Question écrite n° 7925 :
Sécurisation des virements par vérification de l'IBAN et de l'identité

17e Législature

Question de : M. Thomas Ménagé
Loiret (4e circonscription) - Rassemblement National

M. Thomas Ménagé interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'absence de procédure systématique et obligatoire de vérification de la concordance entre l'identité du bénéficiaire d'un virement bancaire et l'intitulé du compte associé à l'IBAN fourni, ce qui constitue une faille persistante dans la sécurité des paiements électroniques. Aujourd'hui en France, lorsqu'un virement bancaire est initié, que ce soit par une entreprise, un particulier ou une collectivité, l'établissement bancaire de l'utilisateur du service de paiement exécute l'opération en se fondant uniquement sur les coordonnées bancaires (IBAN et BIC) renseignées, sans que le nom du bénéficiaire, pourtant demandé lors de la saisie, ne fasse l'objet d'une vérification de concordance avec le compte destinataire. Autrement dit, la validité de l'identifiant bancaire (IBAN) suffit à engager l'ordre de paiement, indépendamment de toute correspondance avec l'identité du destinataire mentionné. Cette situation découle de l'article L. 133-21 du code monétaire et financier, qui dispose que « si l'ordre de paiement est exécuté conformément à l'identifiant unique, il est réputé correctement exécuté en ce qui concerne le bénéficiaire désigné par cet identifiant ». Le texte précise également que « si l'identifiant unique fourni par l'utilisateur de services de paiement est inexact, le prestataire de services de paiement n'est pas responsable de la non-exécution ou de la mauvaise exécution de l'opération de paiement ». En d'autres termes, la responsabilité du prestataire de services de paiement (PSP) est limitée à l'exactitude de l'identifiant, sans égard pour le nom renseigné. Or cette disposition crée une vulnérabilité manifeste exploitée par les fraudeurs. Il n'est pas rare que des tiers malveillants interceptent ou falsifient un relevé d'identité bancaire (RIB), notamment dans le cadre de relations commerciales, de paiements de factures ou de remboursements. Il leur suffit alors de transmettre un IBAN valide, appartenant à un compte ouvert sous un nom différent, pour détourner les fonds au détriment de l'émetteur légitime du paiement. Ce type de fraude, connu sous le nom de « fraude au faux RIB », cause chaque année de lourdes pertes à de nombreuses entreprises, associations, collectivités et particuliers. Les victimes se retrouvent souvent sans recours, car les établissements bancaires déclinent toute responsabilité en s'appuyant précisément sur le texte susmentionné. Si les dispositions légales prévoient que « le prestataire de services de paiement du payeur s'efforce de récupérer les fonds engagés dans l'opération de paiement », cette obligation n'amène en réalité que très rarement à la récupération des sommes transférées. Pourtant, des solutions existent : dans plusieurs pays européens, des systèmes de vérification d'identité du bénéficiaire avant exécution du virement ont été mis en place. Le Royaume-Uni a notamment instauré en 2020 le dispositif de « Confirmation of Payee », qui impose aux banques de comparer le nom du titulaire du compte avec celui renseigné par l'émetteur du virement. En cas de discordance, une alerte est émise avant que l'ordre ne soit validé, ce qui permet de détecter et de prévenir la fraude. Les Pays-Bas ont mis en place un système similaire dès 2017, dénommé « IBAN-Naam Check », qui a permis de réduire significativement les cas de fraude aux virements. En France, si certaines banques proposent des dispositifs de sécurité complémentaires comme la validation renforcée des nouveaux bénéficiaires ou des notifications d'alerte, aucun cadre légal ou réglementaire ne les oblige à mettre en œuvre une vérification de concordance entre l'intitulé du compte et l'IBAN. Cette situation est d'autant plus problématique que le nombre de virements SEPA ne cesse d'augmenter avec la dématérialisation croissante des échanges économiques et administratifs. Face à ce constat, plusieurs voix s'élèvent pour demander une évolution du cadre juridique national, mais également européen. La Commission européenne a elle-même reconnu cette lacune dans sa proposition de révision du règlement SEPA, en introduisant une exigence de vérification de la concordance entre le nom et l'IBAN pour les virements instantanés. Néanmoins, cette exigence ne s'applique pas encore aux virements ordinaires, alors que ceux-ci représentent la majorité des flux. Il paraît donc nécessaire d'anticiper cette évolution réglementaire en généralisant cette vérification à l'ensemble des virements. En rendant cette pratique obligatoire pour tous les prestataires de services de paiement, la France contribuerait à renforcer la confiance dans les paiements électroniques et à protéger plus efficacement ses usagers contre les fraudes. Aussi, il souhaite savoir si le Gouvernement envisage de modifier le code monétaire et financier, notamment son article L. 133-21, afin d'obliger les établissements bancaires à vérifier la concordance entre le nom du bénéficiaire saisi et l'intitulé du compte bancaire avant l'exécution de tout virement ou, à défaut, de prévoir des mécanismes d'alerte permettant à l'utilisateur du service de paiement de détecter une éventuelle erreur ou tentative de fraude. Il lui demande également s'il entend soutenir, dans les négociations européennes, l'extension de cette exigence de vérification à l'ensemble des virements SEPA, y compris les virements ordinaires.

Réponse publiée le 16 septembre 2025

Le Gouvernement est conscient des difficultés que peuvent rencontrer nos concitoyens lorsqu'ils sont victimes de fraude à la substitution de relevé d'identité bancaire (RIB). Dans ce contexte, il peut être rappelé que les prestataires de services de paiement doivent effectivement prévenir, rechercher et détecter les fraudes en matière de paiement. Ils sont ainsi tenus de déployer des mécanismes de contrôle des opérations leur permettant de déceler les opérations de paiement non autorisées ou frauduleuses qui doivent notamment prendre en compte les scénarios connus de fraude, notamment aux fins de l'application de mesures d'authentification forte. Des travaux sont ainsi conduits en France sous l'égide de l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement (OSMP) pour détecter et prévenir les formes émergentes de fraude afin que ces nouvelles typologies de fraude, notamment les fraudes à la substitution d'IBAN, puissent être prises en compte par les prestataires de services de paiement. Le Gouvernement tient à souligner que le règlement (UE) 2024/886 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2024 modifiant les règlements (UE) n° 260/2012 et (UE) 2021/1230 et les directives 98/26/CE et (UE) 2015/2366 en ce qui concerne les virements instantanés en euros prévoit déjà une application du mécanisme de vérification du bénéficiaire (ou verification of payee, VoP) à l'ensemble des virements, qu'ils soient standards ou instantanés, à compter du 9 octobre prochain, pour les prestataires de services de paiement situés dans un Etat-membre dont la monnaie est l'euro. La modification appelée de ses vœux par le député sera donc opérationnelle dans les prochaines semaines. Enfin, le Gouvernement tient à rappeler qu'il est contraire au droit européen d'anticiper la date d'application d'un règlement européen en raison du principe d'effet direct des règlements, au risque de compromettre leur application simultanée et uniforme dans l'ensemble de l'Union européenne (CJCE, 7 février 1973,  Commission c. Italie, aff. 39-72, Rec. 102 ; CJCE, 10 octobre 1973, Fratelli Variola SpATrieste et Administration des finances italienne, aff. 34-73, Rec. 982).

Données clés

Auteur : M. Thomas Ménagé

Type de question : Question écrite

Rubrique : Banques et établissements financiers

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 16 septembre 2025

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