Effets de seuil liés au mode de calcul de l'allocation aux adultes handicapés
Question de :
M. Romain Eskenazi
Val-d'Oise (7e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Romain Eskenazi attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap, sur les effets de seuil liés au mode de calcul actuel de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui pénalisent les bénéficiaires en emploi, notamment ceux exerçant une activité à temps partiel en raison de leur état de santé. Selon les données disponibles, près de 33 % des allocataires en emploi et reconnus administrativement en situation de handicap exercent une activité professionnelle à temps partiel (entre 50 % et 80 %), en raison de pathologies chroniques, de handicaps invisibles ou de contraintes fonctionnelles. Ces travailleurs, bien qu'insérés professionnellement, se retrouvent dans une situation paradoxale où une progression salariale, même modeste, se traduit par une diminution nette de leurs ressources, en raison de la baisse conjointe de leur AAH et, dans de nombreux cas, de leur prime d'activité. À titre d'exemple, une agente de la fonction publique, employée à 60 % par l'Agence régionale de santé d'Île-de-France et résidant dans le Val-d'Oise, a fait part à M. le député d'une situation qu'elle qualifie d'injuste : chaque revalorisation salariale entraîne, de façon quasi-automatique, une diminution de ses allocations sociales, aboutissant à une perte nette d'environ 90 % de son augmentation salariale, malgré un investissement professionnel constant. Ces effets de seuil créent une forme de plafond de verre économique pour les personnes en situation de handicap : elles ne peuvent valoriser leur engagement au travail sans risquer de perdre des droits essentiels. Cette logique perverse finit par décourager l'effort, fragiliser l'insertion et mettre à mal les objectifs mêmes de l'AAH, conçue comme un levier d'autonomie et non comme une contrainte à la mobilité sociale. Ce constat est conforté par une étude récente (2023) de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), qui souligne que le taux de pauvreté des travailleurs handicapés à temps partiel atteint 25 %, contre 15 % chez les travailleurs valides à temps partiel. Ce différentiel d'accessibilité à l'emploi digne et rémunérateur constitue une inégalité flagrante. Par ailleurs, la complexité et l'opacité des mécanismes de calcul utilisés par les caisses d'allocations familiales (CAF), souvent automatisés, renforcent l'incompréhension, limitent les possibilités de recours et nuisent à la confiance dans les institutions. Alors même que la loi du 11 février 2005 consacre le droit à une vie digne, autonome et pleinement intégrée à la société et que la France s'est engagée, en ratifiant en 2010 la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), à « garantir et promouvoir le plein exercice de tous les droits humains et libertés fondamentales des personnes handicapées, sans discrimination », notamment le droit au travail sans entrave, conformément à son article 27, une telle situation ne saurait perdurer. En conséquence, il lui demande quelles réformes elle entend engager afin de garantir qu'une personne en situation de handicap exerçant une activité professionnelle, même à temps partiel, puisse percevoir les fruits de son travail sans subir de perte nette de ressources. Il l'interroge également sur les mesures concrètes envisagées pour corriger les effets de seuil dans le calcul de l'AAH et de la prime d'activité et assurer ainsi le plein exercice du droit au travail dans des conditions justes et équitables pour les personnes handicapées.
Auteur : M. Romain Eskenazi
Type de question : Question écrite
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Autonomie et handicap
Ministère répondant : Autonomie et handicap
Date :
Question publiée le 10 juin 2025