Interdiction de la pêche dans le golfe de Gascogne
Question de :
M. Pascal Markowsky
Charente-Maritime (4e circonscription) - Rassemblement National
M. Pascal Markowsky alerte M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé de la mer et de la pêche, sur la décision de la Commission européenne d'interdire la pêche aux navires de plus de huit mètres pratiquant les filets maillants (GNS), les trémails (GTR), le chalut pélagique (OTM, PTM), le chalut-bœuf de fond (PTB) et les sennes coulissantes (PS) dans le golfe de Gascogne (zone sous CIEM 8 a, b, c et e), du 22 janvier au 20 février 2025. Cette décision, justifiée par l'idée fallacieuse selon laquelle les pêcheurs seraient la cause principale des échouages de cétacés, menace gravement l'avenir de la filière de la pêche sur la côte atlantique, notamment en Charente-Maritime. En 2024, une mesure similaire avait empêché un segment de la flottille de pêche française de travailler, sans que les échouages de petits cétacés n'aient significativement diminué, entraînant des conséquences économiques catastrophiques pour les pêcheurs et les mareyeurs : les pertes ont été estimées entre 60 et 70 millions d'euros, l'approvisionnement des criées bordant le golfe de Gascogne a chuté d'environ 48 % et l'activité de la pêche en Charente-Maritime a été considérablement réduite, provoquant une hausse du prix du poisson sur les étals du département. Au total, 450 navires ont dû stopper leur activité et malgré la levée de l'interdiction le 21 février 2024, les pertes se sont avérées importantes, avec 100 000 euros de manque à gagner pour le seul port de La Rochelle. À Royan, où évoluent essentiellement des fileyeurs, la situation est plus dramatique encore, avec une perte estimée à 94 % de l'activité. Les mesures d'indemnisation décidées par la Commission européenne sont jugées insuffisantes et inéquitables. D'une part, elles ne compensent que 75 % des pertes subies par les pêcheurs et d'autre part, c'est l'argent des contribuables français qui doit couvrir les conséquences des décisions prises à Bruxelles. Ces mesures favorisent les gros armements, qui bénéficient de plus de trésorerie et d'un soutien administratif et comptable plus efficient que les petits armateurs (8 m à 12 m). Elles sont imputées sur les crédits du fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (FEAMPA), réduisant d'autant les fonds alloués aux projets d'amélioration de la filière. Les professionnels du secteur et leurs familles sont ainsi directement affectés par des mesures reposant sur des données scientifiques que le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) qualifie lui-même de « approximatives », menaçant à terme la survie de la filière artisanale dans cette région. Un emploi en mer génère 3 à 4 emplois à terre. Ces mesures ont eu un impact direct sur l'emploi local, avec des réductions d'effectifs chez les mareyeurs des régions touchées par cette fermeture. Les pêcheurs, notamment en Charente-Maritime, vivent ainsi sous l'épée de Damoclès de nouvelles interdictions à répétition. Ces fermetures s'ajoutent aux autres mesures restreignant les possibilités de report de l'effort de pêche (AT soles, civelles, baisses de quotas). Fruit d'un chantage écologico-politique et sous la pression d'organisations non gouvernementales, cette fermeture a été perçue par la profession comme une véritable trahison. En effet, la très grande majorité des navires pratiquant des métiers considérés comme « à risque » s'étaient déjà équipés de différents dispositifs censés éviter les captures accidentelles de cétacés (effaroucheurs, pingers). L'État leur a en outre imposé l'emport du système de surveillance des navires par satellite (VMS), en leur laissant croire que ces équipements onéreux leur permettraient d'aller en mer. Enfin, cette décision généralise le principe de précaution à un segment entier de la filière pêche, laissant les bateaux usines étrangers piller les eaux territoriales françaises en toute légalité et impunité, tout en compromettant la souveraineté alimentaire du pays en fragilisant encore davantage la filière. Face à cette situation, M. le député souhaite savoir quelles mesures urgentes le Gouvernement compte prendre pour protéger les pêcheurs français du golfe de Gascogne. Il demande également quelles initiatives sont envisagées pour contester cette décision européenne et défendre la pérennité économique et sociale de la pêche française, déjà mise à mal par des restrictions et règlementations de plus en plus contraignantes dans cette région stratégique.
Réponse publiée le 3 décembre 2024
Réponse à la question écrite sur le golfe de Gascogne. Depuis 2016, d'importants échouages de petits cétacés ont lieu sur les côtes du golfe de Gascogne, notamment pendant la période hivernale. Pour enrayer ce phénomène, des travaux ont été menés en lien avec les professionnels de la pêche et ont permis d'établir un plan d'action de réduction des captures accidentelles. Cependant, la Commission européenne comme le Conseil d'Etat ont considéré que ce plan d'action était insuffisant. Ils ont enjoint le Gouvernement de prendre des mesures de protection adéquates tout en renforçant la collecte de données. Le Gouvernement a donc décidé la fermeture du golfe de Gascogne pour une durée de 4 semaines en 2024, 2025 et 2026 dans le cadre du plan d'action qui vise à réduire les captures accidentelles de petits cétacés liées à l'activité des navires de pêche. Le golfe de Gascogne a ainsi été fermé à la pêche pendant 30 jours entre le 22 janvier et le 20 février 2024. Environ 300 navires de plus de 8 mètres utilisant l'un des 6 engins identifiés comme « à risque » (chaluts, fileyeurs et certains senneurs) ont cessé leur activité et ont été contraints de rester à quai. Le ministre salue le sens des responsabilités dont ont fait preuve les professionnels l'hiver dernier. Les premiers éléments du bilan de la fermeture 2024 en termes de conservation des petits cétacés, montrent une nette baisse des mortalités par capture pour l'ensemble de la période à risque grâce à la fermeture spatio-temporelle de 4 semaines. Les chiffres d'échouages permettent a priori d'estimer que les mortalités sur l'hiver ont été réduites d'un facteur 4 par rapport à la moyenne des années précédentes. En effet, à partir des données d'échouages, l'Observatoire Pelagis estime les mortalités par captures accidentelles de dauphin commun, grâce à un modèle de dérive inverse. Cet hiver le Réseau National d'Echouage a constaté 624 échouages de dauphin commun sur les côtes françaises Atlantique et Manche, dont 176 avec des traces d'engins de pêche. A partir notamment de ces données, l'Observatoire Pelagis a établi une estimation totale de 1 450 dauphins communs morts par capture accidentelle entre le 1er décembre 2023 et le 31 mars 2024, pour la façade Atlantique et la zone Manche-Ouest. En comparaison, pour la même zone et la même période, la moyenne annuelle de dauphins communs morts en mer par capture se montait à 6 100 individus entre 2017 et 2023. Au plan socioéconomique, cette fermeture n'a pas été sans impact sur la filière. Les volumes débarqués dans les halles à marée du golfe de Gascogne en 2024 sur la période de fermeture sont largement inférieurs aux volumes débarqués en 2022 et en 2023 : en février par exemple, les volumes débarqués en 2024 ont baissé de -40% par rapport à 2022 et de -47% par rapport à 2023. La fermeture a aussi eu un effet significatif sur les entreprises de l'ensemble des maillons de la filière aval. C'est pour cette raison que le Gouvernement a mobilisé des dispositifs d'aide en faveur des pêcheurs et des mareyeurs. A l'amont, 288 dossiers d'arrêt temporaire ont été payés à hauteur de 16,3 M€ pour l'indemnisation des navires contraints de rester à quai. A l'aval, l'activité partielle a permis d'accompagner les halles à marée et les entreprises du mareyage : un dispositif d'indemnisation des pertes économiques des entreprises de mareyage a ainsi été doté de 8 M€, dont les paiements sont actuellement en cours. Dans ce contexte, la priorité du gouvernement est d'anticiper au mieux la prochaine fermeture qui interviendra à l'hiver 2025, en lien avec les professionnels, et de mettre en œuvre les différents volets du plan de réduction des captures accidentelles de cétacés. Pour parvenir, à terme, à la réouverture totale du golfe de Gascogne, différentes solutions techniques pour réduire les risques de captures accidentelles ont été identifiées. Parmi les plus prometteuses figurent des dispositifs de dissuasion acoustiques. L'objectif est de déployer ces dispositifs à grande échelle et dans les meilleurs délais afin d'obtenir au plus vite les preuves de leur efficacité. Celles-ci passent par le renforcement de la collecte de données également nécessaire pour mieux comprendre les interactions entre les navires de pêche et les petits cétacés. Elle se réalise à travers les obligations déclaratives des captures accidentelles par les pêcheurs, mais doit être également complétée par l'observation embarquée. C'est pourquoi, en complément des observateurs à bord (suréchantillonnage ObsMer) un échantillon de navires sera équipés en caméras. Les caméras sont un outil essentiel de collecte de données et l'évaluation des dispositifs techniques déployés sur les navires. Elles permettent d'optimiser le volume des données collecté. Les images issues des caméras sont anonymisées et utilisées à des fins de connaissance et d'évaluation des dispositifs techniques. La liste des navires concernés par l'obligation d'équipement doit permettre de garantir la représentativité de l'ensemble de la flotte, tenir compte des navires volontaires et déjà équipés et minimiser le nombre de navires concernés. Un projet d'arrêté, portant spécifiquement sur le plan d'équipement en dispositifs techniques et en caméras est actuellement soumis à l'avis du public. De plus, pour faciliter la mise en œuvre du plan, des réunions seront organisées à l'échelle de chaque façade par les services de l'Etat à l'attention des professionnels concernés. Dans le même temps, l'Etat poursuivra son soutien aux pêcheurs et les mareyeurs qui subissent les conséquences économiques de cette fermeture. Celle-ci ne s'appliquera pas uniquement aux navires français mais bien à l'ensemble de ceux susceptibles de pêcher dans cette zone. C'est la raison pour laquelle la Commission a proposé fin septembre, et à la demande expresse de la France, un acte réglementaire en ce sens pour garantir l'équité de traitement de nos flottilles. Le Gouvernement est ainsi pleinement engagé pour trouver collectivement des solutions qui permettront la continuité de l'activité de pêche, dans le respect de la protection de l'environnement. A nouveau, le ministre chargé de la mer et de la pêche, Fabrice Loher, rappelle sa détermination pour permettre, à terme, la cohabitation entre l'activité de pêche et la préservation des espèces protégées.
Auteur : M. Pascal Markowsky
Type de question : Question écrite
Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle
Ministère interrogé : Mer et pêche
Ministère répondant : Mer et pêche
Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 3 décembre 2024