L'avenir du site de l'abbaye de Clairvaux
Question de :
M. Jordan Guitton
Aube (1re circonscription) - Rassemblement National
M. Jordan Guitton appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur l'avenir du site de l'abbaye de Clairvaux, situé dans la commune de Ville-sous-la-Ferté, dans le département de l'Aube. Classée au titre des monuments historiques et fondée au XIIe siècle par Bernard de Clairvaux, l'abbaye constitue un élément majeur du patrimoine architectural et carcéral français. Elle a notamment abrité jusqu'en 2016 un établissement pénitentiaire emblématique, héritier direct des transformations opérées sous Napoléon. Ce site unique, à la croisée de l'histoire religieuse, pénale et territoriale de la France, incarne à lui seul plusieurs siècles de la mémoire nationale. Depuis la fermeture de la prison en 2016, aucune réaffectation d'envergure n'a été engagée sur le site. De nombreux élus locaux, comme les habitants, s'interrogent sur l'absence de projet structurant alors même que le territoire souffre d'un déficit d'attractivité économique et culturelle. L'abbaye, par son ampleur et son identité singulière, pourrait pourtant devenir un pôle culturel ou touristique de rayonnement national, voire européen. En janvier 2025, M. le député avait interpellé M. le ministre de l'intérieur sur la possibilité d'y réimplanter un établissement pénitentiaire, à la suite de la fermeture de Clairvaux. Cette piste semblant aujourd'hui définitivement écartée, la responsabilité de l'avenir du site repose désormais pleinement sur les services du ministère de la Culture. Dans un précédent communiqué, il avait déjà exprimé son inquiétude face à l'absence d'investissement, alors même que la réhabilitation de ce site prestigieux permettrait non seulement de préserver un patrimoine exceptionnel, mais aussi de relancer l'économie locale autour d'un projet culturel ambitieux. Aussi, M. le député souhaite savoir si le ministère de la Culture a engagé une réflexion sur une réaffectation du site et, le cas échéant, quels projets, partenariats ou appels à manifestation d'intérêt ont été envisagés pour assurer l'avenir de l'abbaye de Clairvaux.
Réponse publiée le 2 septembre 2025
L'abbaye de Clairvaux est un ensemble religieux de toute première importance. L'enclos monastique, intégralement conservé, abrite encore quelques importants vestiges de l'abbaye médiévale, notamment le bâtiment des frères convers. L'essentiel des bâtiments abbatiaux date toutefois de l'ambitieuse campagne de reconstruction du XVIIIe siècle (grand et petit cloîtres, réfectoire, cour d'honneur, etc.). Vendue comme bien national en 1792, l'abbaye fut transformée en centre pénitentiaire dès le début du XIXe siècle, puis l'église abbatiale fut démolie. Au XXe siècle, les détenus ont progressivement quitté les bâtiments historiques de l'abbaye pour de nouveaux bâtiments construits dans l'emprise de l'enclos abbatial dans les années 1970. Entre 1981 et 1999, des arrêtés de classement et d'inscription au titre des monuments historiques ont permis de protéger la totalité des parties de l'abbaye, bâties et non bâties, et des éléments de la prison ancienne, notamment le quartier disciplinaire du XIXe siècle. En 2002 puis en 2009, le ministère de la culture s'est vu transférer par le ministère de la justice quelques bâtiments désaffectés et en état d'abandon manifeste ; il a dès lors pu procéder à la restauration de certains d'entre eux, tels le bâtiment des Convers et le réfectoire. Le 15 juin 2016, le Garde des sceaux a décidé de fermer la maison centrale de Clairvaux. En prévision de cette fermeture, l'État a engagé des réflexions pour préparer la reconversion de l'ensemble immobilier, en lien avec la préfecture de département et les collectivités territoriales. En juillet 2019, la direction de l'immobilier de l'État a lancé un appel à idées dans l'objectif de nourrir les réflexions sur le devenir du site de l'ancienne abbaye et prison. Afin de préparer la reconversion du site, les ministères de la culture et de la justice ont signé, le 7 novembre 2019, une convention de coopération permettant de définir les responsabilités des deux ministères jusqu'à la libération définitive des lieux par l'administration pénitentiaire. En juillet 2020, un groupe de travail, réunissant l'État et les collectivités territoriales (conseil régional, conseil départemental, communauté de communes, commune), a été créé pour préparer le projet de reconversion de l'ancienne abbaye et prison de Clairvaux. Ce groupe de travail était animé par un chef de projet désigné par le ministère de la culture et le ministère délégué chargé des comptes publics. Une convention de partenariat entre l'État et les collectivités territoriales a été signée le 9 décembre 2021 pour formaliser l'engagement des parties sur un travail de co-construction du devenir du site. Un appel à manifestations d'intérêt (AMI) a été lancé à l'été 2022 dans l'objectif de faire émerger un projet de reconversion pertinent pour assurer la restauration de l'ancienne abbaye et prison, sa conservation et sa valorisation sur le long terme. Deux candidats ont présenté une offre et ont été départagés par le jury composé de représentants de l'État et des collectivités territoriales, réuni le 19 décembre 2023. Le candidat retenu a été invité à approfondir son offre dans le cadre d'une phase d'échanges exclusifs avec l'État. À l'issue de cette phase, le candidat n'étant pas parvenu à proposer une offre économiquement viable, l'État a été contraint de déclarer l'AMI sans suite. La maison centrale de Clairvaux ayant fermé définitivement ses portes en octobre 2023, le ministère de la culture assure, depuis lors, l'entretien et le gardiennage de l'ensemble immobilier. En outre, le ministère de la culture a engagé d'importants travaux de restauration, estimés à 60 millions d'euros, portant sur la restauration du clos-couvert du grand cloître de l'abbaye, dont l'état sanitaire, les dimensions spectaculaires et le potentiel de réutilisation nécessitaient un investissement conséquent. Avec sa trentaine de bâtiments classés ou inscrits au titre des monuments historiques, comptabilisant 40 000 m2 de surfaces exploitables sur près de 30 hectares, l'ancienne abbaye et prison constitue un défi en termes de réutilisation et de valorisation. Pour le ministère de la culture, l'enjeu de la reconversion du site réside dans la réutilisation des bâtiments protégés au titre des monuments historiques, qui offrent de très importants volumes et surfaces de planchers. Le projet de reconversion, quel qu'il soit, devra privilégier cette réutilisation, gage d'une conservation pérenne de ce patrimoine inestimable. Dans ce cadre, le ministère de la culture poursuit la co-construction, avec les collectivités territoriales, d'une stratégie cohérente afin de définir, en concertation, les moyens à mettre en œuvre pour la réussite de ce projet de reconversion.
Auteur : M. Jordan Guitton
Type de question : Question écrite
Rubrique : Patrimoine culturel
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 24 juin 2025
Réponse publiée le 2 septembre 2025