Restriction de chasse sur les oiseaux migrateurs
Question de :
Mme Martine Froger
Ariège (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Martine Froger attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, sur les mesures de restriction de la chasse aux oiseaux migrateurs annoncées en avril 2025, notamment l'instauration d'un moratoire sur le fuligule milouin et la réduction des périodes de chasse pour plusieurs autres espèces. Depuis 2021, un groupe d'experts mandaté par la Commission européenne évalue la durabilité de la chasse de 33 espèces migratrices. Les conclusions rendues en avril 2025 ne recommandaient une gestion adaptative que pour trois d'entre elles : le fuligule milouin, la caille des blés et le canard siffleur. Aucun moratoire général ni interdiction immédiate n'était prévu. Pourtant, la France semble aujourd'hui s'engager unilatéralement dans une voie plus restrictive que celle envisagée à l'échelle européenne, en élargissant les limitations à d'autres espèces non concernées par les travaux communautaires, telles que la caille, la grive, la vénerie, ou la palombe. Ces décisions affectent directement les chasseurs de gibier d'eau, dont 80 % des espèces prélevées la nuit sont désormais visées, ainsi que d'autres modes de chasse ou espèces. C'est déjà le cas au niveau national puisqu'un moratoire a déjà été mis en place pour le Grand Tétras en juillet 2022 et qu'une autre demande de moratoire concernant le Lagopède alpin est actuellement en cours d'instruction, Mme la députée s'étonne d'un tel revirement, alors que la France avait, en novembre 2024, rejeté les premières recommandations européennes jugées prématurées. Elle lui demande les raisons de ce changement de position, en décalage avec la stratégie européenne et sans qu'aucun autre État membre n'ait pris de mesures similaires. Enfin, elle s'interroge sur l'absence de concertation préalable avec les acteurs de terrain, notamment les fédérations de chasseurs, dont l'expertise et la connaissance du milieu naturel et des espèces auraient pu utilement contribuer à une approche plus équilibrée.
Réponse publiée le 2 décembre 2025
La France participe activement aux travaux du NADEG (Nature Directives Expert Group), groupe d'experts de l'Union européenne institué par la Commission européenne pour suivre la mise en œuvre des directives Oiseaux et Habitats, composé des autorités nationales des différents Etats-membres ainsi que des représentants des chasseurs d'une part et des associations de protection de la nature d'autre part. En 2021, une Task Force for the Recovery of Birds (TFRB) a été constituée au sein du NADEG, avec pour mission d'analyser la durabilité de la chasse de 33 espèces d'oiseaux migrateurs, la durabilité des espèces sédentaires relevant de la responsabilité des Etats membres. Les conclusions scientifiques, présentées le 8 novembre 2024, ont identifié sept espèces comme présentant un risque élevé de non-durabilité de la chasse. Pour quatre d'entre elles (fuligule milouin, canard siffleur, caille des blés, grive mauvis), un moratoire immédiat a été recommandé par la Commission européenne sur proposition de la task force, dans l'attente de la mise en place d'une gestion adaptative. Pour trois autres (sarcelle d'hiver, canard souchet, canard pilet), une réduction des prélèvements de moitié a été préconisée. Ces propositions visent à assurer la conformité des pratiques avec l'article 7 de la directive Oiseaux. En effet, pour une espèce migratrice, les observations nationales peuvent différer des observations européennes. C'est bien au niveau supra-national que l'action est pertinente pour préserver l'espèce. Dans un courrier aux membres du groupe NADEG, la Commission européenne a confirmé en juin dernier que la prise de mesures conservatoires concernant ces 7 espèces était attendue dès la saison 2025/2026 en parallèle d'autres actions en faveur des habitats dans l'attente de la mise en place d'un modèle de gestion adaptative pour 3 d'entre elles prévu à l'automne. Sur la base de ces éléments, le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS) s'est réuni le 16 juillet dernier et a voté l'instauration de plafonds de prélèvements pour la caille des blés d'une part, et pour les canards de surface, fuligules, macreuses, garrots et nettes. Il s'est également prononcé sur la prolongation d'un an des moratoires concernant la barge à queue noire et le courlis cendré, et la mise en place d'un moratoire de 5 ans pour l'eider à duvet en danger critique d'extinction sur le territoire métropolitain. Ce dispositif s'accompagne de l'obligation de déclaration des prélèvements pour l'ensemble des anatidés (à l'exception du canard colvert et des oies). Ces mesures permettent de répondre à la fois à la demande de la Commission européenne de réduction de la pression de chasse ainsi qu'au besoin d'avoir de meilleures connaissances, indispensables pour apprécier la situation réelle de chaque espèce à l'échelle biogéographique. Par ailleurs, en raison de son état de conservation préoccupant, le fuligule milouin sera intégré à la liste nationale des espèces soumises à gestion adaptative dès cette année afin d'adapter la pression de chasse à l'état de la population. Compte tenu d'une progression de la population pour la tourterelle des bois de 40% depuis 2021 en Europe après plusieurs années de moratoire, la réouverture à la chasse de la tourterelle des bois a été votée avec un quota de 10 560 oiseaux pour la saison 2025-2026, dans le cadre d'une gestion adaptative européenne. Ce résultat témoigne de l'efficacité d'une approche fondée sur la connaissance, la concertation et l'engagement partagé. Ce modèle a vocation à être étendu, y compris pour d'autres espèces comme le canard siffleur, la caille des blés ou le fuligule milouin, à partir de 2026. Ce cadre vise à assurer la viabilité des populations d'oiseaux migrateurs tout en reconnaissant le rôle important joué par les chasseurs dans la gestion et la préservation des milieux. Il s'agit d'une approche évolutive, qui sera ajustée en fonction des connaissances scientifiques disponibles et des échanges européens à venir. Le Gouvernement reste pleinement mobilisé pour que la régulation cynégétique repose sur des données partagées, une concertation transparente et une exigence de durabilité, à l'échelle tant nationale qu'européenne. La préservation de la biodiversité et la durabilité des pratiques cynégétiques sont des priorités constantes du Gouvernement, qui veille à concilier exigences écologiques et respect des traditions rurales.
Auteur : Mme Martine Froger
Type de question : Question écrite
Rubrique : Chasse et pêche
Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Ministère répondant : Transition écologique
Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025