Question écrite n° 8102 :
Menaces sur l'unique formation théâtrale professionnelle en langue des signes

17e Législature

Question de : Mme Josiane Corneloup
Saône-et-Loire (2e circonscription) - Droite Républicaine

Mme Josiane Corneloup attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur l'avenir préoccupant de l'École de théâtre universelle (ETU), première et unique formation théâtrale professionnelle en immersion totale en langue des signes française. Créée en 2018 par les artistes Martin Cros et Alexandre Bernhardt avec le soutien du théâtre du Grand Rond à Toulouse, l'ETU constitue un projet pionnier répondant à un impératif d'égalité des droits d'accès à la culture et à la formation artistique professionnelle pour les personnes sourdes. En écho aux principes fondateurs de la loi du 11 février 2005, qui reconnaît le droit à la participation pleine et entière des personnes en situation de handicap à la vie culturelle et à l'article 3 de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) de 2016 qui consacre le respect des droits culturels, l'ETU permet concrètement à des artistes sourds de se former au métier de comédien dans leur langue, la langue des signes française, reconnue elle-même comme langue à part entière. Or cette formation, jusque-là rendue accessible financièrement grâce au soutien de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) et de France Travail, est aujourd'hui menacée dans son existence même. En effet, depuis le 10 juin 2024, l'AGEFIPH ne finance plus l'aide à la formation dans le cadre du parcours vers l'emploi pour les personnes handicapées, tandis que France Travail réduit considérablement le montant de ses aides. Ce double désengagement prive les élèves d'un accès équitable à la formation, alors même qu'elle ne bénéficie d'aucun soutien structurel des collectivités locales ou de l'État en raison de son caractère innovant, qui ne rentre dans aucun cadre administratif préexistant. Malgré une restructuration interne et une intégration au sein du pôle de formation professionnelle du théâtre du Grand Rond, l'ETU risque de disparaître, faute de financements pérennes. Les élèves seraient contraints de supporter des frais d'inscription prohibitifs (6 000 euros sur un coût total de 9 500 euros par personne), rendant de facto cette formation inaccessible à la majorité d'entre eux, en contradiction avec l'esprit et la lettre des lois de 2005 et 2016. Aussi, elle lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour assurer la pérennité de cette formation unique, essentielle à la diversité des expressions culturelles et à l'égalité réelle d'accès à la culture et à l'emploi artistique pour les personnes sourdes. Elle souhaite aussi savoir si un soutien de l'État ou un dispositif de droit commun pourrait être mobilisé ou adapté pour reconnaître et accompagner l'ETU dans ses missions d'intérêt général.

Réponse publiée le 11 novembre 2025

Créée en 2018 par deux artistes, avec le soutien du théâtre du Grand Rond, l'École de théâtre universelle (ETU) propose une formation certifiante de 600 heures, permettant aux artistes sourds et sourdes de se former au métier de comédien et comédienne. Jusqu'à présent, l'ETU bénéficiait d'aides de l'association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) et de France Travail. Or, depuis 2024, l'AGEFIPH ne finance plus l'aide à la formation pour les demandeurs d'emploi en situation de handicap et France Travail a réduit ses financements. Tout d'abord, il convient de préciser que le Théâtre du Grand Rond est subventionné par la ville de Toulouse, le département de la Haute Garonne et la région Occitanie. L'absence d'une ligne artistique claire et définie ne rend pas pertinent un soutien de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d'Occitanie au fonctionnement, au titre de la création. Elle apporte toutefois régulièrement son soutien sur les projets « Politique de la Ville », ainsi que sur les actions concernant la langue des signes (22 000 euros en moyenne chaque année, reconduits en 2025 sur le budget opérationnel du programme 361). Plus largement, le ministère de la culture met en place plusieurs mesures afin de favoriser l'accès des personnes en situation de handicap aux écoles de l'enseignement supérieur culture. La DRAC Occitanie apporte un soutien à la promotion de la langue des signes française (LSF) à travers plusieurs programmes : dans le cadre de sa mise en œuvre de la politique de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), en consacrant 14 000 euros, cette année principalement autour de deux projets de création (poésies en LSF au travers du centre culturel de rencontre - CCR - de Lagrasse, et Slam en LSF dans le cadre du festival la Nuit du Slam) ; dans le cadre de la politique interministérielle Culture/Santé, pour des enjeux d'accessibilité, en direction des établissements culturels pour l'adaptation de leurs outils de médiation et de communication (au total 30 000 euros en 2025) ; dans le cadre des aides à la création apportées aux équipes artistiques, en aidant régulièrement la compagnie Danse des Signes, dirigée par Lucie Tataste, composée de comédiens sourds, et par ailleurs accueillie au Grand Rond. Disposant de la certification Qualiopi (qualité des prestations de formations délivrées par les organismes de formation), la formation de théâtre signé porté par le théâtre du Grand Rond a obtenu une certification professionnelle inscrite au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Elle regroupe chaque année une quinzaine de comédiens sourds venus de l'Europe entière. Elle s'enrichit par ailleurs de nombreux partenariats artistiques et culturels, permettant les rencontres avec les troupes professionnelles autour d'objets pluridisciplinaires, dans la métropole toulousaine, et en échanges européens, par le programme Erasmus+. La DRAC Occitanie soutient le théâtre du Grand Rond, pour le théâtre signé, comprenant la formation professionnelle. S'y ajoute une aide au Festival Sign'O, temps fort accueilli par le théâtre (15 000 euros). Les partenaires publics locaux doivent être considérés en première ligne sur les soutiens au fonctionnement à apporter au théâtre du Grand Rond au regard de son action de terrain apportée sur son quartier d'implantation en direction des populations les moins favorisées. La DRAC s'emploie à créer une dynamique de sensibilisation autour du levier que constituent les crédits de la politique de la Ville. Il existe plusieurs mesures en faveur du handicap au sein de l'Enseignement Supérieur sous la tutelle du ministère de la culture. L'enseignement supérieur culture (ESC) se compose actuellement de 100 écoles, dont 42 écoles nationales (sous la tutelle financière et pédagogique du ministère de la culture) et 58 écoles territoriales. Sur ces 100 établissements, il existe : 22 écoles d'architecture ; 41 écoles d'arts plastiques ; 30 écoles de spectacle vivant (musique, danse, arts du cirque et de la marionnette) ; 3 écoles pluridisciplinaires (art et spectacle vivant) ; 2 écoles de patrimoine ; 2 écoles d'audiovisuel et de cinéma. Chaque année, le ministère de la culture soutient la mise en œuvre d'aménagements pédagogiques pour les étudiants en situation de handicap. Les aménagements peuvent être spécifiques à un étudiant ou collectifs. Ils peuvent concerner, sans être exclusifs, des aides humaines, des équipements ou des aides techniques. À titre d'exemple, des aides à la traduction en LSF (ex : codeur langue française parlée complétée) ou l'acquisition de logiciels adaptés peuvent être financés dans ce cadre. En 2024, 463 étudiants ont bénéficié d'aménagements pédagogiques pour un montant de 220 000 euros. Plus spécifiquement, le ministère de la culture soutient le programme Pisourd, qui a pour objet de permettre, au sein de l'école des Beaux-Arts de Marseille, site pilote, l'accès des étudiants sourds et malentendants aux études d'art et de design et de sensibiliser l'ensemble de la communauté étudiante aux problématiques de la surdité. Pour l'année 2024-2025, 5 étudiants sourds ont été accueillis aux Beaux-Arts de Marseille. Le ministère soutient le dispositif à hauteur de 73 000 euros par an. L'École de théâtre universelle ne faisant pas partie à ce stade de l'ESC, le ministère de la culture, par l'intermédiaire de la DRAC d'Occitanie, s'engage à : poursuivre le dialogue avec le théâtre du Grand Rond afin de trouver un confortement structurel par le rapprochement avec un établissement d'enseignement spécialisé ou supérieur ; associer la Région dans ses compétences de formations professionnelles ; sensibiliser les écoles de l'ESC à créer les conditions visant à l'accueil d'étudiants s'exprimant en langue des signes, à l'instar du programme Pisourd.

Données clés

Auteur : Mme Josiane Corneloup

Type de question : Question écrite

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 11 novembre 2025

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