Question écrite n° 8173 :
Fête de la musique : l'inquiétante généralisation des piqûres sauvages

17e Législature

Question de : M. Julien Odoul
Yonne (3e circonscription) - Rassemblement National

M. Julien Odoul alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la recrudescence alarmante du phénomène des piqûres sauvages dans l'espace public. Lors de la Fête de la musique, le samedi 21 juin 2025, ce fléau a resurgi avec une intensité inquiétante : les premières estimations font état de 145 cas avérés ou dénoncés sur l'ensemble du territoire. Si les circonstances précises et les profils des auteurs restent encore flous, l'ampleur du phénomène et son caractère anonyme nourrissent un sentiment d'insécurité généralisée dans les lieux festifs. Ces agressions par injection, souvent indolores sur le moment mais lourdes de conséquences, ne sont pas nouvelles. On les retrouvait déjà dans certains milieux nocturnes, en soirées techno puis en boîtes de nuit, mais elles semblent désormais se diffuser à grande échelle, à ciel ouvert, touchant des évènements populaires rassemblant un public large et vulnérable. Ce qui était hier un phénomène marginal tend aujourd'hui à se généraliser de manière insidieuse, d'autant plus préoccupante qu'il se voit banalisé sur les réseaux sociaux. Certains influenceurs s'en font même les complices en transformant cette agression en « blague ». Le cas de l'individu se faisant appeler « Amine Mojito », qui mime des piqûres dans la rue sous prétexte de divertissement, est symptomatique de cette dérive où l'agression chimique devient un outil de contenu viral. Il est urgent de rompre avec cette tolérance implicite, d'envoyer un signal fort aux agresseurs comme aux « influenceurs » et de replacer la sécurité sanitaire au cœur de la politique de maintien de l'ordre dans les rassemblements publics. Ce phénomène ne peut pas être relativisé, ni laissé sans réponse pénale claire. Il lui demande donc quelles actions concrètes et immédiates sont envisagées pour endiguer la propagation de ce phénomène, identifier et sanctionner ses auteurs et prévenir sa banalisation à travers les réseaux sociaux et les rassemblements publics. Il l'interroge également sur les moyens accordés aux forces de l'ordre pour traiter efficacement ces cas et sur la coordination mise en place avec les services de santé pour accompagner les victimes.

Réponse publiée le 2 décembre 2025

Pour la fête de la musique du 21 juin 2025 comme pour tout autre événement de ce type, le préfet de police et les préfets de département ont mis en place, à la demande du ministre de l'intérieur, des dispositifs de sécurité adaptés. Des forces de l'ordre ont été déployées sur tout le territoire, notamment dans l'agglomération parisienne, afin de prévenir les débordements, d'assurer la sécurisation et la surveillance générale de la voie publique et de garantir le bon déroulement des festivités. Un service d'ordre particulièrement important a en particulier été mis en œuvre à Paris, avec un maillage renforcé autour des principaux lieux de festivités. L'engagement des forces de sécurité intérieure de l'État sur le terrain a été massif et largement efficace. Au-delà des missions relevant de la responsabilité de la puissance publique en matière de maintien de l'ordre, les maires aussi ont un rôle à jouer pour assurer le bon déroulement de telles manifestations, en vertu de leur pouvoir de police générale en matière de sécurité publique, de tranquillité publique et de salubrité publique, ainsi que, le cas échéant, les organisateurs. Des troubles à l'ordre public ont malgré tout été à déplorer, notamment dans certains points de la capitale. Les débordements et les exactions, commis notamment par des casseurs, sont toutefois restés relativement localisés et ont été rapidement maîtrisés. S'agissant des faits dits de « piqûres sauvages » (qui peuvent constituer un fait d'administration de substances nuisibles), 48 procédures ont été enregistrées dans l'agglomération parisienne au cours de la fête de musique de cette année, dont 46 à Paris. Ce chiffre est en hausse par rapport à 2024 (10 procédures) et 2023 (18 procédures), mais reste inférieur au niveau constaté en 2022 (59 procédures). Il doit également être mis en perspective avec le nombre de personnes ayant participé à la fête, soit plus de 1 million de personnes. À ce jour, 11 interpellations ont été réalisées. Sur le plan national (hors zone préfecture de police), en zone de compétence police, ont été recensées un peu plus de 250 signalements de « piqûres sauvages », ayant conduit à un peu plus de 100 plaintes (soit 40 % environ des signalements). Ont été interpellés 23 mis en cause et 16 placés en garde à vue (données à fin juin 2025). Aucun pronostic vital n'était engagé, mais certaines victimes ont été prises en charge dans des hôpitaux pour des analyses toxicologiques. En 2024 comme en 2023, très peu de faits avaient été signalés (de 30 à 40), et 5 faits seulement avaient été recensés en 2021. L'année 2022 - avec une forte médiatisation cette année-là de ces comportements qui étaient détectés pour la première fois en France et dans plusieurs autres pays européens - avait, elle, été marquée par un chiffre élevé (700 faits environ). Les forces de sécurité intérieure disposent de procédures bien établies pour prendre en charge les victimes (prélèvements systématiques et réalisés en priorité, avant même que la victime ne soit auditionnée en vue du dépôt de plainte) et chaque signalement donne lieu à l'ouverture d'une enquête.  Le volet préventif demeure indispensable. Il ne relève pas à titre principal de la compétence des forces de sécurité intérieure de l'État, mais les mesures de prévention et de sensibilisation conduites, notamment en amont des grands événements, sont essentielles pour informer le public et favoriser la prise en charge rapide des victimes. Cette action peut par exemple être menée par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, ainsi que par les organisateurs d'événements. En tout état de cause, le phénomène, qui doit être distingué du problème de l'administration de substances nuisibles dans le cadre de la soumission chimique, demeure difficile à caractériser. Dans nombre de cas, les examens toxicologiques ne révèlent pas qu'une quelconque substance nuisible ait été injectée. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette absence de détection : piqûres sans injection réelle, administration de doses infimes ou de substances rapidement métabolisées, délais trop longs entre les faits et les prélèvements biologiques, etc. Par ailleurs, ces actes surviennent généralement dans des contextes de forte affluence, où la concentration de personnes complique à la fois l'identification des auteurs et la collecte de témoignages circonstanciés. L'effet de foule, l'agitation ambiante et la brièveté des événements limitent la possibilité pour les victimes et les témoins d'observer clairement ce qu'il s'est passé.  La réapparition cette année de ces faits peut être liée à des publications sur les réseaux sociaux apparues peu avant la fête de la musique. En tout état de cause, le traitement médiatique de ces faits et leur écho sur les réseaux sociaux semblent disproportionnés par rapport à la réalité. Certains faits ont été annoncés de manière précipitée, en lien avec les réseaux sociaux et l'activité d'influenceurs, certains jeunes en profitant pour amplifier et alimenter les rumeurs. L'effet des réseaux sociaux a certainement eu des conséquences sur le nombre de personnes se déclarant victimes. En tout état de cause, la gendarmerie nationale et la police nationale restent vigilantes et engagées pour mener à bien les enquêtes ouvertes.

Données clés

Auteur : M. Julien Odoul

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025

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