Taxes européennes sur les engrais azotés importés de Russie et de Biélorussie
Question de :
M. Jérôme Nury
Orne (3e circonscription) - Droite Républicaine
M. Jérôme Nury interroge Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les taxes européennes sur les engrais azotés importés de Russie et de Biélorussie. L'Europe reste encore très dépendante de la Russie pour ses achats de fertilisants. En 2024, plus d'un quart de ses importations d'engrais provenaient de Russie, soit 6,2 millions de tonnes sur un total de 24 millions de tonnes importées tous engrais confondus. C'est dans ce contexte que la Commission européenne a adopté la mise en place de nouvelles taxes sur les engrais azotés importés de Russie et en Biélorussie afin de réduire sa dépendance et d'éviter d'enrichir la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine. Les droits de douane s'élèvent désormais à 6,5 % sur les engrais azotés importés en Russie et de Biélorussie. S'ajoute à cela une taxe additionnelle comprise entre 40 et 45 euros la tonne en 2025-2026 avec une augmentation progressive jusqu'à 430 euros la tonne d'ici 2028. Cette taxe est mise en place de façon progressive afin d'amortir le choc sur les acheteurs européens. Ces mesures ne concernant que la Russie et la Biélorussie, il est légitime de craindre que l'azote provenant de ces pays soit détourné en étant acheté par d'autres pays, auxquels la France achètera à son tour l'azote provenant de Russie. Ainsi, au lieu d'affaiblir la Russie sur le plan économique, non seulement elle continuera de l'alimenter mais en plus elle paiera l'azote plus cher que si elle ne l'achetait directement. En somme, elle risquerait de reproduire le même schéma que lors de l'embargo sur le pétrole russe en 2022. Ainsi, il lui demande de préciser la position du Gouvernement sur la mise en place de ces nouvelles taxes.
Réponse publiée le 2 décembre 2025
Le règlement européen visant à relever les droits de douane applicables à certains produits agricoles non encore sanctionnés ainsi qu'à certains engrais importés de Russie et de Biélorussie est entré en vigueur le 1er juillet 2025. L'Union européenne (UE) ayant révoqué le statut de la nation la plus favorisée applicable à ces deux pays dans le sillage de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, elle est libre de fixer les droits de douanes à l'importation de produits originaires de Russie et de Biélorussie à un niveau plus élevé que celui applicable aux importations des autres pays. Il peut être constaté, chaque jour, le danger que représente l'agression russe, la situation périlleuse dans laquelle elle plonge l'Ukraine mais aussi l'UE, ainsi que l'efficacité des sanctions européennes, dont les effets se font de plus en plus sentir sur l'économie russe. Ce règlement sur les importations d'engrais russes et biélorusses a pour objectif de rendre l'UE moins dépendante à l'égard de ces importations, et de réduire les recettes que la Russie tire de ses exportations, de manière à limiter sa capacité à financer sa guerre d'agression contre l'Ukraine. Afin de renforcer la souveraineté alimentaire européenne, la France a soutenu avec force tout au long des négociations l'importance de préserver, en parallèle, pour les agriculteurs, un accès prévisible et suffisant aux engrais, et à des prix abordables. Grâce notamment à cette mobilisation, plusieurs garde-fous ont été intégrés dans le texte pour limiter son impact sur les prix des engrais. D'abord, seuls les engrais contenant de l'azote sont concernés par la proposition alors que d'autres États membres souhaitaient élargir le champ des produits concernés. Ensuite, il est prévu qu'un contingent avec des droits plus faibles soit introduit et qu'il soit dégressif pendant trois ans jusqu'au 1er juillet 2028. Le niveau des droits intra-contingentaires appliqués aux engrais en question sera également progressif. Cette période de montée en charge progressive du dispositif doit permettre de laisser du temps pour la recomposition des chaînes logistiques en diversifiant les origines des importations d'engrais. Cela peut dans le même temps redonner des perspectives pour la relance de l'outil productif sur le territoire européen. Par ailleurs, la Commission européenne s'est engagée à mettre en place une surveillance renforcée du marché des engrais pendant quatre ans. En cas de hausse substantielle des prix par rapport aux niveaux de 2024, la Commission européenne s'est engagée à évaluer la situation et à prendre, le cas échéant, toute mesure de remédiation, y compris une suspension des droits de douane erga omnes appliqués aux importations d'engrais azotés depuis les pays tiers, à l'exception de la Russie et la Biélorussie. Cela permettra de maîtriser les prix des engrais pour les agriculteurs européens. Concernant le développement de la production nationale d'engrais, alors qu'aujourd'hui plus des deux tiers des engrais utilisés en France sont importés et que 80 % sont produits à partir de gaz fossile, le Gouvernement a décidé, lors du dernier conseil de la planification écologique qui s'est réuni le 31 mars 2025, la préparation d'un plan de souveraineté « engrais » pour l'agriculture et l'alimentation visant à renforcer l'autonomie stratégique en la matière. C'est la seule solution pour préserver la France et l'UE de cette dépendance inacceptable.
Auteur : M. Jérôme Nury
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, agro-alimentaire et souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025