Question écrite n° 8179 :
Piqûres sauvages, quelles mesures pour rétablir la sécurité dans l'espace public

17e Législature

Question de : Mme Julie Lechanteux
Var (5e circonscription) - Rassemblement National

Mme Julie Lechanteux attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur un phénomène inquiétant qui met en péril l'ordre public et la sécurité nationale : les piqûres sauvages infligées dans l'espace public, notamment lors de rassemblements festifs ou culturels. À l'occasion de la Fête de la musique du 21 juin 2025, 145 cas de piqûres sauvages ont été recensés sur l'ensemble du territoire national. Ces actes feraient suite à des publications diffusées sur les réseaux sociaux, appelant explicitement à « attaquer et piquer les femmes ». Ce phénomène n'est pas nouveau : entre janvier et août 2022, près de 2 000 plaintes avaient été déposées, chiffre encore en hausse avec 2 100 plaintes en 2023. Ces données traduisent une progression inquiétante de ce type d'agressions. Les victimes rapportent la présence de marques suspectes assimilables à des piqûres, souvent accompagnées de symptômes physiques (vertiges, nausées, pertes de connaissance), ou d'une détresse psychologique importante, liée à la peur d'avoir été droguées à leur insu et à l'incertitude entourant ces agressions. Ces agressions se déroulent dans des lieux festifs : concerts, bars, établissements de nuit, ou encore dans la rue et ciblent majoritairement des femmes, souvent jeunes et parfois mineures. Ce constat fait écho à d'autres signaux d'alerte concernant la sécurité des femmes : en début d'année, Mme la députée avait déjà interpellé le Gouvernement sur la recrudescence des violences sexuelles dans les transports en commun. Il apparaît désormais clairement qu'un climat d'insécurité durable s'est installé sur le territoire national, limitant la liberté de circulation, notamment des jeunes femmes, qui craignent pour leur intégrité physique. Un obstacle majeur à la lutte contre ce phénomène réside dans la difficulté d'identifier les auteurs, souvent agissant dans la foule, sans témoin direct. Dans de nombreux cas, les dépôts de plainte aboutissent à un classement sans suite, faute de preuves suffisantes ou de moyens d'enquête adaptés. Mme la députée estime donc indispensable, en plus du renforcement de la présence policière, de prévoir des moyens d'investigation accrus : vidéosurveillance dans les lieux à risque, dépistages toxicologiques systématiques en cas de suspicion, préservation rapide des preuves, ainsi que le fichage systématique des individus mis en cause, notamment lorsque ceux-ci sont connus des services de police ou de nationalité étrangère, comme ce fut le cas récemment. Cette réalité ne peut être ignorée : elle doit être pleinement intégrée aux procédures d'interpellation et de jugement. Mme la députée rappelle à M. le ministre qu'il est de sa responsabilité de protéger tous les citoyens et de faire en sorte que les espaces publics et les rassemblements festifs retrouvent leur vocation première : être des lieux de liberté, de sécurité et de convivialité. Elle l'interroge en conséquence sur les dispositifs précis qu'il compte mettre en œuvre pour garantir la sécurité dans les lieux publics et endiguer durablement ce phénomène.

Réponse publiée le 2 décembre 2025

Pour la fête de la musique du 21 juin 2025 comme pour tout autre événement de ce type, le préfet de police et les préfets de département ont mis en place, à la demande du ministre de l'intérieur, des dispositifs de sécurité adaptés. Des forces de l'ordre ont été déployées sur tout le territoire, notamment dans l'agglomération parisienne, afin de prévenir les débordements, d'assurer la sécurisation et la surveillance générale de la voie publique et de garantir le bon déroulement des festivités. Un service d'ordre particulièrement important a en particulier été mis en œuvre à Paris, avec un maillage renforcé autour des principaux lieux de festivités. L'engagement des forces de sécurité intérieure de l'État sur le terrain a été massif et largement efficace. Au-delà des missions relevant de la responsabilité de la puissance publique en matière de maintien de l'ordre, les maires aussi ont un rôle à jouer pour assurer le bon déroulement de telles manifestations, en vertu de leur pouvoir de police générale en matière de sécurité publique, de tranquillité publique et de salubrité publique, ainsi que, le cas échéant, les organisateurs. Des troubles à l'ordre public ont malgré tout été à déplorer, notamment dans certains points de la capitale. Les débordements et les exactions, commis notamment par des casseurs, sont toutefois restés relativement localisés et ont été rapidement maîtrisés. S'agissant des faits dits de « piqûres sauvages » (qui peuvent constituer un fait d'administration de substances nuisibles), 48 procédures ont été enregistrées dans l'agglomération parisienne au cours de la fête de musique de cette année, dont 46 à Paris. Ce chiffre est en hausse par rapport à 2024 (10 procédures) et 2023 (18 procédures), mais reste inférieur au niveau constaté en 2022 (59 procédures). Il doit également être mis en perspective avec le nombre de personnes ayant participé à la fête, soit plus de 1 million de personnes. À ce jour, 11 interpellations ont été réalisées. Sur le plan national (hors zone préfecture de police), en zone de compétence police, ont été recensées un peu plus de 250 signalements de « piqûres sauvages », ayant conduit à un peu plus de 100 plaintes (soit 40 % environ des signalements). Ont été interpellés 23 mis en cause et 16 placés en garde à vue (données à fin juin 2025). Aucun pronostic vital n'était engagé, mais certaines victimes ont été prises en charge dans des hôpitaux pour des analyses toxicologiques. En 2024 comme en 2023, très peu de faits avaient été signalés (de 30 à 40), et 5 faits seulement avaient été recensés en 2021. L'année 2022 - avec une forte médiatisation cette année-là de ces comportements qui étaient détectés pour la première fois en France et dans plusieurs autres pays européens - avait, elle, été marquée par un chiffre élevé (700 faits environ). Les forces de sécurité intérieure disposent de procédures bien établies pour prendre en charge les victimes (prélèvements systématiques et réalisés en priorité, avant même que la victime ne soit auditionnée en vue du dépôt de plainte) et chaque signalement donne lieu à l'ouverture d'une enquête.  Le volet préventif demeure indispensable. Il ne relève pas à titre principal de la compétence des forces de sécurité intérieure de l'État, mais les mesures de prévention et de sensibilisation conduites, notamment en amont des grands événements, sont essentielles pour informer le public et favoriser la prise en charge rapide des victimes. Cette action peut par exemple être menée par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, ainsi que par les organisateurs d'événements. En tout état de cause, le phénomène, qui doit être distingué du problème de l'administration de substances nuisibles dans le cadre de la soumission chimique, demeure difficile à caractériser. Dans nombre de cas, les examens toxicologiques ne révèlent pas qu'une quelconque substance nuisible ait été injectée. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette absence de détection : piqûres sans injection réelle, administration de doses infimes ou de substances rapidement métabolisées, délais trop longs entre les faits et les prélèvements biologiques, etc. Par ailleurs, ces actes surviennent généralement dans des contextes de forte affluence, où la concentration de personnes complique à la fois l'identification des auteurs et la collecte de témoignages circonstanciés. L'effet de foule, l'agitation ambiante et la brièveté des événements limitent la possibilité pour les victimes et les témoins d'observer clairement ce qu'il s'est passé.  La réapparition cette année de ces faits peut être liée à des publications sur les réseaux sociaux apparues peu avant la fête de la musique. En tout état de cause, le traitement médiatique de ces faits et leur écho sur les réseaux sociaux semblent disproportionnés par rapport à la réalité. Certains faits ont été annoncés de manière précipitée, en lien avec les réseaux sociaux et l'activité d'influenceurs, certains jeunes en profitant pour amplifier et alimenter les rumeurs. L'effet des réseaux sociaux a certainement eu des conséquences sur le nombre de personnes se déclarant victimes. En tout état de cause, la gendarmerie nationale et la police nationale restent vigilantes et engagées pour mener à bien les enquêtes ouvertes.

Données clés

Auteur : Mme Julie Lechanteux

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025

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