Conséquences prolifération du grand cormoran sur les populations piscicoles
Question de :
M. Yannick Favennec-Bécot
Mayenne (3e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Yannick Favennec-Bécot attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, sur les effets préoccupants de la prolifération du grand cormoran sur les populations piscicoles en Mayenne. Espèce protégée au titre de la directive « oiseaux » (2009/147/CE) et de l'arrêté ministériel du 29 octobre 2009, le grand cormoran a vu ses effectifs croître de manière continue, en particulier dans les départements ruraux tels que la Mayenne. On observe désormais un phénomène de sédentarisation de cette espèce, avec nidification sur le territoire national, alors qu'elle n'y était historiquement que présente pour l'hivernage. Ce grand oiseau piscivore consomme en moyenne 450 grammes de poisson par jour. En Mayenne, la population hivernante est présente de novembre à mars, soit environ 150 jours. Cette prédation représente un prélèvement estimé à 67,5 tonnes de poissons par an, sans même prendre en compte les individus sédentaires présents toute l'année ou ceux de passage migratoire. Les espèces les plus touchées sont pourtant elles-mêmes protégées par le code de l'environnement (brochet, truite fario, anguille ou encore saumon). Ces prélèvements importants posent une menace directe à la biodiversité aquatique et compromettent les efforts de conservation menés par les fédérations de pêche, qui doivent en outre composer avec une réglementation de plus en plus restrictive pour les pêcheurs. Ils affectent également l'équilibre économique des gestionnaires d'étangs, des pisciculteurs et plus largement de toute une filière halieutique locale, génératrice d'emplois directs et indirects en zone rurale. La fédération de pêche de la Mayenne plaide pour une simplification et une évolution de la réglementation, à l'instar de la levée du statut de protection du grand cormoran par l'Union européenne en 1997. Elle demande notamment la possibilité de classer le grand cormoran comme espèce chassable, la suppression de l'arrêté du 29 octobre 2009, l'autorisation de prélèvements sur les nids, ainsi que la révision de l'arrêté du 24 février 2025 qui a considérablement complexifié les possibilités de régulation. Il ne s'agit pas de viser l'éradication de l'espèce, mais bien de permettre une gestion équilibrée, fondée sur une régulation raisonnée au niveau national comme européen. Aussi, il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour réviser le cadre réglementaire applicable au grand cormoran et permettre une gestion durable et adaptée de cette espèce, en cohérence avec la préservation de la biodiversité piscicole et le maintien des activités économiques et associatives locales.
Réponse publiée le 9 décembre 2025
Le grand cormoran est une espèce autochtone protégée au niveau national. Il bénéficie également au niveau européen du régime général de la protection de toutes les espèces d'oiseaux (directive « Oiseaux »). Avec son régime alimentaire piscivore, il est une espèce importante pour le fonctionnement et l'équilibre des écosystèmes. En effet, en tant que prédateur naturel, le grand cormoran diminue notamment la consommation du plancton et contribue indirectement à une meilleure oxygénation des eaux. De même, il limite la pression parasitaire par élimination sélective des individus les plus faibles et accélère le recyclage et les flux de matière dans les chaînes alimentaires. La population de la sous-espèce Phalacrocorax carbo sinensis s'était significativement réduite jusque dans les années 1970. Depuis lors, en raison de sa protection, le nombre moyen de grands cormorans a augmenté jusqu'à atteindre une population de presque 120 000 individus hivernants en 2024, ce chiffre étant relativement stable depuis 2013. Afin de contrôler l'impact que le grand cormoran occasionne sur les piscicultures et, le cas échéant, les poissons sauvages, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de régulation depuis les années 1990. Ces moyens d'action font régulièrement l'objet d'ajustements, notamment en lien avec l'évolution de la population sur le territoire et les besoins des acteurs. Ainsi l'arrêté-cadre du 24 février 2025 fixe les nouvelles conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de perturbation intentionnelle et de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans. Au-delà des consultations obligatoires, il a fait l'objet de nombreux échanges avec l'ensemble des partenaires concernés afin de tenir compte de l'ensemble des remarques des parties prenantes. Il apporte un cadre rénové, plus ambitieux et plus sécurisé juridiquement, en veillant au respect de la réglementation en vigueur pour la protection des espèces, notamment l'exigence que des mesures alternatives aient préalablement été mises en place sans succès. Désormais, à la condition que des impacts significatifs soient avérés, ce texte autorise de nouveau la destruction de grands cormorans au titre de la protection des espèces piscicoles menacées dans les cours d'eau et plans d'eau. La démonstration de l'impact de l'oiseau via la production d'études locales documentées est requise afin de répondre aux exigences réglementaires de dérogation à la protection de l'espèce et ainsi d'éviter l'annulation des arrêtés préfectoraux autorisant les destructions, comme cela a été le cas par le passé. Dans le nouvel arrêté-cadre figurent des simplifications administratives et des assouplissements importants s'agissant des dérogations à l'interdiction de perturbation intentionnelle et de destruction de l'espèce. Ainsi la période de destruction est étendue de droit jusqu'au 30 juin pour les piscicultures. La mise en œuvre d'opérations complémentaires est permise jusqu'au 31 juillet en pisciculture sur justification (auparavant, les opérations complémentaires devaient s'achever au plus tard le 30 juin). Désormais, les plafonds de destruction autorisés au titre de la protection des poissons menacés sont fixés par les préfets en respectant le seuil maximal de 20 % de la population départementale hivernante recensée lors du comptage national, ce seuil pouvant être porté à 30 % en cas d'absence de plafond sur les piscicultures dans le département. En outre, en cas d'atteinte du plafond accordé au titre de la protection des piscicultures avant la fin de la campagne, le plafond peut être augmenté dans la limite de 10 % du nombre d'individus autorisés à la destruction sur les piscicultures dans le département. De même, afin d'assurer un meilleur suivi des destructions de grand cormoran, il est ajouté un délai de 72 heures suivant les régulations, pour la transmission des comptes-rendus d'opérations aux préfets. Les déclarations s'effectuent désormais via une plateforme en ligne qui simplifie les démarches des bénéficiaires de dérogations, et peuvent en outre être réalisées par une même personne pour les régulations ayant lieu un même jour sur un même site. Enfin, tout bénéficiaire d'une dérogation à l'interdiction de destruction peut réaliser, aux mêmes périodes et sur les mêmes lieux que les tirs, des opérations d'effarouchement sonores et visuels, sans qu'il soit besoin d'effectuer des démarches administratives supplémentaires. En conséquence, le Gouvernement n'entend pas s'engager dans une révision du statut de l'espèce, qui s'accompagnerait nécessairement d'une révision de ce statut au niveau européen. L'éventail et la souplesse des moyens actuellement donnés aux acteurs concernés par la présence de l'espèce et ses impacts permettent de se prémunir des dommages. Ainsi, les mesures dérogatoires permettent de mettre en place des effarouchements, des opérations de régulation de l'espèce, dont les plafonds attribués autorisent la régulation annuelle de plus de 40 % de la population recensée sur le territoire hexagonal, et des opérations exceptionnelles de régulation des nids et des œufs. En outre, des mesures de protection telles que les cages-refuges ou les filets sont financées via le Fonds Européen pour les Affaires Maritimes, la Pêche et l'Aquaculture (FEAMPA), qui est mobilisable par les exploitants. Ainsi, l'ambition est d'assurer une meilleure coexistence entre le grand cormoran et les activités de pisciculture et de pêche, et de limiter l'impact de l'espèce sur les écosystèmes aquatiques, tout en maintenant son bon état de conservation.
Auteur : M. Yannick Favennec-Bécot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Biodiversité
Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité et négociations internationales
Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 9 décembre 2025