Teleperformance, leader de la maltraitance sociale ?
Question de :
M. Hadrien Clouet
Haute-Garonne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Hadrien Clouet alerte Mme la ministre du travail et de l'emploi sur la maltraitance subie par les salariés de l'entreprise Teleperformance, victimes d'un dumping social sciemment organisé par un de ses dirigeants et menacés par un plan social déguisé. En décembre 2023, dans une question orale sans débat adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, M. le député dénonçait le soutien apporté par l'État à l'entreprise Teleperformance, en dépit de cette maltraitance connue et reconnue. En effet, malgré les 340 interventions de l'inspection du travail depuis 2016, 60 contrôles sur place visant au respect de la réglementation du travail, 150 lettres d'observation, une douzaine de rapports et huit mises en demeure envers Teleperformance, le Gouvernement continuait de confier à l'entreprise la gestion de ses nombreux numéros verts. Pour rappel, la multinationale avait fait l'objet en 2020 d'une plainte internationale devant l'OCDE, dénonçant les conditions de travail inhumaines dans 10 pays, dont la France. Un rapport de plus de 20 pages relatait les maltraitances dont sont victimes les salariés, contraints de dormir sur leur lieu de travail pendant la crise sanitaire, menacés de ne pas être payés, forcés de demander à leur supérieur l'autorisation de se rendre aux toilettes ou encore licenciés pour faute grave à cause de quelques minutes de retard. Aujourd'hui, six mois plus tard, force est de constater que rien n'a été mis en place par le ministère du travail pour faire respecter le droit du travail. Pire encore, la situation s'est aggravée puisque l'entreprise fait l'objet de deux nouvelles mises en demeure de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités pour ses sites de Blagnac et du Mans, exigeant la mise en oeuvre de mesures de prévention des risques psychosociaux. Avec le rachat en avril 2023 pour trois milliards d'euros de son principal concurrent Majorel - leader du marché des relations client qui emploie 82 000 personnes dans 44 pays - Teleperformance a entrepris un véritable plan social déguisé. En effet, dans le but d'augmenter ses profits, la direction de l'entreprise transfère progressivement son activité vers Majorel considérée comme étant plus rentable, mettant en danger des centaines d'emplois à Teleperformance. Alors que les deux entités ont fusionné dans tous les pays étrangers où le groupe est implanté, Majorel et Teleperformance se partagent en France un seul et même marché. Toutes deux ont donc les mêmes clients, qui accordent le plus souvent leurs contrats vers l'entreprise la moins chère - en l'occurrence Majorel, puisque les salariés ne bénéficient ni de titres-restaurants, ni d'une couverture partielle des carences maladie, ni d'un planning prévisionnel d'activité, ni d'une cybersécurité acceptable, en témoigne le vol des données personnelles de 10 millions de personnes dans le cadre du contrat de prestation avec Pôle emploi. Ainsi, plusieurs groupes ont déjà renoncé à leurs partenariats avec Teleperformance au profit de Majorel, notamment EDF ou Véolia. Les salariés du même groupe sont donc mis en concurrence, créant un inquiétant phénomène de dumping social. Aujourd'hui, malgré toutes ces alertes, l'État continue de couvrir cette entreprise qui ne respecte aucune règle. Ne pas agir relève à ce niveau d'une complaisance vis-à-vis du PDG de Teleperformance, proche de plusieurs réseaux politiques, en témoigne la présence au conseil d'administration d'un ancien sénateur, également président du conseil de surveillance de l'entreprise. Aussi M. le député demande-t-il à Mme la ministre comment elle compte préserver cet outil productif de pointe qu'est Teleperformance, multinationale de très haut niveau sabotée de l'intérieur. Comment fera-t-elle respecter le code du travail et les droits des salariés ? Comment renégociera-t-elle les partenariats et prestations publiques à cette fin ? Une montée de l'État au capital est-elle envisagée, pour s'assurer de l'intégrité de l'entreprise en voie de démantèlement entre différents pays d'Europe ? Finalement, il lui demande si, à Teleperformance comme ailleurs, elle a l'intention d'interdire l'usage des logiciels espions TP Observer et TP Interact et tout autre logiciel similaire afin de protéger l'intégrité, la santé mentale et les données personnels de tous les travailleurs exerçant en télétravail.
Réponse publiée le 18 février 2025
La société Téléperformance France emploie environ 1 900 salariés sur dans 14 établissements en France. Ses principaux sites d'implantation sont Fleury-les-Aubrais (45400), Le Mans (72100), Villeneuve-d'Ascq (59493), Bordeaux (33300), Blagnac (31700). D'autres sociétés du groupe Téléperformance sont également présentes en France. L'Etat se mobilise via l'inspection du travail pour contrôler cette société et faire respecter le droit du travail. Depuis 2016, 360 interventions sont recensées sur les sites de cette entreprise. Pour rappel, il est interdit d'utiliser des logiciels à l'insu des personnes contrôlées. En effet, la surveillance des salariés, quelle qu'en soit la nature, est soumise à des règles strictes visant à faire respecter les droits des salariés, même au temps et/ou au lieu de travail. Le code du travail prévoit à cet effet plusieurs dispositions protectrices. En premier lieu, l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail prévue à l'article L. 1222-1, l'obligation d'informer expressément le salarié, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d'évaluation professionnelles mises en œuvre à son égard selon l'article L. 1222-3 du code du travail, l'obligation d'informer, au préalable également, le salarié de tout dispositif permettant la collecte d'informations personnelles le concernant, font obstacle à ce que des logiciels de contrôle soient mis en place à l'insu des salariés. Il en est de même pour l'information et la consultation du comité social et économique prévues aux articles L. 2312-37 et suivants du code du travail. Ainsi, la mise en place du logiciel doit être effectuée dans le respect des procédures, les méthodes de surveillance doivent être, en application des articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du code du travail, justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. L'employeur doit être en mesure de démontrer la nécessité de mettre en place un tel dispositif et l'impossibilité d'atteindre l'objectif poursuivi par un moyen moins intrusif. L'article L. 1222-3 précité précise en outre que « Les méthodes et techniques d'évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ». Une surveillance constante est d'ailleurs considérée comme excessive par les juges. Enfin, les contrôles de l'inspection du travail ont effectivement permis de constater des relations individuelles et collectives de travail dégradées et le suivi de cette société par l'inspection du travail se poursuit.
Auteur : M. Hadrien Clouet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail et emploi
Ministère répondant : Travail et emploi
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 18 février 2025