Politique pénitentiaire
Question de :
M. Lionel Tivoli
Alpes-Maritimes (2e circonscription) - Rassemblement National
Question posée en séance, et publiée le 18 juin 2025
POLITIQUE PÉNITENTIAIRE
Mme la présidente . La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli . Il y a quelques semaines, deux surveillants de la maison d’arrêt de Grasse ont été violemment agressés lors d’un simple changement de cellule. Ces deux agents ont été blessés alors qu'ils faisaient simplement leur travail !
Pendant ce temps, vos annonces s’enchaînent : expulsions des détenus étrangers, retour de l’autorité, fermeté. Mais la réalité est bien différente. Sur le terrain, c’est l’abandon.
Je me suis rendu à trois reprises à la maison d’arrêt de Grasse. Chaque fois, les agents m’ont tenu le même discours : ils souffrent du manque de moyens et de reconnaissance, et subissent surtout une ultraviolence qui devient chaque jour plus forte.
La maison d’arrêt de Grasse compte 721 détenus pour 574 places. Alors que les effectifs sont à bout, les détenus profitent d’activités dignes d’un centre de vacances – funambulisme, cyclisme, football sur un terrain dédié, ateliers type Top chef organisés dans une cuisine professionnelle.
Le contraste entre vos propos et la réalité est saisissant. Pendant que les détenus cuisinent ou jouent au foot, les surveillants, eux, disposent d’une salle de repos avec une serviette en guise de rideau et un micro-ondes qui ne fonctionne pas.
Le comble, c'est que cinq détenus ont récemment bénéficié d’une sortie dans le parc national du Mercantour, avec une nuit dans un gîte, encadrés par seulement trois surveillants – trois agents mobilisés à l’extérieur ont surveillé cinq détenus ultraviolents, tout cela pendant que des millions de Français n’ont même pas les moyens de s’offrir une telle escapade.
La suite est, hélas, déjà écrite. Vingt-sept surveillants vont partir en juillet, sans qu'aucun remplacement soit prévu. À Grasse comme ailleurs, la situation devient ingérable.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez dit que la prison, « ce n'est pas le Club Med ». Mais aujourd’hui, elle y ressemble, pendant que ceux qui la font tenir sont épuisés, méprisés et oubliés.
Quand vos annonces seront-elles enfin suivies d’effets ? Quand rétablirez-vous du bon sens et de l’autorité dans nos prisons ? Et, surtout, quand respecterez-vous et protégerez-vous nos surveillants pénitentiaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice . Je peux vous rejoindre sur le fait qu'il faut faire preuve de fermeté et de bon sens dans les centres de détention de la République française. C'est si vrai que, sous l'autorité de M. le premier ministre, en tant que garde des sceaux, j'ai proposé en collaboration avec le ministre de l'intérieur une loi pour lutter contre le narcotrafic, validée par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Cette loi qui prévoit un régime carcéral spécifique extrêmement important a été votée…
M. Yoann Gillet et M. Sébastien Chenu . Grâce au RN ! Merci le RN !
M. Gérald Darmanin, ministre d'État . …par de nombreux groupes, du vôtre au groupe socialiste, ce qui montre que nous n'avons pas eu besoin du soutien du Rassemblement national pour faire adopter ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Plusieurs députés du groupe RN . Si !
M. Philippe Vigier . C'est vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre d'État . C'est un fait !
Par ailleurs, j'ai moi-même signé une instruction appelant à l'arrêt de certaines pratiques dans les prisons.
Mme Émilie Bonnivard . Oui !
M. Gérald Darmanin, ministre d'État . Mais cela ne donne pas le droit de mentir à la représentation nationale, monsieur le député ! (Protestations sur les bancs du groupe RN. – M. Yoann Gillet fait mine de jouer du pipeau.) Vous évoquez en effet, notamment sur les réseaux sociaux, une sortie dans le Mercantour assortie d'une nuitée, pour des détenus qui seraient particulièrement dangereux. Il s'agit en réalité de personnes en fin de peine.
Plusieurs députés du groupe RN . Tout va bien alors ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre d'État . Ces détenus ont fait des centaines de mètres de dénivelé pour travailler dans le cadre du projet de restauration du lac Scluos : ils ont monté les engins de chantier. On est loin d'une sortie ludique au Mercantour ! Cela s'appelle du travail. À moins d'être des ennemis du travail, à l'image de votre programme économique, vous devriez vous réjouir que les détenus travaillent pour s'insérer, tout en contribuant à l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. - Mme Émilie Bonnivard applaudit également.)
Mme la présidente . La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli . Merci d'avoir appelé mon attention sur cette brochure, que je vous propose d'aller afficher dans la salle de repos des surveillants pénitentiaires, à côté de ce qui leur sert de rideau ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre d'État.
M. Gérald Darmanin, ministre d'État . Le document que je tiens en main n'est pas une brochure : il provient de l'administration pénitentiaire. Devinez où je l'ai trouvé : à la maison d'arrêt de Grasse !
Vous choisissez les gens que vous soutenez selon des critères bien changeants. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je vous propose de soutenir tout le ministère de la justice, y compris les magistrats, que vous attaquez souvent nommément, pour toutes les décisions que vous estimez honteuses. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, EcoS, Dem et LIOT.) Quand on soutient les agents du ministère de la justice, on les soutient jusqu'au bout !
M. Philippe Ballard . Vous ne les soutenez pas !
M. Gérald Darmanin, ministre d'État . Vous êtes plus volubile quand vous vous exprimez sur les réseaux sociaux que lorsque vous vous exprimez devant la représentation nationale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Auteur : M. Lionel Tivoli
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 juin 2025