Généralisation et extension de la procédure d'amende forfaitaire délictuelle
Question de :
Mme Anaïs Sabatini
Pyrénées-Orientales (2e circonscription) - Rassemblement National
Mme Anaïs Sabatini interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'opportunité de généraliser et d'étendre davantage la procédure d'amende forfaitaire délictuelle (AFD), outil qui s'est imposé ces dernières années comme un levier de réponse pénale rapide et opérationnelle. L'amende forfaitaire délictuelle est une sanction pénale applicable à certains délits et qui est prononcée en dehors d'un procès. Un procès-verbal électronique est dressé, puis un avis d'amende est adressé par voie postale à l'intéressé, lequel doit s'acquitter d'une somme forfaitaire dont le montant est fixé par la loi, sans que les agents verbalisateurs puissent l'adapter à la situation particulière de la personne concernée. Introduite par la loi du 18 novembre 2016, l'AFD a vu son champ d'application progressivement élargi. À ce jour, plus de 840 000 AFD ont été prononcées, dont près de 330 000 pour usage de stupéfiants, dans l'objectif de désengorger la chaîne pénale classique en traitant des infractions nombreuses et souvent peu sanctionnées en pratique. Ce dispositif permet une modulation du montant de l'amende selon la rapidité du paiement et répond à un double objectif d'efficacité policière et de soulagement du système judiciaire. À défaut d'être parfaite, l'AFD a démontré sa pertinence opérationnelle et sa capacité à produire une réponse pénale là où le silence judiciaire était devenu la norme. L'objectif initial était d'étendre les possibilités de recours à une AFD à l'ensemble des délits punis d'une simple peine d'amende ou de moins d'un an d'emprisonnement. Suivant les préconisations du Conseil d'État, les rapporteurs avaient finalement limité cette extension. Elle souhaite donc savoir si le Gouvernement entend, d'une part, élargir le champ des délits concernés pour revenir à l'intention initiale du législateur et, d'autre part, permettre aux agents de police municipale de recourir eux aussi à la procédure d'amende forfaitaire délictuelle, afin de renforcer l'efficacité des forces de sécurité intérieure dans la lutte contre les incivilités du quotidien.
Réponse publiée le 2 décembre 2025
La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle du 18 novembre 2016 a ouvert la possibilité de recourir à la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle pour la verbalisation de certains délits routiers. Depuis, les amendes forfaitaires délictuelles se sont fortement développées pour permettre de lutter contre différentes formes de délits relevant du bas du spectre de la délinquance. Instrument de facilitation des verbalisations, la procédure forfaitisée est un outil de traitement efficace de certains phénomènes délinquants, mais aussi de simplification de la procédure pénale et d'allègement des stocks de procédures, tant pour les services d'enquête que pour les juridictions. Les amendes forfaitaires délictuelles permettent par ailleurs d'apporter une réponse pénale à des délits qui n'étaient auparavant pas relevés par les forces de sécurité intérieure. A ce jour, seize délits[1] sont susceptibles d'être verbalisés par amende forfaitaire délictuelle et de nombreux autres le seront prochainement, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur du 24 janvier 2023 ayant ouvert la possibilité de recourir aux amendes forfaitaires pour 85 nouveaux délits. La mise en service des nouvelles amendes forfaitaires délictuelles, une fois le caractère forfaitisable des délits correspondants inscrit dans le texte de la loi, suppose un important processus de développement auquel le ministère de la Justice prend toute sa part. C'est la raison pour laquelle l'ensemble des délits forfaitisables ne peuvent pas encore être verbalisés par amende forfaitaire délictuelle. Malgré ces contraintes, la procédure d'amende forfaitaire délictuelle connait un développement très important : entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2024, près d'1,6 million de personnes ont fait l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle, dont plus de 500 000 personnes au cours de la seule année 2024 [2]. Indéniable succès, la procédure d'amende forfaitaire délictuelle n'est toutefois pas adaptée à tous types de faits. Ce constat est particulièrement prégnant concernant le contentieux pénal spécialisé. La complexité des investigations à mener n'est en effet pas compatible avec ce type de procédure simplifiée et fragilise son dispositif, dans la mesure où les investigations ont peu de chance d'aboutir, en cas de contestation, compte-tenu notamment de la déperdition des preuves. Dans ce contexte, le ministère de la Justice demeure mobilisé pour accompagner le développement des futures amendes forfaitaires délictuelles et veiller à ce que cette procédure, qui est à la main des procureurs de la République, demeure respectueuse des droits et libertés individuels. En l'état actuel du droit (article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure), les agents de police municipale exercent, à titre principal, des missions de police administrative (article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales), mais également certaines missions de police judiciaire, en leur qualité d'agents de police judiciaire adjoints (article 21 du code de procédure pénale). Ils ne peuvent toutefois pas procéder à la verbalisation de délits par amende forfaitaire délictuelle. Le ministère de l'Intérieur travail à l'élaboration d'un projet de loi relatif à l'extension des compétences des polices municipales et des gardes-champêtres, visant notamment à ouvrir la possibilité aux communes et EPCI qui le souhaitent de confier à leurs agents des prérogatives judiciaires élargies. Le ministère de la Justice participe activement à ces travaux. [1] Conduite sans permis, avec un permis d'une catégorie n'autorisant pas la conduite du véhicule, conduite sans assurance, occupation en réunion d'un immeuble collectif, vol, vente à la sauvette, introduction, détention ou usage de fusées ou d'artifice dans une enceinte sportive, entrave à la circulation, introduction sur une aire de compétition et introduction de boissons alcooliques dans une enceinte sportive, exercice illégal de l'activité d'exploitant de taxi, prise en charge d'un client sans justificatif de réservation ou exploitation de voiture de transport sans inscription au registre. [2] Source : données ANTAI
Auteur : Mme Anaïs Sabatini
Type de question : Question écrite
Rubrique : Crimes, délits et contraventions
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025