Avenir du fret ferroviaire français
Question de :
M. Julien Gokel
Nord (13e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Julien Gokel appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports, sur l'avenir du fret ferroviaire français et les conséquences du plan de discontinuité de Fret SNCF imposé par le Gouvernement. En janvier 2023, la Commission européenne a formellement ouvert une enquête sur le soutien financier de l'État envers Fret SNCF, estimant que les aides perçues par le principal opérateur du fret ferroviaire français, entre 2007 et 2019, étaient illégales en raison du principe de concurrence libre et non faussée. La réponse immédiate apportée par le gouvernement d'Élisabeth Borne a été l'arrêt de l'enquête de la Commission européenne en échange d'un plan dit « de discontinuité » de Fret SNCF. Autrement dit, l'État s'est plié aux exigences libérales de l'ouverture à la concurrence en proposant le démantèlement de Fret SNCF au 1er janvier 2025, avec sa scission en deux entités et la cession de 30 % de ses lignes, à des concurrents, notamment étrangers, alors même qu'elles rapportent 20 % de son chiffre d'affaires et concernent près de 500 cheminots au niveau national. Parmi les 23 lignes qui seront cédées à la concurrence, on trouve notamment la ligne stratégique Lens-Dunkerque (59), essentielle pour le transport de marchandises entre le Nord et les grands ports maritimes. Ce choix précipité est regrettable, non seulement sur le plan social et humain, mais également sur le plan environnemental et économique. La libéralisation du secteur, le manque de pilotage stratégique et d'investissement ont montré leurs effets. En 20 ans, la part du fret ferroviaire a été réduite de moitié pour atteindre à peine 10 % aujourd'hui, un taux beaucoup plus faible que la moyenne européenne (18 %). Alors que la France s'est donné l'objectif de doubler la part du fret ferroviaire d'ici 2030 et que l'Union européenne, à travers le Green Deal, entend atteindre la neutralité carbone en 2050, il est urgent de se donner les moyens de ces ambitions autrement qu'en démantelant Fret SNCF. En 2022, l'Allemagne s'est trouvée dans la même situation que la France s'agissant de son entreprise ferroviaire publique Deutsche Bahn (DB), mais le gouvernement allemand, qui avait initialement envisagé un plan de démantèlement, a finalement opté pour un plan de développement du fret ferroviaire public, en récupérant notamment des flux de Fret SNCF. Il demande donc si le Gouvernement entend suspendre son plan de discontinuité, offrir des garanties aux 453 salariés concernés dont une quarantaine dans le Dunkerquois, entamer de nouvelles négociations avec la Commission européenne et proposer une véritable stratégie pour le développement du fret ferroviaire, intégrant notamment une meilleure connexion avec les grands ports maritimes.
Réponse publiée le 15 avril 2025
L'État est pleinement engagé dans la relance du fret ferroviaire, afin d'atteindre l'objectif d'un doublement de la part modale d'ici 2030 (de 9 % à 18 %), inscrit en août 2021 dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique. L'État a publié à cet effet une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire en septembre 2021. Celle-ci est en cours de déploiement et comprend 72 mesures opérationnelles construites en partenariat étroit avec les acteurs du secteur. Dans le sillage du lancement de cette stratégie, une enveloppe budgétaire additionnelle de 170 M€ a été mise en place à partir de la LFI 2021 afin de renforcer les soutiens à l'exploitation aux services. La stratégie nationale de développement du fret ferroviaire prévoyait le maintien de cette enveloppe supplémentaire jusqu'en 2024, son maintien jusqu'en 2030 a été annoncé en mai 2023 afin de continuer à soutenir les opérateurs fortement impactés par les crises récentes (coûts de l'énergie, mouvements sociaux début 2023) et d'améliorer leur compétitivité dans l'objectif de développement de ces services. Il a également été annoncé que son montant passera à 200 M€ en 2025, avec l'augmentation de l'aide à l'exploitation des services de wagon isolé qui passera de 70 M€ à 100 M€ annuels. Le Gouvernement a par ailleurs annoncé un plan d'investissements de 4 Md€ dont la moitié proviendra de l'État. L'ambition est de poursuivre la dynamique d'investissement initiée dans le cadre du plan de relance en faveur des infrastructures spécifiques aux services de fret ferroviaire. Un travail partenarial d'identification des investissements dans les différents domaines afférents au secteur et notamment en matière de digitalisation a récemment été publié par l'État, SNCF Réseau et les représentants de l'Alliance 4F. Concernant plus spécifiquement le « plan de discontinuité » de Fret SNCF, suite à l'ouverture par la commission européenne en janvier 2023 d'une procédure formelle sur les conditions de financement de l'entreprise, des échanges ont eu lieu entre l'Etat français et la Commission. Le Gouvernement fait tout depuis cette date pour éviter une issue négative de la procédure qui se traduirait par l'obligation pour Fret SNCF de rembourser plus de 5 Md€. Une telle décision conduirait en effet immédiatement à la liquidation de Fret SNCF, supprimerait de nombreux emplois et remettrait plus d'un million de camions sur les routes chaque année. Plutôt que de prendre le risque – réel en cas d'inaction – de voir disparaître Fret SNCF, et à travers lui une grande partie du fret ferroviaire français, dans les mois qui viennent, la solution privilégiée est de mener une transformation de l'entreprise, qui permettra que la Commission européenne puisse constater l'existence d'une discontinuité économique et éteindre le risque de remboursement des 5 Md€. Cette solution garantit la préservation intégrale du cœur d'activité de Fret SNCF qu'est la gestion capacitaire, clé pour le report modal et indispensable à nos territoires. Elle respecte également les trois lignes rouges que le Gouvernement se fixe, à savoir : l'absence de tout licenciement pour les personnels statutaires comme les contractuels ; l'absence de privatisation (le groupe SNCF conservera la majorité du capital) ; l'absence de report modal sur la route. En ce qui concerne plus spécifiquement les 454 salariés directement impactés par l'abandon des 23 flux, 162 ont désormais rejoint les nouvelles sociétés Hexafret et Technis et assurent des prestations de sous-traitance, et 292 ont vu leurs emplois supprimés. Début février, une solution a été trouvée pour 284 salariés : 269 ont ainsi été repositionnés au sein du groupe SNCF (92 %) permettant ainsi de conserver des compétences précieuses, acquises par des années de formation et de métier, au sein du groupe ferroviaire public, 15 ont fait le choix d'une cessation de fonctions (5 %). L'accompagnement renforcé se poursuit pour les 8 autres salariés (6 %) en vue de leur repositionnement au sein du Groupe.
Auteur : M. Julien Gokel
Type de question : Question écrite
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 15 avril 2025