Question écrite n° 7350 :
MaPrimeRénov' : des réalités de terrain préoccupantes

17e Législature

Question de : Mme Karen Erodi
Tarn (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Karen Erodi interpelle Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement, sur les dysfonctionnements persistants du dispositif « MaPrimeRénov' », qui, malgré des annonces gouvernementales ambitieuses, se heurte à des réalités de terrain préoccupantes.  Depuis la généralisation du dispositif « MaPrimeRénov' » et particulièrement depuis la mise en œuvre en 2023 de l'obligation de recourir à un « Accompagnateur Rénov » pour les projets les plus complexes, les services départementaux de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) font face à une pression inédite. L'augmentation significative des budgets alloués et des aides disponibles pour les ménages modestes et très modestes a été largement médiatisée par le Gouvernement comme une réponse à l'urgence écologique et sociale que représente la précarité énergétique. Cependant, cette stratégie s'est mise en œuvre sans augmentation proportionnée des moyens humains, financiers et techniques des services instructeurs.  Dans le Tarn, par exemple, les agents de l'ANAH ont vu le nombre de dossiers exploser ces deux dernières années, sans que leurs effectifs soient renforcés. En parallèle, les dossiers sont devenus plus longs et plus complexes à traiter en raison d'évolutions réglementaires, de nouvelles modalités de financement et d'un encadrement renforcé de l'accompagnement. Le dispositif « Mon Accompagnateur Rénov », qui visait initialement à renforcer l'accompagnement qualitatif des ménages, s'est traduit dans les faits par la démultiplication d'acteurs hétérogènes. Si les collectivités territoriales et les associations agréées remplissent globalement leur mission avec rigueur, le recours croisant à des structures privées, souvent motivées par une logique de rendement, a entraîné des pratiques préoccupantes : démarchage abusif, promesses de gains irréalistes, pressions à la signature ou absence d'accompagnement effectif. Cette diversification rapide des prestataires (de moins d'une dizaine en 2022 à près de 80 aujourd'hui dans certains départements) complexifie considérablement le travail de contrôle de l'ANAH, sans le soulager. Or loin d'être une simple question de surcharge administrative, cette situation a des conséquences grave sur les délais de traitement : encore une fois dans le Tarn, il faut désormais compter en moyenne six mois de plus que le délai initialement prévu pour qu'un dossier soit instruit. Ce délai affecte directement les bénéficiaires : travaux retardés, conditions de logement dégradés, avances de frais non remboursé dans les temps, etc. Pour les ménages les plus modestes, déjà en situation de vulnérabilité, ce flou administratif renforce la défiance à l'égard des services publics. À cela s'ajoute un autre signal préoccupant: les conséquences dramatiques pour les entreprises locales du secteur de la rénovation énergétique, confrontées à des délais de paiement dramatiquement long des aides de « MaPrimerénov' », en particulier dans le cadre de la rénovation d'ampleur gérée localement par les directions départementales des territoires (DTT). Ainsi, un chef d'entreprise, dans son département, spécialisé dans la rénovation énergétique depuis 11 ans, a récemment témoigné que les délais de paiement dépassaient fréquemment six mois dans le Tarn, contre un à trois mois dans les départements voisins (Aude, Aveyron, Haute-Garonne.. ). Cette situation, aggravée par le manque de moyens humains et financiers à la DDT, ainsi que par le renforcement des contrôles antifraude, met en péril de nombreuses PME qui doivent elles-mêmes avancer les aides aux ménages.  Deux entreprises tarnaises du secteur, « KparK Engerie » et « EDM » (anciennement « EBS Isolation »), ont été placées en liquidation judiciaire ces derniers jours, en grande partie à cause de ces retards. Si rien n'est fait, d'autres suivront d'ici l'été, menaçant l'activité économique locale, les emplois et l'accès des ménages à des solutions de rénovation. Par ailleurs, plusieurs associations de consommateurs, de juristes, mais aussi des élus locaux ont alerté sur la hausse significative des cas de fraude liés à « MaPrimeRénov' », notamment en lien avec certains acteurs privés peu scrupuleux. Ces dérives remettent non seulement en cause la légitimité du dispositif mais permettent également de détourner des fonds publics, déstabilisant in fine les bénéficiaires. Elles engendrent en retour des moyens supplémentaires de contrôle qui viennent encore complexifier et ralentir l'action des services instructeurs. Cette situation est paradoxale : alors que l'objectif affiché est de massifier les rénovations énergétiques, la désorganisation structurelle menace la crédibilité et l'efficacité même du programme. Elle s'interroge donc sur les mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier à ces problèmes structurels. Elle souhaite ainsi savoir si des moyens humains et financiers supplémentaires seront alloués à l'ANAH pour lui permettre de faire face à l'afflux de demandes et de renforcer ses capacités de contrôle. Elle lui demande aussi quelles actions seront mises en œuvre pour encadrer plus strictement les prestataires privés et prévenir les pratiques fraudeuses. Enfin, elle souhaite connaître les initiatives envisagées pour améliorer la transparence et la communication autour du dispositif « MaPrimeRénov' », afin de restaurer la confiance des citoyens dans les politiques publiques de rénovation énergétique.

Réponse publiée le 15 juillet 2025

Le Gouvernement soutient l'aide MaPrimeRénov', bénéfique pour le confort des ménages, leur pouvoir d'achat, et la transition énergétique. Ce soutien s'est notamment manifesté par la stabilité des paramètres en 2025, qui n'ont pas évolué par rapport à 2024, et parl'enveloppe budgétaire allouée par l'ANAH à MaPrimeRénov'de 3,6 Mds€, qui a permis de fixer des objectifs ambitieux de 350 000 rénovations, réparties entre 250 000 rénovations par geste et 100 000 rénovations d'ampleur (soit +10% par rapport à 2024). Cette stabilité a porté des fruits : à fin mai 2025, 122 712 ménages ont bénéficié de cette aide, avec une nette accélération des rénovations d'ampleur (44 162 logements concernés), multipliées par plus de trois par rapport à la même période en 2024, et le stock de dossiers déposés devrait garantir l'atteinte des objectifs 2025 de l'Anah de 100 000 rénovations d'ampleurs engagées dans l'année. Ce dynamisme témoigne de l'appropriation croissante du parcours accompagné, qui facilite les projets complexes grâce à un appui renforcé sur le plan technique et financier. Toutefois, stabilité ne signifie ni absence de maîtrise de la dépense publique, dans un contexte contraint, ni libre-cours aux nouveaux schémas de fraude. Or, 2 phénomènes sont apparus au cours du printemps, et ont appelé à une réponse la plus ciblée possible que le Gouvernement a dû mettre en place dès juin 2025. Le premier phénomène est celui de la fraude. Le Gouvernement dispose de chiffres précis à ce sujet : la fraude effective (fraude avérée + fraude potentielle) correspond à 3,5% des montants d'aides décaissées. Si l'on regarde l'ensemble des tentatives de fraudes (en incluant les fraudes évitées), ce taux monte à 9% du budget engagé. En 2025, de nouveaux schémas de fraude sont apparus via les accompagnateurs rénov'(MAR). Une centaine d'entre eux au niveau national a déposé en 2025 environ 16 000 dossiers présentant des signaux forts d'une diversité de fraude : usurpation d'identité du ménage ou de l'entreprise, audits manipulés, absence de neutralité. Cette fraude s'organise tout aussi diversement avec ou sans la complicité des ménages, avec ou sans travaux réellement effectués, avec ou sans la complicité des entreprises intervenantes. C'est l'activité de cette frange d'acteurs, marginale en nombre mais non négligeable en volumes et en flux de dossiers, qui nécessite la mise en place d'une instruction renforcée. Or, cette instruction nécessite une suspension du guichet pour analyser les dossiers avec les transferts de données permis désormais par la loi Cazenave, que le Conseil constitutionnel a validée.  Le deuxième phénomène est celui de l'afflux de dossiers dès janvier, provoquant un allongement des délais d'instruction de 70 à 105 jours, en partie aggravé par l'adoption tardive du budget 2025, mais surtout une consommation rapide de l'enveloppe financière disponible. La dynamique de dépôt des dossiers constatée en 2025 aurait mécaniquement conduit à un épuisement du budget en 9 mois au lieu de 12. Sans prendre aucune mesure, les dossiers déposés après épuisement du budget ne pourraient pas être instruits en 2025, allongeant le délai d'instruction de 3 à 5 mois supplémentaires ce qui n'est pas acceptable. Surtout, cet effet volume se couple avec une forte augmentation du coût des travaux (+7%) sur la rénovation d'ampleur, sans commune mesure avec l'inflation (autour de 2%). Cette augmentation a également un impact budgétaire et risque de conduire à financer moins de dossiers de rénovation si rien n'est fait. Sans renoncer à son souhait de stabiliser au maximum le dispositif, le Gouvernement a donc dû mettre en place une suspension la plus ciblée et la plus courte possible (23 juin - mi-septembre). Cette suspension ne porte que sur les dossiers de rénovation globale individuelle, sans modifier ni les monogestes, ni les rénovations des copropriétés (qui, en nombre de ménages concernés, représentent les 2/3 de l'aide accordée). Cette suspension a d'ailleurs été ajustée après l'écoute des acteurs le 17 juin 2025, en maintenant la possibilité pour les ménages de bénéficier d'une aide pour des gestes de travaux isolés ("monogestes").  Cette suspension ne remet pas en cause ni le budget 2025, sanctuarisé à hauteur de 3,6 Mds€ comme voté en loi de finances 2025, ni les paramètres de l'aide, à l'exception de ceux qui favorisent les phénomènes d'inflation observés, qui seront ajustés rapidement. Par ailleurs, si le Gouvernement n'envisage pas d'abonder l'enveloppe budgétaire allouée à MaPrimeRénov', dans un contexte budgétaire contraint, d'autres leviers de financement ont été explorés, en particulier les certificats d'économie d'énergie perçus par l'Anah, dont la bonification mise en place en juin permettra d'augmenter les rénovations financées à terme.  Le débat parlementaire à venir sur la loi de finances pour 2026, couplée aux consultations initiées dès la mi-juin par la ministre du Logement avec l'ensemble des acteurs, permettra de déterminer les conditions de distribution de MaPrimeRénov'en 2026. 

Données clés

Auteur : Mme Karen Erodi

Type de question : Question écrite

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Logement

Ministère répondant : Logement

Dates :
Question publiée le 10 juin 2025
Réponse publiée le 15 juillet 2025

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