Prolifération des drogues de synthèse en France
Question de :
Mme Michèle Tabarot
Alpes-Maritimes (9e circonscription) - Droite Républicaine
Mme Michèle Tabarot attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'essor préoccupant des drogues de synthèse sur le territoire national et les menaces multiples que ce phénomène fait peser sur la sécurité intérieure. Parmi les substances en circulation, les nouveaux produits de synthèse (NPS) connaissent une progression particulièrement rapide et inquiétante. Selon le dispositif système d'identification national des toxiques et des substances (SINTES) de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), 731 produits psychoactifs ont été analysés en 2023, soit une hausse de 17 % par rapport à 2022. L'Agence de l'Union européenne sur les drogues a également alerté sur la multiplication de ces substances très puissantes qui exposent les consommateurs à un risque élevé d'intoxication grave, voire de décès, en particulier dans le cas des opioïdes de synthèse. Le faible coût de production de ces drogues et leur diffusion via les réseaux numériques favorisent l'essor de groupes criminels structurés. Face à cette évolution rapide et à ses conséquences sanitaires, sécuritaires et sociales, elle souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour renforcer encore la lutte contre la circulation croissante des drogues de synthèse et garantir la sécurité des citoyens face à la menace que représente ce phénomène.
Réponse publiée le 11 novembre 2025
La consommation des nouveaux produits de synthèse est croissante en Europe et en France, générant un développement du trafic. La France est ainsi confrontée à la multiplication de nouveaux produits, destinés à alimenter la consommation locale ou à être réexpédiés dans d'autres pays. La France constitue par ailleurs une zone de transit pour les flux de produits précurseurs. Les drogues de synthèse, dont certaines imitent les effets des drogues traditionnelles, représentent une menace de plus en plus préoccupante. Produites à bas coût et souvent très concentrées en principes actifs, ces substances sont principalement fabriquées par de petits groupes criminels ou des industriels implantés en Asie, notamment impliqués dans la contrebande de précurseurs chimiques. Le dynamisme du marché européen s'explique par une législation encore fragile, que les trafiquants exploitent en modifiant la composition chimique de certaines molécules selon les interdictions en vigueur. Les groupes criminels tirent parti du fait qu'un produit non inscrit sur la liste des stupéfiants ne peut être interdit, ce qui leur permet de proposer sans cesse de nouvelles drogues. La lutte contre ces nouveaux produits de synthèse est d'autant plus difficile que leur apparition est rapide, compliquant leur détection. Il est en effet indispensable que les autorités scientifiques identifient précisément la molécule concernée, surtout lorsque celle-ci ne relève pas d'une famille déjà classée comme stupéfiant. L'absence d'harmonisation juridique de leur statut, au niveau tant européen que mondial, met en évidence la nécessité d'apporter une réponse internationale au regard de la stratégie de contournement des législations. Le contrôle des précurseurs chimiques est un élément essentiel pour limiter la production de drogues de synthèse et le développement de laboratoires clandestins. À ce titre, la Mission nationale de contrôle des précurseurs chimiques (MNCPC), rattachée au ministère de l'Économie, pilote et coordonne la mise en œuvre des politiques de lutte contre le détournement des précurseurs chimiques. La lutte contre ce phénomène relève du combat global mené par les forces de sécurité intérieure de l'État - mais également les douanes et la marine nationale - contre les organisations criminelles agissant dans le trafic de stupéfiants. La direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), en particulier l'Office anti-stupéfiants (OFAST), la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de la préfecture de police sont particulièrement investies dans la lutte contre ces nouvelles substances psychoactives. Bien qu'une large part des quantités mises hors-circuit en France (75 % pour l'ecstasy/MDMA et 22 % pour l'amphétamine/méthamphétamine) serait destinée à des marchés étrangers, le marché de consommation en France métropolitaine et outre-mer est dynamique et requiert donc le maintien d'un niveau de vigilance élevé. D'ores et déjà, la mobilisation des forces porte des coups sévères aux trafiquants. En 2024 par exemple, les forces de sécurité ont saisi 9 090 510 comprimés d'ecstasy/MDMA (+123 % par rapport à 2023) et 618 kg d'amphétamine/méthamphétamine (+ 133 %), soit des saisies record. La gendarmerie est particulièrement investie dans la lutte contre les drogues de synthèse comme en atteste l'évolution des saisies avec 2,2 millions de cachets d'ecstasy saisis en 2024 contre 38 519 cachets en 2023. Elle est également concernée dans les outre-mer, spécialement en Polynésie française, par la lutte contre le trafic d'ICE (méthamphétamine) en provenance des États-Unis et du Mexique. Près de 13 kg y ont été saisis en 2024. La hausse globale des saisies en 2024 traduit une hausse de la consommation, mais aussi des gains d'efficacité de l'action des services répressifs. Alors que la lutte contre le trafic de stupéfiants a été érigée en priorité absolue par le ministre de l'intérieur, la mobilisation des forces de l'ordre est totale. Elle va bénéficier des avancées majeures introduites par la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, portée par le ministre de l'intérieur, dotant en particulier les services d'enquête de moyens élargis, mais également les préfets, qui disposeront de plus de pouvoirs pour intervenir localement. La création d'un parquet spécialisé contre la criminalité organisée contribue à doter notre pays d'un arsenal juridique à la hauteur de la menace. La création d'une nouvelle et véritable task-force contre le crime organisée - l'état-major de lutte contre la criminalité organisée (EMCO) – le 14 mai dernier, sous le chef de filât de la DNPJ, composée de représentants de toutes les administrations concernées, va également permettre d'améliorer l'efficacité de l'action inter-services et interministérielle, la partage d'informations et le continuum entre le renseignement et le judiciaire. Par ailleurs, l'unité nationale de police judiciaire (UNPJ) de la la gendarmerie nationale est désormais opérationnelle. Elle renforce la cohérence des capacités centrales d'investigation, de renseignement et d'expertise criminalistique de la gendarmerie en regroupant les structures à compétences nationales (SCRC, PJGN, UNC, offices centraux : OCLDI, OCLTI, OCLAESP, OCLCH) et une nouvelle unité nationale d'investigation (UNI), au sein d'un opérateur central de police judiciaire en lien étroit avec le PNACO et l'EMCO. Le contrôle des précurseurs chimiques est un élément essentiel pour limiter la production de drogues de synthèse et le développement de laboratoires clandestins. À ce titre, la Mission nationale de contrôle des précurseurs chimiques (MNCPC), rattachée au ministère de l'économie, pilote et coordonne la mise en œuvre des politiques de lutte contre le détournement des précurseurs chimiques. Enfin, ce combat implique d'agir également sur la consommation, en responsabilisant les consommateurs, notamment par le recours plus intensif aux amendes forfaitaires délictuelles en matière de stupéfiants, dont près de 197 000 ont été traitées en 2024, soit une augmentation de plus de 21 % par rapport en 2023.
Auteur : Mme Michèle Tabarot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Drogue
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 17 juin 2025
Réponse publiée le 11 novembre 2025