Question écrite n° 7507 :
Conséquences de l'IA générative sur l'activité des comédiens de doublage

17e Législature

Question de : Mme Isabelle Rauch
Moselle (9e circonscription) - Horizons & Indépendants

Mme Isabelle Rauch attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur les conséquences que l'essor de l'intelligence artificielle générative (IAG) pourrait avoir sur les métiers artistiques liés à la voix enregistrée, en particulier dans le domaine du doublage. Le développement de l'intelligence artificielle constitue une avancée majeure, porteuse de nombreuses opportunités pour la création, l'accessibilité des œuvres, la traduction et l'innovation culturelle. Toutefois, certaines de ses applications récentes soulèvent des interrogations légitimes quant à leur impact sur des filières professionnelles spécifiques. En effet, des technologies permettent désormais de cloner des voix à partir d'enregistrements existants et d'automatiser le doublage ou la narration d'œuvres audiovisuelles, en adaptant la synchronisation labiale. Ces outils, bien que prometteurs sur le plan technique, sont parfois développés en dehors de tout cadre juridique garantissant le consentement, la rémunération ou la reconnaissance des artistes dont les voix sont utilisées. Cette évolution, si elle n'est pas accompagnée de garde-fous appropriés, pourrait fragiliser des professions déjà précaires, réduire l'activité des studios et porter atteinte à un savoir-faire culturel plébiscité par le public. Selon certaines études sectorielles, ce sont plusieurs milliers d'emplois directs qui seraient concernés, ainsi qu'un écosystème professionnel essentiel à la diversité de la production audiovisuelle française. Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a récemment alerté sur ce sujet dans un rapport, soulignant les risques d'une automatisation massive des doublages sans cadre éthique ou contractuel adapté. Dans ce contexte, elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement pour favoriser un développement responsable de l'intelligence artificielle, respectueux des droits des artistes-interprètes et protecteur de la diversité culturelle. Elle l'interroge notamment sur les pistes envisagées pour garantir un consentement éclairé et une juste rémunération des artistes dont la voix pourrait être reproduite par ces nouveaux outils.

Réponse publiée le 8 juillet 2025

Les comédiens de doublage participent, au travers de leurs interprétations fines des œuvres, à la richesse culturelle de la France ; le public français est d'ailleurs très attaché aux œuvres en version doublée. Si l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) n'est pas nouvelle dans le secteur audiovisuel et cinématographique, la période actuelle est celle d'une intensification très forte de son utilisation. Cette intensification, qui touche le secteur du doublage, soulève des préoccupations légitimes, tant en matière de protection des droits des artistes-interprètes que d'évolution des métiers et des emplois. Pour y répondre, un certain nombre de mesures et d'actions ont déjà été mises en œuvre aux niveaux national et européen. En premier lieu, un travail d'objectivation des évolutions des usages a été mené par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Ce dernier a ainsi mis en place un observatoire de l'IA conduisant à la publication, en juin dernier, d'une étude permettant de mieux comprendre les utilisations actuelles de l'IA par les professionnels de la filière et la perception par ces derniers de ses impacts sur les métiers et les emplois. Elle présente l'état d'adoption des technologies de l'IA pour le secteur du doublage, et les opportunités et défis qui y sont attachés, notamment s'agissant du développement de voix numériques et de la synchronisation labiale. Deux nouvelles notes de conjoncture sont prévues en 2025 ; l'une portant sur les « storyboarders », l'autre très spécifiquement sur les doubleurs. Enfin, un état des lieux des formations IA dans la filière vient aussi d'être lancé. Deuxièmement, compte tenu des évolutions que cette intensification entraîne en matière de métiers et d'emploi, le ministère de la culture s'est engagé pour encourager toutes discussions entre les professionnels concernés. Celles-ci devraient faciliter la mise en place de pratiques vertueuses, permettant de placer les outils numériques au service de la création humaine et de pourvoir aux besoins de formation. Les services du ministère et le CNC sont en lien permanent avec le secteur du doublage, dont les représentants ont été reçus à plusieurs reprises. Enfin, le règlement européen sur l'intelligence artificielle (RIA) de 2024 a permis de marquer un premier jalon en matière de régulation de l'IA. En application de celui-ci, les contenus de synthèse générés par IA doivent faire l'objet d'un marquage. Par ailleurs, les fournisseurs d'IA doivent se doter d'une politique de respect du droit d'auteur, et ce compris les droits voisins des artistes-interprètes, et publier un résumé détaillé des sources qu'ils utilisent pour entraîner leurs modèles. Pour permettre aux auteurs et artistes-interprètes de comprendre effectivement comment et à quelles fins les œuvres qu'ils concourent à créer sont utilisées pour entraîner l'intelligence artificielle générative, ces avancées doivent désormais être concrétisées dans les textes d'application de ce règlement. C'est la raison pour laquelle le ministère de la culture a confié au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique deux missions, dont les conclusions viennent d'être publiées ou sont sur le point de l'être. La première a vocation à peser au niveau européen sur les modalités de mise en œuvre de l'obligation de transparence prévue par le RIA afin de s'assurer qu'elle permette aux auteurs et aux artistes-interprètes de disposer des informations indispensables à l'exercice des droits. La seconde, plus prospective, étudie la façon dont l'utilisation des contenus culturels par les modèles d'IA pourrait être rémunérée.

Données clés

Auteur : Mme Isabelle Rauch

Type de question : Question écrite

Rubrique : Culture

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 17 juin 2025
Réponse publiée le 8 juillet 2025

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