juridiques priment même lorsqu'elles se heurtent à une impossibilité matérielle. Le CEPD va jusqu'à envisager que, dans certains cas, « cela peut nécessiter la suppression de toute la blockchain », ce qui reviendrait à rendre inopérante une technologie conçue pour être inviolable et persistante. Parallèlement, le règlement européen sur la lutte contre le blanchiment d'argent (AMLR), dont l'entrée en vigueur est prévue pour 2027, interdit les systèmes de paiement anonymes et impose l'identification obligatoire des utilisateurs de cryptomonnaies, y compris ceux utilisant des portefeuilles auto-hébergés au-delà d'un certain seuil. Ces deux régimes juridiques, pris ensemble, créent une contradiction insoluble : anonymiser les transactions pour respecter le RGPD reviendrait à violer les règles anti-blanchiment ; refuser l'option d'anonymisation pour satisfaire les règles AML empêcherait le respect des droits garantis par le RGPD. Dans les faits, aucun usage du Bitcoin ne serait alors entièrement conforme au droit européen, ce qui revient à interdire cette technologie pour 2027. Mme la députée souhaite donc savoir quelles initiatives le Gouvernement entend porter auprès des institutions européennes pour éviter qu'une telle absurdité juridique ne se traduise par une interdiction dissimulée du Bitcoin, et s'il compte faire pression pour que l'Union européenne ne saborde pas, par excès de technocratie, toute possibilité d'usage licite d'une technologie et d'une monnaie décentralisée, libre et résiliente sur son propre territoire. Elle l'interroge également sur l'opportunité politique de ces restrictions, qui semblent coïncider avec l'avancement du projet d'euro numérique porté par la Banque centrale européenne ; il serait légitime de se demander si ces contraintes réglementaires ne préparent pas, de manière indirecte, l'éviction progressive de toute forme monétaire concurrente, au profit d'un modèle centralisé et contrôlé par les autorités publiques.

Données clés

Auteur : Mme Sophie-Laurence Roy

Type de question : Question écrite

Rubrique : Moyens de paiement

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Date :
Question publiée le 27 mai 2025

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