Question écrite n° 786 :
Classification du parc du Mercantour en « zone difficilement protégeable »

17e Législature

Question de : Mme Alexandra Masson
Alpes-Maritimes (4e circonscription) - Rassemblement National

Mme Alexandra Masson attire l'attention de Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation sur la prolifération des loups depuis sa réapparition en France dans le parc national du Mercantour en 1992. Circonscrit initialement aux régions alpines, le loup est désormais présent dans tous les massifs français. Les loups gris, revenus d'eux-mêmes en France depuis l'Italie et essentiellement présents dans les massifs alpins et provençaux, connaissent une dynamique démographique exponentielle. Depuis 2012, leur nombre est en constante hausse et dans toutes les régions, un loup ayant même été aperçu jusque dans le Finistère. L'augmentation de la capacité de prélèvement des loups reste par ailleurs bien trop insuffisante par rapport à l'accroissement de leur population sur le territoire national. Les loups sont capables d'une grande mobilité, ce qui rend extrêmement difficile l'adoption de mesures destinées à défendre les populations rurales et leurs animaux domestiques, notamment ceux élevés dans les pâturages en plein air. Dans les zones rurales plus densément peuplées, la présence de loups peut avoir des retombées négatives aussi bien pour l'agriculture traditionnelle que pour le tourisme. Les mesures de prévention visant à éviter les conflits de cohabitation se sont révélées inefficaces. Les paiements d'indemnisation ne permettent pas d'obtenir la réparation intégrale du préjudice subi. Il est donc maintenant indispensable de prendre des mesures concrètes pour remédier aux problèmes et ainsi préserver le développement des zones rurales et de l'élevage local. Les exploitations situées dans les zones montagneuses de petite taille doivent être protégées et encouragées, car elles contribuent à préserver la biodiversité dans les régions inhospitalières, évitant ainsi le dépeuplement de ces zones. Il est donc nécessaire et indispensable de protéger et de préserver activement le modèle de l'agriculture pastorale, ainsi que les agriculteurs qui la pratiquent, par des actions décisives et des solutions concrètes. Mme la députée demande à Mme la ministre de permettre au préfet des Alpes-Maritimes de classer le cœur du parc national du Mercantour en « zone difficilement protégeable (ZDP) », à l'instar du parc national des Cévennes en 2019. La possibilité de délimiter réglementairement des zones difficilement protégeables contre les loups est prévue aux articles 36 et 37 de l'arrêté ministériel du 19 février 2018 modifié. Le critère principal qui prévaut à ce classement est la densité ovine qui est particulièrement importante dans le cœur du parc national du Mercantour. Mme la députée demande en conséquence que, dans cette « ZDP du parc national du Mercantour », soient autorisés contre les loups les tirs de défense simple, les tirs de défense renforcée quand les troupeaux, malgré le recours aux tirs de défense simple, ont subi au moins trois attaques successives dans les 12 derniers mois et des tirs de prélèvement simple ou renforcé quand les attaques sur les troupeaux persistent. Elle souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Réponse publiée le 10 décembre 2024

A l'occasion du renouvellement du plan national d'actions (PNA) sur le loup et les activités d'élevage pour la période 2024-2029, le Gouvernement a tenu à ce que ce plan concilie le double impératif de respect des obligations européennes et internationales de protection de l'espèce, d'une part, et de préservation de l'élevage extensif et pastoral, nécessaire à la transition écologique d'autre part. Ce PNA 2024-2029, après avoir fait l'objet d'une concertation avec les organisations professionnelles agricoles et les associations de protection de l'environnement sous l'égide de la préfète coordonnatrice du plan loup, a été publié le 23 février 2024. La présence du loup est à l'origine d'une détresse pour les éleveurs dont le gouvernement a pleinement conscience. L'Etat doit se tenir à leurs côtés, au regard de l'impact de la présence du loup sur leur activité, notamment en termes économique, psychologique et d'adaptation des pratiques. Le précédent Plan national d'actions 2018-2023 s'inscrit dans cet objectif de coexistence entre loups et activités d'élevage, et a notamment permis d'évaluer l'efficacité des moyens de protection déployés. Il a été démontré que malgré un nombre significatif de dommages aux troupeaux (10 882 victimes en 2023, 12 331 en 2018), ceux-ci restent stables dans le temps en dépit d une augmentation du nombre de loups (entre 750 et 1350 individus en 2023 selon l'Office français de la biodiversité contre 430 en 2018). Pour cette raison, le soutien à la protection constitue toujours le coeur de l'action de l'Etat : la protection des troupeaux a ainsi fait l'objet d'un financement public à hauteur de 38,9 millions d'euros en 2023 (partiellement pris en charge par le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural, FEADER). Ces financements ont permis la mise en oeuvre de mesures de protection telles que le gardiennage, la mise en place de parcs électrifiés ou le recours aux chiens de protection. Cette aide a été maintenue et renforcée dans la nouvelle programmation de la politique agricole commune (PAC). En cas de prédation, l'indemnisation versée par l'Etat couvre à la fois les pertes directes (valeur de l'animal perdu ou disparu) et indirectes (pertes consécutives à la perturbation du troupeau du fait, notamment, du stress, de la moindre prise de poids, des avortements ou de la baisse de lactation). En février 2024, la révision de l'arrêté pris pour l'application du décret n° 2019-722 du 9 juillet 2019 relatif à l'indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l'ours et le lynx, a permis de prendre en compte l'augmentation des prix dans la définition d un nouveau barème revalorisant notamment de +33% les indemnisations pour les catégories ovines, de +25% les catégories caprines, entre 26 et 32% les catégories bovines, et +11% pour le reste des catégories. Les pertes dites indirectes font quant à elles l'objet d'un groupe de travail avec les parties prenantes des différents groupes de gouvernance autour des trois grands prédateurs terrestres pour que leur architecture soit révisée d'ici la fin de l'année 2024 afin de se rapprocher davantage de la réalité des perturbations subies par les troupeaux. Le dispositif de tirs dérogatoires de loups est quant à lui un système très régulé et précis, mené sous le contrôle de la Préfète coordinatrice du plan national d'actions sur le loup. Il n'a pas pour objet, et n'a pas eu pour effet, d'empêcher la population de loups de croître au-delà d'un certain seuil. Il ne constitue pas la réponse principale apportée au problème de la prédation des troupeaux domestiques, mais une réponse complémentaire et subordonnée au déploiement des mesures de protection, destinée à ne pas laisser de situation sans solution. Les différents seuils et plafonds de prélèvement figurant dans la réglementation actuelle (17%, 19%, et 21%) ont été définis sur la base d'une expertise scientifique impliquant le Muséum national d Histoire naturelle de manière à ne pas remettre en cause l'état de conservation de l'espèce, conformément aux engagements européens et internationaux. En cour de parcs nationaux dont le décret de création interdit la chasse (à l'instar du Parc national du Mercantour), les tirs létaux de loups sont interdits. Afin de compenser cette interdiction, une aide majorée à la protection, prévue dans l'arrêté du 30 décembre 2022 relatif à l'aide à la protection des exploitations et des troupeaux contre la prédation du loup et de l'ours, couvre à hauteur de 100% les dépenses éligibles liées au gardiennage au sein des cours de parcs nationaux et les réserves naturelles nationales. Dans de rares secteurs en zone d'expansion, des « zones difficilement protégeables » (ZDP) peuvent être reconnues. Les ZDP correspondent à des zones d'expansion du loup dans lesquelles, du fait des modes de conduite des troupeaux d'animaux domestiques, la mise en ouvre des mesures de protection des troupeaux contre la prédation du loup présente des difficultés importantes, constatées à la suite d'une ou plusieurs attaques de loup sur les troupeaux. Ces zones restent néanmoins délimitées au cas par cas par le préfet coordonnateur du plan national d'actions sur le loup, après avoir recueilli les propositions des préfets de département concernés. De ce fait, la reconnaissance des ZDP est circonscrite à des territoires aux caractéristiques spécifiques en front de colonisation. En l'occurrence aujourd hui, seule une ZDP a été reconnue à travers l'arrêté n° 19-096 portant définition d'une zone difficilement protégeable au sein d'un front de colonisation du loup dans le sud-ouest du massif central. Le coeur du Parc national du Mercantour, qui ne se situe pas en zone d'expansion, n'a pas vocation à obtenir une telle reconnaissance. Le Gouvernement poursuit une politique volontaire et équilibrée pour maintenir le bon état des populations de loups, tout en soutenant les activités humaines, notamment le pastoralisme, l'élevage, et le développement des territoires.

Données clés

Auteur : Mme Alexandra Masson

Type de question : Question écrite

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : Partenariat territoires et décentralisation

Ministère répondant : Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques

Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024

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