Question au Gouvernement n° 725 :
Violences sexuelles sur les enfants

17e Législature

Question de : M. Damien Girard
Morbihan (5e circonscription) - Écologiste et Social

Question posée en séance, et publiée le 28 mai 2025


VIOLENCES SEXUELLES SUR LES ENFANTS

Mme la présidente . La parole est à M. Damien Girard.

M. Damien Girard . Monsieur le ministre de la justice, j'ai assisté vendredi dernier, à la cour criminelle de Vannes, au réquisitoire dans le procès de Joël Le Scouarnec, accusé de viols et d'agressions sexuelles sur 299 personnes, dont une majorité d'enfants. Ce procès est un électrochoc, un révélateur glaçant de l'ampleur des violences sexuelles dans notre pays : un enfant sur dix est victime de violences sexuelles en France, je dis bien un sur dix. Cela signifie qu'un enfant est agressé toutes les trois minutes. Ces chiffres sont insoutenables, ils deviennent révoltants quand on apprend que dans cette affaire, malgré une condamnation et de nombreux signaux d'alerte, le prédateur a pu continuer à exercer. Qu'avez-vous prévu pour que de tels dysfonctionnements ne puissent jamais se reproduire ?

Dans un tel contexte, les récits mensongers véhiculés par l'extrême droite et par une partie de la droite visent à faire croire que les violences sexuelles seraient principalement le fait d'étrangers dans l'espace public.

Mme Émilie Bonnivard . N'importe quoi ! On n'a jamais dit ça, c'est un mensonge !

M. Damien Girard . La vérité, dans l'immense majorité des cas, c'est que l'agresseur est un proche, un parent, une figure d'autorité familiale, éducative ou médicale. (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe EcoS.) C'est ce système de domination que nous devons questionner pour mieux le dénoncer. C'est pourquoi la formation à la vie affective et sexuelle à l'école, régulièrement attaquée parmi ces mêmes forces réactionnaires, est un levier essentiel pour prévenir en éveillant et en libérant la parole des enfants, essentiel pour détecter des victimes et sauver des vies. (Mêmes mouvements.)

J'ai rencontré ce même vendredi des victimes de Joël Le Scouarnec : elles m'ont dit leur solitude, l'absence d'accompagnement psychologique et le silence du ministère malgré leurs sollicitations. Cela n'est pas acceptable. Elles demandent aujourd'hui la création d'une commission interministérielle sur les violences sexuelles pour que la justice soit rendue, que la vérité soit dite et que des mesures concrètes soient appliquées.

La République doit protéger ses enfants, soutenir les victimes et faire – enfin ! – sauter le verrou de l'omerta. Allez-vous agir ? (Les députés du groupe EcoS se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Mme Émilie Bonnivard . Il faut voter l'imprescriptibilité !

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice . Les victimes, extrêmement nombreuses, des violences qu'elles ont subies en tant qu'enfants ne justifient aucune polémique. Votre question permet à chacune et à chacun de réfléchir sur ce qui ne va pas et à comment le changer radicalement. C'est pour cela que depuis mon arrivée à la Chancellerie, j'ai apporté mon soutien, sous l'autorité de M. le premier ministre, à la fin d'une forme de prescriptibilité qui touche les enfants grâce à l'introduction de la prescriptibilité glissante. Je regrette d'ailleurs que l'ensemble de l'Assemblée n'ait pas adopté cette disposition. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe DR.)

Mme Émilie Bonnivard . La gauche !

M. Gérald Darmanin, ministre d'État . Je tiens à rappeler également que nous avons fait une proposition consistant à passer la prescription à trente ans en cas de viols sériels. C'est tout à fait le cas dans l'affaire Pelicot et dans l'affaire Le Scouarnec. Mais, là aussi, une partie de l'hémicycle ne l'a malheureusement pas adoptée.

J'espère que le Sénat pourra rétablir les dispositions défendues par le gouvernement, notamment par Aurore Bergé, et qui sont conformes aux attentes des victimes. Elles visent à résoudre la difficulté que pose la reconnaissance des viols sériels, qui sont souvent le fait de personnes avec qui les victimes ont beaucoup de contacts, comme les membres de la famille ou le personnel éducatif, ou de professionnels travaillant avec des enfants.

Nous avons par ailleurs systématisé l'inscription des délinquants sexuels au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, où le nom de M. Le Scouarnec ne figurait pas dans un tout premier temps. Enfin, le ministre de la santé, que je remercie de compléter l'action du ministère de la justice, va recevoir l'intégralité des victimes de ce dossier et voir avec le Conseil national de l’Ordre des médecins s'il est possible d'interdire d'exercice toute personne figurant dans ce fichier dès sa mise en examen, c'est-à-dire dès qu'existent des indices graves et concordants et sans attendre une condamnation. Il s'agit évidemment de tenter d'éviter une réitération des faits dans un cadre professionnel. Le procès Le Scouarnec et d'autres affaires montrent l'immensité du travail que tous les ministères, dont celui de la justice, ont à effectuer auprès des victimes, au premier rang desquelles les enfants. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)

Données clés

Auteur : M. Damien Girard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 mai 2025

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