Avenir institutionnel de la Guyane
Question de :
M. Davy Rimane
Guyane (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
Question posée en séance, et publiée le 29 mai 2025
AVENIR INSTITUTIONNEL DE LA GUYANE
Mme la présidente . La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane . Il y a des déplacements ministériels qui révèlent plus qu'ils ne règlent, monsieur le premier ministre. La semaine dernière, en plein mois de commémoration de l'abolition de l'esclavage, le ministre de la justice s'est livré à une démonstration d'arrogance coloniale, camouflée derrière un discours d'ordre et de responsabilité.
Pendant qu'on nous explique la République, un journaliste guyanais se fait insulter sur place, publiquement, par Gérald Darmanin, sans que cela déclenche la moindre vague d'indignation nationale. Pas de une de journal, pas de plateau télévision. Comme si l'humiliation d'un journaliste ultramarin valait moins que celle d'un confrère hexagonal. (MM. Stéphane Peu et Inaki Echaniz applaudissent.)
Cette sortie malheureuse n'est pas un simple faux pas. Elle illustre plus profondément une errance continue des plus hautes autorités de l'État dans leur compréhension des territoires d'outre-mer, en particulier de la Guyane. Une méconnaissance enracinée dans la culture administrative française, où nos territoires sont encore trop souvent considérés comme des périphéries à encadrer plutôt que comme des partenaires à écouter.
Or la Guyane n'est ni un territoire expérimental ni un laboratoire de politique sécuritaire. C'est une collectivité habitée par des citoyens qui demandent, depuis des années, à exercer pleinement leur droit à l'autodétermination. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Nous demandons depuis le gouvernement d'Édouard Philippe l'ouverture d'un véritable dialogue pour une autonomie la plus large possible de la Guyane, avec inscription dans la Constitution. On nous a opposé un calendrier vite phagocyté par un accord-cadre jamais validé.
Pendant ce temps, ce sont nos ressources qui nous échappent. Nous ne réclamons pas un privilège : nous exigeons le droit de décider nous-mêmes de notre développement, d'avoir accès à nos ressources, de déterminer nos priorités. Ma question est simple : quand serons-nous reçus au plus haut niveau de l'État pour enfin relancer ce processus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer . Je connais vos travaux sur l'avenir institutionnel des territoires d'outre-mer et je connais évidemment, et surtout, votre engagement en faveur de la Guyane et de son évolution institutionnelle. Vous l'avez rappelé, sous la présidence de Gabriel Serville, le congrès des élus de Guyane a adopté plusieurs résolutions en faveur d'un projet d'évolution statutaire. La dernière de ces résolutions, examinée au printemps 2024, avait pour objet la représentation des peuples autochtones de Guyane.
Il appartient donc au gouvernement – et croyez que c'est une préoccupation du premier ministre – d'y répondre. Je mesure bien sûr l'attente des élus. Nous voulons y répondre avec transparence et méthode. C'est pourquoi j'entends instaurer un dialogue selon des modalités concertées, respectueuses non seulement des élus mais aussi de l'histoire et de la culture de la Guyane.
Il ne me revient pas d'engager d'emblée des discussions en vue d'une révision constitutionnelle. En revanche, les élus de Guyane auront toute mon écoute, dans la perspective d'approfondir – et sans tabou – toutes les options avancées. Lors de mon prochain déplacement en Guyane, dans un peu plus de quinze jours, la question institutionnelle sera évidemment au programme de mes échanges avec les élus. Ces échanges se tiendront dans le cadre défini en mars 2024 par le président de la République qui, je n'en doute pas un instant, désirera lui aussi vous recevoir. Ce cadre prévoit que l'État conserve ses compétences régaliennes, que la population soit consultée, et que les forces politiques guyanaises soient unanimes – ce qui semble acquis.
Au-delà de la question institutionnelle, ce qui m'importe, c'est l'action publique concrète déployée au bénéfice des Guyanais qui méritent l'attention et le soutien de toute la nation. Je suis attaché à ce que les travaux intègrent l'élaboration d'un projet stratégique pour la Guyane. Le cadre juridique doit être mis au service d'un projet, point sur lequel nous pouvons nous mettre d'accord, et, je le répète, avec, toujours, le souci de respecter la culture de la Guyane.
Mme la présidente . La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane . J'entends bien votre réponse mais il faut savoir que pendant que nous perdons du temps, nos enfants continuent à être en déshérence. Les prisons, nous voulons les vider, pas les remplir. Et pour en revenir à M. Darmanin, qui a insulté toute une population, il va falloir tôt ou tard qu'il présente des excuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Pierre Cordier . On ne montre pas du doigt, monsieur Rimane !
Auteur : M. Davy Rimane
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 mai 2025