Question écrite n° 8131 :
Restrictions budgétaires imposées à l'Agence France-Presse

17e Législature

Question de : M. Emmanuel Grégoire
Paris (7e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Emmanuel Grégoire attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur les restrictions budgétaires imposées à l'Agence France-Presse. Le 13 juin 2025, le président-directeur général de l'AFP, M. Fabrice Fries, a annoncé à ses équipes une dégradation brutale de la situation financière de l'agence, imposant deux millions d'euros d'économies dès cette année et dix à douze millions d'euros d'économie d'ici 2026. Une dégradation brutale qui résulte notamment de Donald Trump aux États-Unis d'Amérique et de l'évolution du marché des médias. Des contrats avec des agences dépendant du Gouvernement américain ont été annulés, tandis que Meta (Facebook, Instagram) a mis un terme à la vérification d'informations (factchecking) pour le marché américain, une activité dans laquelle l'AFP avait acquis une position de leader ces dernières années. En conséquence, un arrêt de cette activité par le groupe américain dans le monde entier est anticipé l'an prochain. Les grandes plateformes de l'internet, en premier lieu Google avec lequel l'AFP a signé un accord rémunérant l'utilisation de ses dépêches par le moteur de recherches (dit de « droits voisins »), misent moins que par le passé sur l'information pour attirer de l'audience. En parallèle, la montée en charge rapide de l'intelligence artificielle dans les habitudes de lecture, notamment des plus jeunes, fait baisser la consultation des sites internet des médias. Une situation d'autant plus problématique que l'AFP est soumise par la loi à une obligation d'équilibre budgétaire annuel (article 12 de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957). Si les économies demandées devaient être mises en œuvre sans revalorisation significative de la dotation publique, elles pourraient menacer l'intégrité même du réseau d'information mondial que constitue l'AFP, dont bénéficient quelque 3 500 clients à travers le monde. Dans un contexte international marqué par une recrudescence des conflits et de la désinformation, la mission d'intérêt général remplie par l'AFP depuis plus de 80 ans s'avère plus essentielle que jamais pour soutenir la démocratie et préserver le pluralisme de la presse. Dès lors, il lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre pour assurer la pérennité de l'Agence France-Presse et s'il est envisagé une revalorisation de la dotation prévue au budget 2025 et 2026 afin de garantir la continuité des missions de service public de l'AFP sans compromis sur son indépendance et son maillage mondial.

Réponse publiée le 11 novembre 2025

Représenté au sein du conseil d'administration de l'Agence France Presse (AFP), le ministère de la culture est informé de la situation financière de l'AFP et des incertitudes qui pèsent sur ses prévisions de recettes commerciales en 2025 et 2026. L'agence est confrontée à une diminution des revenus tirés de ses produits traditionnels (fil texte, photo, infographie), conséquence des difficultés financières de ses clients médias dans un contexte économique mondial dégradé. Le développement de nouveaux produits commerciaux (l'investigation numérique et les droits voisins notamment) qui ont soutenu la progression du chiffre d'affaires de l'agence au cours des dernières années est rendu plus incertain du fait du recours croissant aux intelligences artificielles conversationnelles au détriment des moteurs de recherches, de l'abandon de l'investigation numérique par META en Amérique du Nord et de l'arrêt du contrat avec la radio publique Voice of America. La situation que traverse l'Agence est inédite, dans la mesure où elle découle directement des décisions prises depuis le début de l'année par le gouvernement américain et de ses répercussions sur les clients de l'Agence. Dans un tel contexte, le ministère de la culture suit attentivement l'évolution de la situation financière de l'Agence et sa capacité à poursuivre son activité de service public. Le soutien du ministère de la culture est encadré par le contrat d'objectifs et de moyens (COM) conclu entre l'État et l'AFP pour la période 2024-2028 et par la décision de la commission européenne en date du 19 décembre 2023 d'autoriser la compensation financière accordée par l'État à l'AFP au titre de ses missions d'intérêt général. Ces missions lui sont confiées par la loi du 10 janvier 1957 qui fixe le statut de l'AFP. Définies de manière précise et concrète dans le COM, ces missions se déclinent autour des cinq principaux objectifs suivants : assurer l'existence d'un réseau d'établissements dense permettant à l'AFP d'avoir une « portée globale » ; garantir le caractère permanent de la collecte et du traitement de l'information ; assurer la production d'une information complète pour les usagers français et étrangers, en langue française et dans les principales langues utilisées dans le monde ; garantir une information exacte, impartiale et digne de confiance (exigences d'objectivité et d'indépendance) ; assurer une diffusion régulière et sans interruption de l'information. L'AFP est pour rappel un organisme autonome de droit privé sui generis. Le financement public de l'agence correspond à environ 43 % de l'ensemble de ses produits. Établi dans le COM 2024-2028, le montant de la compensation des coûts nets des missions d'intérêt général confiées à l'AFP s'établit en 2025 à 120 millions d'euros, en augmentation de 6 % par rapport à 2023, dernière année du précédent COM. L'annuité prévue par le COM pour 2026 s'établit à 124 millions d'euros.

Données clés

Auteur : M. Emmanuel Grégoire

Type de question : Question écrite

Rubrique : Presse et livres

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 11 novembre 2025

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