Comptes de la sécurité sociale
Question de :
Mme Joëlle Mélin
Bouches-du-Rhône (9e circonscription) - Rassemblement National
Question posée en séance, et publiée le 22 mai 2025
COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Mme la présidente . La parole est à Mme Joëlle Mélin.
Mme Joëlle Mélin . Monsieur le premier ministre, la Cour des comptes a déposé son rapport de certification des comptes du régime de la sécurité sociale pour l'exercice 2024, avec une annonce stupéfiante : la branche famille a encore perdu 6,3 milliards au cours de cet exercice, soit 16 milliards en trois ans !
Mme Stéphanie Rist . Sur combien ?
Mme Joëlle Mélin . De quoi parle-t-on ? De 595 milliards de prestations versées par les cinq branches de la sécurité sociale et de prestations de solidarité versées par les caisses d'allocations familiales, soit 20 % de notre richesse, et de 615 milliards prélevés aux entreprises et aux particuliers, notamment aux travailleurs.
Pour la vingtième année, le diagnostic est sans appel : ont été relevées des anomalies comptables significatives encore plus graves qu'en 2023 et quarante-deux insuffisances d'éléments probants. Tout cela projetterait dans la faillite n'importe quelle entreprise ! Imaginez : 70 % du budget gérés de manière totalement approximative !
J'en donnerai quelques exemples. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale est certifiée, malgré une très grande faiblesse des contrôles internes sur 72 milliards d'exonérations, et le plafond de déficit pour 2025 de la même Acoss est prévu à 65 milliards, soit 20 milliards de plus que l'année précédente.
La branche maladie, en déficit de 14 milliards, traîne toujours une dette de 800 millions vieille de quarante ans ! Impossible de connaître les indus, encore moins les créances, sans doute d'un montant supérieur à 5 milliards, des pays étrangers.
La branche vieillesse, en déficit de 4 milliards, est plombée, vous le savez bien, par la dette de 40 milliards de la caisse des agents de l'État. Il persiste en outre des erreurs dans la liquidation d'un dossier sur dix.
Quant à la branche famille, non certifiée, elle dysfonctionne totalement, avec des circulaires qui changent tout le temps, des contrôles internes très déficients et une fraude estimée entre 3,8 et 4,7 milliards.
Mme Stéphanie Rist . Sur combien ?
Mme Joëlle Mélin . La moitié des indus ne sont pas recouvrés et les erreurs non corrigées après contrôle tournent toujours autour de 10 milliards. On pourrait citer encore bien d'autres éléments.
La Cour des comptes s'époumone depuis vingt ans sans résultat. Il est urgent d'ouvrir une commission d'enquête pour mettre les directeurs des caisses nationales et celui de la sécurité sociale devant leurs responsabilités. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice. – Les députés des groupes RN et UDR applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics . Vous avez décrit ce qu'est la sécurité sociale, telle qu'elle a été créée en 1945, financée par tous au bénéfice de tous. Vous avez aussi décrit la situation de déficit dans laquelle elle se trouve. Je rappelle qu'en 2019, elle était à l'équilibre. Il n'y a donc pas de fatalité : comme cela a été fait entre 2010 et 2019, nous avons devant nous un travail méthodique à conduire afin qu'avant la fin de la décennie qui se sera écoulée entre 2020 – année du covid – et 2029 – année où l'objectif de faire redescendre le déficit public de la France sous la barre des 3 % devra être atteint –, nous remettions à l'équilibre ce grand système qui bénéficie à tous les Français.
Vous m'interrogez sur la certification des comptes. Je vous le dis avec beaucoup de gravité : comme vous l'affirmez, la situation est totalement incompréhensible pour les Français et totalement insatisfaisante.
Je suis ministre des comptes publics. Comme vous, je suis très mobilisée pour que cette situation cesse, d'autant plus que nous avons – heureusement ! – pris des mesures structurelles pour arrêter à la source, si je puis m'exprimer ainsi, les raisons de ces indus et de ces erreurs.
La première mesure que nous avons prise est l'instauration du dispositif en vigueur depuis le 1er mars 2025, ce que nous appelons la solidarité à la source, soit le préremplissage automatique des déclarations mensuelles à effectuer pour bénéficier de la prime d'activité et du RSA, grâce à ce que les Français connaissent très bien s'agissant du prélèvement des impôts à la source, pour que ce soit l'administration qui remplisse et le citoyen qui contrôle et non l'inverse. Ce système est plus simple pour les Français et permet des contrôles beaucoup plus efficaces.
Mme Stéphanie Rist . Eh oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre . Je dois dire qu'il s'agit d'un projet que j'ai eu le grand honneur de lancer lorsque j'étais ministre de la transformation publique, entre 2021 et 2022. Cela a pris plus de trois ans mais il est à présent effectif et je pense que nous pouvons nous en satisfaire. Pourquoi est-il essentiel ? Parce que, si nous n'entrons pas dans une logique de préremplissage automatique, nous nous mettons en danger.
Je serai également ravie de vous entretenir d'un deuxième élément : notre plan de lutte contre la fraude. L'an dernier, nous avons détecté plus de 30 % de fraudes supplémentaires en un an et avons ainsi recouvré, dans la sphère sociale, plus de 3 milliards d'euros. La poursuite de cette démarche constitue un autre de nos objectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. René Pilato . Il y a 100 milliards à aller chercher dans les entreprises !
Auteur : Mme Joëlle Mélin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité sociale
Ministère interrogé : Comptes publics
Ministère répondant : Comptes publics
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mai 2025