Efficacité de la procédure de reprise des logements abandonnés
Question de :
M. Romain Daubié
Ain (2e circonscription) - Les Démocrates
M. Romain Daubié attire l'attention de Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine sur un aspect réglementaire de la procédure de reprise d'un logement abandonné par le locataire. Le « départ à la cloche de bois », ou abandon du logement par le locataire, constitue un phénomène de plus en plus répandu, dont la gestion pour le propriétaire s'avère longue et complexe. Cet abandon de logement est caractérisé quand le locataire quitte son logement sans respecter de préavis et surtout, sans alerter le propriétaire. Ces situations, de plus en plus fréquentes, condamnent le propriétaire à engager une procédure judiciaire. En 2023, environ 5 000 procès-verbaux ont été dressés par des huissiers de justice pour des cas d'abandon de logement. Le propriétaire bailleur se retrouve ainsi sans loyer et surtout sans possibilité de récupérer son logement avant de nombreux mois. Car le seul départ du locataire du logement ne suffit pas à résilier le bail. Une procédure de reprise d'un logement abandonné, souvent longue et coûteuse, doit alors être lancée par le propriétaire. La procédure de reprise d'un logement abandonné par le locataire a été instaurée par la loi dite « Béteille » n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, qui a créé l'article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989. Il s'agit d'une procédure visant à reprendre rapidement un logement laissé vacant par un locataire qui, généralement en situation d'impayés ou pour diverses autres raisons, n'a pu ou voulu mettre en place les formalités légales d'état des lieux de sortie et de remise des clefs au propriétaire. Le décret n° 2011-945 du 10 août 2011 relatif aux procédures de résiliation de baux d'habitation et de reprise des lieux en cas d'abandon a précisé la procédure d'obtention de l'ordonnance de reprise du bien, après mise en demeure du locataire. Ainsi, à la suite du procès-verbal d'abandon, qui ne peut intervenir qu'après un délai d'un mois de mise en demeure du locataire, il appartient au commissaire de justice de déposer une requête devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire, afin de faire constater judiciairement l'abandon par le locataire et solliciter une ordonnance aux fins de reprise du logement. Le magistrat s'appuie alors sur les pièces du dossier (bail, attestations, témoignages...) et notamment le procès-verbal d'abandon circonstancié. Le magistrat qui aurait le moindre doute sur la notion d'abandon peut rejeter la demande et renvoyer les parties à mieux se pourvoir. Par parallélisme, le magistrat qui ordonne la reprise sera nécessairement intimement convaincu que l'abandon est manifeste et que le locataire a failli à ses obligations. À ce jour, l'ordonnance rendue par le juge doit être signifiée par procès-verbal de recherche infructueuse et ne permet de procéder à la reprise matérielle des lieux qu'à l'issue d'un délai d'opposition d'un mois, tel que cela est défini à l'article 8 du décret n° 2011-945 du 10 août 2011. Néanmoins, dans l'immense majorité des cas, il n'est jamais formé aucune opposition. Cette voie de recours est pourtant suspensive d'exécution. Le bailleur doit alors encore patienter et attendre un certificat de non-opposition délivré à l'issue du délai d'un mois, malgré le premier constat du commissaire de justice que le locataire a abandonné les lieux. À ces délais réglementaires, s'ajoutent évidemment les délais de traitement des tribunaux, qui mène parfois la procédure de reprise du logement abandonné à plus de 6 mois. En l'état, cette procédure ne paraît pas satisfaisante, notamment dans le cadre de la crise actuelle du logement, qui nécessite que tous les logements disponibles soient remis sur le marché le plus rapidement possible. Une solution à ce délai réglementaire pourrait être de conférer force exécutoire sur minute à l'ordonnance visée à l'article 6 du décret n° 2011-945 du 10 août 2011 relatif aux procédures de résiliation des baux d'habitation et de reprise des lieux en cas d'abandon et supprimer ainsi le délai d'opposition d'un mois. Il sollicite ainsi son avis sur cette question, afin d'améliorer l'efficacité de la procédure de reprise des logements abandonnés par le locataire.
Réponse publiée le 8 avril 2025
La procédure spéciale de reprise instituée par la loi dite « Béteille », prévue par l'article 14-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et le décret n° 2011-945 du 10 août 2011 relatif aux procédures de résiliation de baux d'habitation et de reprise des lieux en cas d'abandon, qui en précise les conditions d'application, facilitent la reprise, par le bailleur, d'un bien immobilier abandonné par son locataire en permettant une procédure plus souple et plus rapide que celle de l'expulsion. Cette procédure comporte plusieurs facteurs de rapidité et de souplesse. Tout d'abord, le juge saisi par voie de requête statue par ordonnance, selon une procédure non contradictoire (articles 1 à 3 du décret du 10 août 2011). A cet égard, il est relevé qu'au plan national la moyenne du traitement des requêtes s'établit à moins d'un mois. De plus, le délai d'opposition du locataire à l'encontre de cette l'ordonnance est enfermé dans le délai d'un mois à compter de sa signification qui elle-même doit intervenir dans un délai de deux mois sous peine de caducité (articles 5 à 6 du décret du 10 août 2011). Par ailleurs, cette procédure spéciale tient compte à la fois des principes directeurs du procès et de la spécificité de l'objet de ce contentieux relatif au logement. L'ordonnance est ainsi susceptible d'une voie de recours, celle de l'opposition, aux fins de respecter, de manière différée, le principe fondamental de la contradiction posé à l'article 14 du code de procédure civile dont l'article 17 tire les conséquences en disposant que « lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu'une mesure soit ordonnée à l'insu d'une partie, celle-ci dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief ». Le juge saisi d'une telle opposition étant susceptible de revenir sur sa décision de reprise des lieux, l'ordonnance n'est pas exécutoire sur minute et son exécution est suspendue pendant le délai d'opposition et en cas d'exercice de cette voie de recours (article 6 du décret du 10 août 2011). Conférer force exécutoire sur minute à l'ordonnance et supprimer la faculté d'opposition du locataire ouverte par l'article 6 du décret du 10 août 2011 contreviendrait au droit au recours, qui a valeur constitutionnelle et conventionnelle. Cette évolution aboutirait de manière systématique à rendre une décision exécutoire, sans que le locataire n'ait à un moment quelconque de la procédure eu l'occasion de présenter ses éventuels moyens de défense. La procédure actuelle parait donc équilibrée et sécurisée de sorte qu'il n'est pas envisagé de la faire évoluer.
Auteur : M. Romain Daubié
Type de question : Question écrite
Rubrique : Baux
Ministère interrogé : Logement et rénovation urbaine
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 8 avril 2025