Question orale n° 81 :
Recrutement et situation des assistants familiaux

17e Législature

Question de : M. David Guerin
Seine-Maritime (9e circonscription) - Horizons & Indépendants

M. David Guerin appelle l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur les assistants familiaux. Les assistants familiaux chargés d'accueillir des mineurs et des jeunes de moins de 21 ans à leur domicile en France sont des acteurs essentiels de la protection de l'enfance. Ils constituent l'un des tout premiers modes d'accueil des enfants de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et permettent de répondre aux réels besoins de stabilité, d'encadrement et de sécurité de ces enfants. Selon les chiffres de la Drees (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) de fin 2021, 74 700 jeunes, soit 40 % de l'ensemble des jeunes confiés à l'ASE dans l'Hexagone seraient hébergés en famille d'accueil. Dans un rapport paru en novembre 2020, la Cour des comptes alertait sur les risques qui pesaient sur le métier d'assistant familial. En moyenne, les effectifs d'assistants familiaux diminuent chaque année de 1,4 % depuis 2017. Cette situation varie bien entendu selon les départements. Le département de Seine-Maritime comptait 736 familles d'accueil en 2012 ; elles ne sont plus que 594 en 2024, alors que le nombre d'enfants à accueillir ne cesse d'augmenter. Pour pallier ce manque d'assistants, mais aussi leur vieillissement et répondre aux souhaits de certains citoyens, en mai dernier, à la quasi-unanimité, le Sénat a adopté une proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial. Cette mesure ferait sens. En effet, en audition au Sénat dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi, plusieurs acteurs de la protection de l'enfance ont souligné le fait qu'autoriser les assistants familiaux à cumuler cette activité avec un emploi dans des conditions adéquates constituait un intérêt pour l'enfant dans le sens où avoir une famille qui travaille favoriserait chez lui un sentiment de normalité et lui ferait prendre conscience de la valeur du travail. Or, jusqu'à ce jour, être famille d'accueil implique que le ou les adultes de cette famille ne doivent pas exercer une autre activité professionnelle. Cette proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale en mai dernier et redéposée en juillet. Il forme le vœu que cette proposition de loi soit rapidement inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il s'agit d'une initiative parlementaire mais ce sujet doit emporter l'adhésion du Gouvernement, dont il espère qu'il la soutiendra. Ce texte n'aborde qu'une partie des solutions pour enrayer la crise des recrutements des assistants familiaux. L'ONU reconnaît que l'accueil familial est le système le plus protecteur des droits et des besoins fondamentaux des enfants. De même, la Convention internationale des droits de l'enfant prévoit que le placement en famille d'accueil doit être la solution privilégiée. Or ce mode d'accueil recule. Une réflexion plus large doit être menée pour assurer l'accueil d'un grand nombre d'enfants en famille d'accueil et leur garantir une plus grande stabilité dans leurs parcours encore trop souvent chaotiques. Aussi, il lui demande de lui indiquer si, en lien avec les départements, elle entend faire de l'accueil et du suivi des enfants par des assistants familiaux une de ses priorités et quelles mesures son ministère pourrait prendre dans ce domaine dans les prochains mois.

Réponse en séance, et publiée le 22 janvier 2025

ASSISTANTS FAMILIAUX
M. le président . La parole est à M. David Guerin, pour exposer sa question, no 81, relative aux assistants familiaux.

M. David Guerin . Les assistants familiaux chargés d'accueillir des mineurs et des jeunes de moins de 21 ans à leur domicile sont des acteurs essentiels de la protection de l'enfance. Ils constituent l’un des tout premiers modes d'accueil des enfants de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et permettent de répondre à leur besoin de stabilité, d'encadrement et de sécurité. Selon les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), fin 2021, 74 700 jeunes – soit 40 % de l'ensemble des jeunes confiés à l'ASE en France métropolitaine – étaient hébergés en famille d'accueil. Dans un rapport relatif à la protection de l'enfance paru en novembre 2020, la Cour des comptes soulignait le risque de voir disparaître le métier d'assistant familial : depuis 2017, les effectifs d'assistants familiaux diminuent chaque année, en moyenne de 1,4 % – une situation qui varie selon les départements. Dans mon département, la Seine-Maritime, nous comptions 736 familles d’accueil en 2012 ; elles ne sont plus que 594 en 2024, alors que le nombre d’enfants à accueillir ne cesse d’augmenter.

Pour pallier ce manque d’assistants – leur moyenne d'âge est de 49 ans – et répondre aux souhaits de certains de nos concitoyens, le Sénat a adopté en mai 2024, à la quasi-unanimité, une proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d’assistant familial. Cette mesure serait pertinente. Lors de leur audition au Sénat menée en amont de cette proposition de loi, plusieurs acteurs de la protection de l’enfance ont souligné qu'autoriser les assistants familiaux à cumuler cette activité avec un emploi, dans des conditions adéquates, serait dans l'intérêt de l'enfant : évoluer au sein d'une famille qui travaille favoriserait chez l'enfant accueilli un sentiment de normalité et lui ferait prendre conscience de la valeur du travail. Or, jusqu’à présent, être famille d’accueil implique que le ou les adultes constituant cette famille n'exercent pas d'autre activité professionnelle.

Cette proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale en mai dernier et redéposée en juillet. Je forme le vœu qu'elle soit rapidement inscrite à l'ordre du jour. Il s’agit d’une initiative parlementaire, mais ce sujet doit emporter l’adhésion du gouvernement. J’espère que vous la soutiendrez.

Ce texte n’aborde qu’une partie des solutions permettant d'enrayer la crise du recrutement des assistants familiaux. L'ONU reconnaît que l'accueil familial est le système le plus protecteur des droits et des besoins fondamentaux des enfants. De même, la Convention internationale des droits de l'enfant prévoit que le placement en famille d'accueil doit être la solution privilégiée. Or ce mode d’accueil recule. Une réflexion plus large doit être menée pour assurer le placement d’un grand nombre d’enfants en famille d’accueil et leur garantir une plus grande stabilité dans un parcours encore trop souvent chaotique. Entendez-vous faire de l’accueil et du suivi des enfants par des assistants familiaux, en lien avec les départements, l'une de vos priorités ? Quelles mesures le ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles pourrait-il prendre dans ce domaine dans les prochains mois ?

M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins . Je vous remercie de soulever le sujet important de l’accueil familial au bénéfice des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.

La protection de l’enfance souffre de plusieurs difficultés ; les perspectives démographiques pesant sur le métier d’assistant familial ne sont pas les moindres.

Près de 40 000 assistants familiaux accueillent chaque jour plus de 70 000 enfants. Cette profession essentielle souffre pourtant de perspectives démographiques défavorables : la moitié des professionnels seront partis à la retraite dans moins de dix ans. Le gouvernement a engagé de nombreux travaux pour résoudre la crise que traverse le secteur, afin que la loi relative à la protection des enfants du 7 février 2022 puisse être pleinement appliquée, tant dans sa lettre que dans son esprit. Il s’agit, en particulier, d’offrir à chaque enfant un parcours et une prise en charge qui soient les plus individualisés possibles, au sein d’une famille.

Dans cette perspective, l’accueil en famille est un objectif privilégié. Il peut se faire chez un tiers de confiance, dans le cadre d’un accueil durable et bénévole, tout comme, bien entendu, chez les assistants familiaux. La loi de 2022 a mis en valeur cette dernière modalité d’accueil, en sécurisant le statut et la rémunération des assistants familiaux, ainsi qu’en définissant des modalités de répit.

Il nous faut cependant aller plus loin, afin d’enrayer la crise d’attractivité que connaît cette profession à l’instar d’autres professions du soin. L’ouverture du métier à de nouveaux profils, au moyen notamment du cumul d’emploi figurant dans la proposition de loi du sénateur Xavier Iacovelli à laquelle vous avez fait référence, est une piste prometteuse que le gouvernement soutient.

Cette disposition tend en effet à corriger une inégalité entre les agents du secteur public et les salariés du secteur privé : un agent public ne peut pas exercer la profession d’assistant familial en même temps qu’une autre activité, au contraire des actifs du privé. Qu’on songe par exemple aux agriculteurs qui, dans certains départements, se sont emparés de cette possibilité.

Cette proposition permettrait donc d’élargir le vivier des assistants familiaux, d’attirer de nouveaux profils d’accueillants et de créer des vocations nouvelles, tout en améliorant les conditions de répit de ceux qui sont déjà en activité. Nous ne pouvons qu’y être favorables.

Une telle ouverture devra bien sûr s'accompagner d’une exigence sur la formation et les compétences, tout comme sur l’honorabilité des nouveaux entrants. Elle peut et doit s’inscrire dans une stratégie plus globale de revalorisation de la profession d’assistant familial, stratégie que nous construisons avec tous les acteurs.

L’accueil familial, en ce qu’il contribue à une désinstitutionnalisation de la protection de l’enfance, est une priorité du gouvernement : il est au cœur des travaux conduits actuellement dans le cadre d’une refondation de la protection de l’enfance. La question des conditions de prise en charge de l’enfant y est centrale. Le gouvernement entend amorcer un virage vers une prévention renforcée, vers un meilleur accompagnement des parents en amont et, lorsque le placement s’avère nécessaire, vers une recherche des solutions les plus familialisées possibles.

Nous travaillons donc à accroître l’attractivité de cette profession et sa capacité à fidéliser celles et ceux qui s’y engagent. Dans cette perspective, nous recueillons les avis et les propositions des fédérations d’assistants familiaux des départements ainsi que des associations, afin d'identifier des leviers d'action.

Il s'agit d'abord d'améliorer l’entrée dans le métier au moyen, par exemple, de campagnes volontaristes de recrutement auprès de personnels médicaux en seconde partie de carrière.

Il convient en deuxième lieu de diversifier les modalités d’exercice en développant, par exemple, l’accueil en relais par d’autres assistants familiaux dans le cadre d’un cumul avec un autre emploi.

En troisième lieu, il faut renforcer l’accompagnement professionnel des assistants familiaux et rompre leur isolement.

En quatrième lieu, nous devons revaloriser et harmoniser les aides et les indemnités.

Un travail de réingénierie du diplôme d’État d’assistant familial a également été entrepris avec le secteur afin de renforcer la professionnalisation, de mieux reconnaître la compétence des assistants familiaux et de rendre plus attractifs le travail et la formation. Ce travail pourrait notamment aboutir à une revalorisation du diplôme.

Pour soutenir ces initiatives, la prochaine contractualisation avec les départements en matière de prévention et de protection de l’enfance sera consacrée en priorité à toutes les formes de placement à dimension familiale, en premier lieu chez les assistants familiaux.

Protéger chaque enfant est la priorité du gouvernement. Nous conduirons pour cela à son terme la refondation de la protection de l’enfance et nous veillerons à la bonne inscription dans le calendrier de la proposition de loi précitée.

Données clés

Auteur : M. David Guerin

Type de question : Question orale

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 janvier 2025

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