MaPrimeRénov' : des réalités de terrain préoccupantes
Question de :
Mme Karen Erodi
Tarn (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Karen Erodi interpelle Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement, sur les dysfonctionnements persistants du dispositif « MaPrimeRénov' », qui, malgré des annonces gouvernementales ambitieuses, se heurte à des réalités de terrain préoccupantes. Depuis la généralisation du dispositif « MaPrimeRénov' » et particulièrement depuis la mise en œuvre en 2023 de l'obligation de recourir à un « Accompagnateur Rénov » pour les projets les plus complexes, les services départementaux de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) font face à une pression inédite. L'augmentation significative des budgets alloués et des aides disponibles pour les ménages modestes et très modestes a été largement médiatisée par le Gouvernement comme une réponse à l'urgence écologique et sociale que représente la précarité énergétique. Cependant, cette stratégie s'est mise en œuvre sans augmentation proportionnée des moyens humains, financiers et techniques des services instructeurs. Dans le Tarn, par exemple, les agents de l'ANAH ont vu le nombre de dossiers exploser ces deux dernières années, sans que leurs effectifs soient renforcés. En parallèle, les dossiers sont devenus plus longs et plus complexes à traiter en raison d'évolutions réglementaires, de nouvelles modalités de financement et d'un encadrement renforcé de l'accompagnement. Le dispositif « Mon Accompagnateur Rénov », qui visait initialement à renforcer l'accompagnement qualitatif des ménages, s'est traduit dans les faits par la démultiplication d'acteurs hétérogènes. Si les collectivités territoriales et les associations agréées remplissent globalement leur mission avec rigueur, le recours croisant à des structures privées, souvent motivées par une logique de rendement, a entraîné des pratiques préoccupantes : démarchage abusif, promesses de gains irréalistes, pressions à la signature ou absence d'accompagnement effectif. Cette diversification rapide des prestataires (de moins d'une dizaine en 2022 à près de 80 aujourd'hui dans certains départements) complexifie considérablement le travail de contrôle de l'ANAH, sans le soulager. Or loin d'être une simple question de surcharge administrative, cette situation a des conséquences grave sur les délais de traitement : encore une fois dans le Tarn, il faut désormais compter en moyenne six mois de plus que le délai initialement prévu pour qu'un dossier soit instruit. Ce délai affecte directement les bénéficiaires : travaux retardés, conditions de logement dégradés, avances de frais non remboursé dans les temps, etc. Pour les ménages les plus modestes, déjà en situation de vulnérabilité, ce flou administratif renforce la défiance à l'égard des services publics. À cela s'ajoute un autre signal préoccupant: les conséquences dramatiques pour les entreprises locales du secteur de la rénovation énergétique, confrontées à des délais de paiement dramatiquement long des aides de « MaPrimerénov' », en particulier dans le cadre de la rénovation d'ampleur gérée localement par les directions départementales des territoires (DTT). Ainsi, un chef d'entreprise, dans son département, spécialisé dans la rénovation énergétique depuis 11 ans, a récemment témoigné que les délais de paiement dépassaient fréquemment six mois dans le Tarn, contre un à trois mois dans les départements voisins (Aude, Aveyron, Haute-Garonne.. ). Cette situation, aggravée par le manque de moyens humains et financiers à la DDT, ainsi que par le renforcement des contrôles antifraude, met en péril de nombreuses PME qui doivent elles-mêmes avancer les aides aux ménages. Deux entreprises tarnaises du secteur, « KparK Engerie » et « EDM » (anciennement « EBS Isolation »), ont été placées en liquidation judiciaire ces derniers jours, en grande partie à cause de ces retards. Si rien n'est fait, d'autres suivront d'ici l'été, menaçant l'activité économique locale, les emplois et l'accès des ménages à des solutions de rénovation. Par ailleurs, plusieurs associations de consommateurs, de juristes, mais aussi des élus locaux ont alerté sur la hausse significative des cas de fraude liés à « MaPrimeRénov' », notamment en lien avec certains acteurs privés peu scrupuleux. Ces dérives remettent non seulement en cause la légitimité du dispositif mais permettent également de détourner des fonds publics, déstabilisant in fine les bénéficiaires. Elles engendrent en retour des moyens supplémentaires de contrôle qui viennent encore complexifier et ralentir l'action des services instructeurs. Cette situation est paradoxale : alors que l'objectif affiché est de massifier les rénovations énergétiques, la désorganisation structurelle menace la crédibilité et l'efficacité même du programme. Elle s'interroge donc sur les mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier à ces problèmes structurels. Elle souhaite ainsi savoir si des moyens humains et financiers supplémentaires seront alloués à l'ANAH pour lui permettre de faire face à l'afflux de demandes et de renforcer ses capacités de contrôle. Elle lui demande aussi quelles actions seront mises en œuvre pour encadrer plus strictement les prestataires privés et prévenir les pratiques fraudeuses. Enfin, elle souhaite connaître les initiatives envisagées pour améliorer la transparence et la communication autour du dispositif « MaPrimeRénov' », afin de restaurer la confiance des citoyens dans les politiques publiques de rénovation énergétique.
Auteur : Mme Karen Erodi
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Logement
Ministère répondant : Logement
Date :
Question publiée le 10 juin 2025